3-1 Définir le bal

3-1-1 Distinguer la danse et le bal

Dans l'imaginaire commun le bal répond à un certain nombre de clichés dont beaucoup, sans être toujours inexacts, sont pourtant à fortement nuancer car ils ne concernent jamais l’ensemble des bals. Cela amène donc à le définir de façon à cerner l'objet de l’étude. Afin d’établir des types efficaces il convient de distinguer les quatre éléments qui font le bal: c'est un lieu où l'on danse, un public, des organisateurs, la musique.

L'étude du bal devrait recouvrir tous les endroits où l'on danse. On pourra donc recenser:

  • Les bals publics
  • Les bals privés
  • Les discothèques

Les fêtes privées.

De fait, seuls les deux premiers seront abordés ici. Les discothèques sont certes une des formes modernes de la danse en public. Dans les années 70, elles ont même paru représenter le seul avenir au terme d'une évolution où les pessimistes voyaient disparaître le bal plus traditionnel.

Aujourd'hui le monde des discothèques est en crise 120 , une crise qui tient autant à un problème d'image (stéréotypée) qu'à leur multiplication et à la rénovation du bal. “Les droits provenant des exploitants de discothèques sont en baisse de 19,1 % par rapport à 1993. Ce type de loisirs semble moins répondre aux attentes des jeunes, comme les bals et repas dansants animés par des disc-jockeys, en baisse également, avec 68 000 séances contre 70 000 en 1993.” 121

En conflit depuis 1976 avec la SACEM, notre principale source documentaire, ces discothèques sont difficiles à cerner statistiquement: on en recense 5400 mais nombreuses sont celles qui ont disparu et il n'en resterait plus que 3000 aujourd'hui. Une étude distincte serait nécessaire, d'autant que leur répartition, probablement peu homogène sur l’ensemble du territoire français, peut expliquer dans certains cas les différences régionales de comportement du bal.

De plus, leur fréquentation est très différente selon l’âge: elles intéressent massivement les jeunes qui les préfèrent de plus en plus au bal: pour les moins de vingt-cinq ans, la pratique des deux activités étaient équivalente il y a vingt ans 122 ; l’écart est aujourd’hui 123 du simple au double, les gains de l’une étant d’ailleurs équivalents au recul de l’autre. Mais depuis quelques années, des fêtes moins privatisées, les raves, se développent à nouveau et bénéficient d’une image très positive auprès des jeunes. Semi-clandestines à l’origine, de plus en plus officielles, il s’agit là d’une des formes de rénovation du bal.

Quant aux fêtes privées, familiales ou amicales, elles sont probablement les plus nombreuses mais malheureusement presqu’impossibles à cerner: le domaine privé échappe (heureusement) à toute évaluation statistique. Quelques estimations sont parfois tentées; toutes insistent sur l’importance du phénomène. La demande auprès des petites disco-mobiles, très impliquées, suggère qu’elles sont probablement deux ou trois fois plus nombreuses que les bals.

On laissera donc dans l'ombre un des lieux majeurs de sociabilité, sûrement très différencié selon les régions. On peut cependant le regretter car c'est le principal espace d'initiation à la fête et aussi parce que la frontière entre ces fêtes et les bals plus "officiels" est parfois ténue: les disquaires de bal 124 interrogés reconnaissent souvent (surtout dans les petites entreprises) que ces fêtes, notamment les mariages, représentent une part très importante de leur activité. Certains des gros orchestres interrogés signalent des prestations importantes dans des bals de comités d’entreprise, pas toujours déclarés à la SACEM, et présentés comme fêtes privées, avec pourtant parfois plus de 500 participants et des budgets de 100 000 francs...

Notes
120.

SEMA-GROUP. Evaluation et perspectives des discothèques en France. Sono, juin-septembre 1990. Suppléments Night Business Infos.

121.

MALLEK, Alain. Le rapport annuel 1994 d’activité de la SACEM. Sono magazine, novembre 1995, p. 229.

122.

Ministère de la culture. Enquête pratiques, 73.

123.

Ministère de la Culture. Enquête jeunes, 94.

124.

Plutôt que cette formule un peu désuète et inusitée, j'utiliserai dorénavant l'expression courante anglo-saxonne de disc-jockey, DJ pour les initiés (prononcer deijei)