2e partie. La diversité du bal et de son public

Chapitre 1. La mutation du bal depuis les années 70

1-1 « Le bal n'est plus ce qu'il était... »

Le bal est-il condamné à disparaître ? C'est la question qui peut se poser à l'écoute des plaintes fréquentes des organisateurs ou de spectateurs: “Avant, quand on était jeune, dans le coin, toutes les fins de semaine, on pouvait choisir entre trois ou quatre bals. Aujourd'hui, c'est tout juste si tu en trouves un.” Cette remarque, un soir de juillet 1990, dans le sud de la Loire, qui ne l'a pas entendue un peu partout en France ? Et d'incriminer en vrac, la télévision, les boites de nuit, la crise économique, la mollesse de la jeunesse, les campagnes désertes ou toute autre cause locale, parfois cocasse: tel qui, dans les Pyrénées, reproche à la nouvelle route (elle a trente ans) de permettre aux jeunes d'aller passer leurs soirées plus loin; ou cet autre, dans le Gard, qui soupçonne les touristes allemandes de la côte d'attirer plus les garçons du coin que les filles du village ! Sans oublier (entendu plusieurs fois) les récriminations contre les gouvernements pour cause de chômage et surtout, suprême infamie, les lois limitant la consommation d'alcool et les contrôles routiers subséquents. Ce type de remarque est généralement à nuancer, même s'il recouvre parfois, localement, une part de vérité: la nouvelle route répond à de nouveaux besoins et ceux-ci ne passent plus toujours par le bal ! Il n’empêche que dans les Pyrénées comme dans le Gard on va peut-être plus loin mais c’est généralement pour aller dans un autre bal...

On va voir que, après une crise grave le mouvement de désaffection pour ce loisir s’est nettement ralenti. En même temps cela ne veut pas forcément dire que le bal est redevenu un loisir d’avenir: il reste fragile, au moins sous sa forme actuelle. De fait, il apparaît à l’étude que cette crise est un des moments d’une mutation en deux temps. Mutation importante qu’on peut maintenant, avec plus de vingt ans de recul, commencer à présenter.

Elle débute par une crise du bal sous la forme devenue classique parce que figée depuis la première moitié du siècle et la Libération, moment important de son histoire. Cette crise se traduit certes par un recul de la participation du public mais surtout du nombre de bals. En fait, il s’agit d’un mouvement de concentration au profit des bals les plus gros, les plus rentables aussi, dans les zones rurales moins concernées par la dépopulation induite par l’exode rural de l’après-guerre, alors que les villes, notamment les grands ensembles, n’ont pas vu de créations nombreuses malgré l’arrivée d’une nouvelle population.

Depuis une quinzaine d’années, la situation semble s’être stabilisée mais la mutation se poursuit, plus qualitative: le bal change et s’adapte à une société elle-même en mutation. Cela se traduit par une stabilisation du nombre de bals sans que cela exclue des crises ponctuelles mais d’origine externe. S’y ajoutent une érosion lente mais régulière de la participation du public le plus assidu, le renforcement de la présence de groupes jusqu’alors peu pratiquants, le mouvement de concentration des orchestres déjà évoqué. Le principal changement tient dans l’évolution des formes et des lieux du bal: développement des repas dansants périurbains au détriment des bals publics plus ruraux, adoption progressive dans les campagnes de ces formes urbaines avec, cependant, en même temps un discours contradictoire qui vante jusqu’au coeur des grandes métropoles, les bals publics ruraux.

On peut donc parler d’ajustement à l’évolution démographique du pays avec un temps de retard systématique (10-15 ans). Le recul de la première phase, suivi d’une érosion plus lente depuis, concerne surtout les zones touchées par la dévitalisation. Le développement dans les villes ne se fait que dans la seconde phase, essentiellement dans les zones périurbaines et s’adapte aux réalités de ce nouveau type d’habitat.

On peut essayer de voir ces processus plus en détail.