2-6 Autres données : journaux et enquêtes

Les relevés de calendriers effectués dans un certain nombre de journaux locaux se révèlent très complets sinon presqu’exhaustifs dans le cas de bals publics. La cartographie de ces données a généralement donné des résultats surprenants en permettant de surcroît de disposer d’informations à un niveau d’échelle, celui de la petite région, difficile à aborder par ailleurs.

Comme un dépouillement systématique était difficilement envisageable, on s’est contenté de quelques sondages en fonction des besoins : les bals du 14-juillet dans trois régions choisies car on disposait d’études complémentaires 112 (Béarn, Vendée et Sarthe), ceux du 15 août en sus pour le Béarn. Sont respectivement concernés : La République des Pyrénées et Sud-Ouest, éditions de Pau; Ouest-France, édition de La Roche-sur-Yon; Ouest-France, édition du Mans. L’édition de Ouest-France de Rennes a été rejetée bien qu’un doute subsiste : sa recension, payante 113 , était-elle incomplète ou le nombre de bals du 14-juillet et du 15 août est-il dans la région moindre que dans d’autres régions ?

Sont également utilisées, à d’autres périodes, des informations tirées de la Dépêche du Midi, éditions de Toulouse et Carcassonne, de L’Indépendant de Perpignan et du Galibot, journal publicitaire gratuit de Lille.

Les enquêtes, même limitées comme dans le cas de celles qu’on présente ici, doivent être distinguées de l’observation sur le terrain. Le caractère plus systématique des premières comme la méthode mise en oeuvre induisent une utilisation différente.

Dans les enquêtes, on s’efforce de rassembler une information qui puisse être généralisable, même si le nombre de bals ou d’orchestres concernés limité invite à la plus grande prudence: ce travail n’a pas vocation de produire des éléments statistiques mais des tendances, une objectivation pour amener l’explicitation. Il permet de souligner des caractéristiques souvent repérables à l’observation mais dont on veut cerner l’importance tout en ce dégageant de cette subjectivité qu’on réintègre par ailleurs comme on va le voir dans le sous-chapitre qui suit: “Le “traiter les faits sociaux comme des choses” renvoie à cette exigence de ne pas saisir le monde social du dedans, avec la vision subjective de chacun, les “sentiments”, les valeurs qui se mettent de la partie. Dans le premier temps de l’analyse, il nous faut donc considérer les faits sociaux en eux-mêmes, détachés des sujets conscients qui se les représentent ; il faut les étudier du dehors comme des choses extérieures” 114 .

Elles permettent de travailler à des niveaux d’échelles qui ne sont pas abordables avec les données déjà présentées; elles en corrigent les manques (public, organisateurs) et surtout les lissages induits par des effets de moyennes qui agrègent des espaces ou des groupes très différents sur des circonscriptions ou des ensembles plus larges. Deux enquêtes ont été réalisées. Elle nous permettent de couvrir deux niveaux d’échelle différents.

La première 115 s’intéresse aux tournées d’orchestres afin de disposer d’informations sur les organisateurs et les types de bals concernés ; il s’agit surtout de fournir une information susceptible de permettre la définition précise des bals. Obtenir des informations, assimilées par les chefs d’orchestres à des secrets commerciaux dans un milieu où la concurrence fait rage, fut difficile. A la suite de trois envois de questionnaires entre 1992 et 1997, (158 exemplaires) seules une quinzaine de réponses, représentant près de 500 bals, me sont parvenues.

Parmi elles, la promesse de confidentialité affirmée dans la demande d’information n’a pas été suffisante pour éliminer toute méfiance: deux orchestres sont restés anonymes, deux ne donnent qu’un prénom et six se limitent à quelques informations sur leur calendrier et ses lieux d’exécution (souvent même seulement le département concerné).

De même, mais c’est sans importance, plusieurs orchestres ont donné des informations sur la tournée réalisée un, deux voire trois ans auparavant. Pour tout l’ouest et le nord du pays, la rareté des réponses et le caractère régional des tournées ne permettent guère une exploitation des informations obtenues, elles-mêmes très limitées. On peut le regretter puisqu’il s’agit d’une région mal connue, où les informations issues de l’observation sont rares. Cela accentue le déséquilibre avec le sud et l’est du pays où les questionnaires les plus complets sont remplis par des orchestres connus et où s’y ajoute une observation plus importante. Mais le recoupement des nombreuses sources de diverses natures comme l’utilisation des travaux de Marchan, permettent de pallier ces manques sans trop de déformation.

Les questionnaires les plus complets, particulièrement trois d’entre eux, sont extrêmement intéressants. Si leur exploitation statistique n’a qu’une valeur indicative, leur convergence, fréquente et très nette, alors même qu’ils sont de tailles ou de régions différentes permettent d’en tirer une information précieuse.

La deuxième enquête 116 s’efforce de déterminer l’aire d’origine du public d’un certain nombre de bals. Il était prévu de s’installer à l’entrée de certains bals pour interroger le public. Pour diverses raisons pratiques, cette solution s’est avérée difficile à mettre en oeuvre : répugnance fréquente des personnes interrogées à répondre, dans deux cas évidemment rejetés plusieurs entrées au bal orientaient les réponses vers une seule origine géographique, un cas de refus des organisateurs de laisser se réaliser l’enquête. Aussi, n’a été retenu qu’un seul résultat d’enquête obtenu de cette manière. Très précis et conforme à l’observation dans d’autres manifestations de même type, il se révèle cependant intéressant.

Pour pallier ces difficultés, une autre stratégie a été mise en oeuvre. Elle consiste à relever sur le parking les indications du département d’origine des véhicules du public : pour améliorer la précision, plusieurs bals ont été étudiés dans la région de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) car on s’y trouve à proximité de 3 autres départements (Gers, Hautes-Pyrénées, Ariège). Surtout, l’information la plus riche est donnée par les fréquentes publicités de garagiste qui se trouvent sur le véhicule. Plus de la moitié des véhicules sont concernés dans les cas étudiés. La principale et plus fiable indication est celle figurant sur la plaque d’immatriculation ; pour les véhicules plus anciens s’y ajoute la mention du garage qui a procédé au contrôle technique.

Ces informations permettent ensuite de dresser des cartes très utiles dont la concordance entre elles et avec d’autres marqueurs indique la fiabilité. Elles présentent cependant quelques défauts : elles sous-estiment l’importance du public d’origine locale venu à pied. Mais, celui-ci est minoritaire car à la campagne ou dans les périphéries urbaines l’utilisation de la voiture est générale et presque systématique. De plus, la comparaison entre le nombre de véhicule et l’affluence dans la salle permet de l’évaluer grossièrement. L’utilisation des deux méthodes (questionnaires et relevé) dans un cas a confirmé la convergence des résultats dans les deux approches. On peut donc surtout regretter que les informations obtenues soient plus réduites dans ce deuxième cas : le questionnaire permettait de disposer d’indications sur la structuration et les motivations du public. Enfin, cette méthode amène à surreprésenter les villes importantes au détriment des plus petites agglomérations. C’est ainsi très net dans les relevés réalisés dans l’Aveyron, trop près de Rodez pour que son influence ne soit pas exagérée.

Mais quelques questions complémentaires obtenues des organisateurs tout autant que l’observation ont souvent permis de compléter le portrait du public des 11 bals concernés.

Notes
112.

Di Méo pour le Vic-Bilh (Nord-Est du Béarn); Siegfried pour l’ouest; Bois pour la Sarthe. Références complètes en cours d’étude.

113.

Mais c’est aussi le cas des autres journaux utilisés avec une marge vérifiée: sur plus de 120 bals, 2 à 3 non mentionnés par La République des Pyrénées , 20 à 25 par Sud-Ouest . 9 sur 10 et 21 sur 21 (2 vérifications) sont signalés dans La Dépêche du Midi.

114.

DE SINGLY, F. L’enquête et ses méthodes: le questionnaire. Nathan-Université coll. 128, 1992, p. 17-18

En italique. l’auteur cite Durkheim

115.

Annexe 3

116.

Annexe 4