Chapitre 6. Une économie paradoxale

6-1 Un milieu économique difficile à cerner

Il s’agit maintenant de cerner l’économie du bal et mettre en valeur son utilité.

L’image de départ est celle d’un bal en évolution mais encore puissant, sans exagérer pour autant son importance. Les revenus que les artistes retirent de la danse sont nettement plus substantiels que ceux procurés par les spectacles et même les subventions. La danse apparaît donc comme un acteur majeur du monde artistique car elle en permet partiellement la survie. On lui trouvera également un intérêt dans le sens où elle produit aussi du lien social mais aussi les moyens d’entretenir ce lien social dans d’autres activités. Agent discret et efficace au service de pratiques plus “nobles”, cette activité mérite donc qu’on s’arrête un instant à tenter d’en décrire l’importance économique.

Il demeure qu’évaluer l'importance globale du phénomène reste difficile. Sans vouloir reprendre l’étude des sources d’information 346 , on doit évoquer quelques spécificités de celles concernant l’économie. Nous disposons d’indicateurs (4 de l’INSEE, 1 de la SACEM 347 ) dont la principale caractéristique est le manque de précision. Les deux principales séries fournies par l’INSEE ne distinguent ainsi pas, à l’intérieur de la rubrique “danse”, les différents lieux où l’on danse (bal, discothèque, dancing...). Or ces lieux déterminent des pratiques, attirent des publics différents. De plus, il s’agît des ménages soit près de 3 personnes par budget 348 sans que l’on puisse toujours bien distinguer entre leurs membres dont les préoccupations et occupations ne sont pas homogènes.

Certaines données sont encore plus imprécises et complexes car elles se réfèrent soit à l’ensemble du budget culturel (culture seule, sorties comprises), difficile à distinguer du budget culture et loisirs ou du budget loisirs-spectacles-enseignement-culture. En 1985, le budget sorties s’élève à 517 francs et le budget culturel à 4261 francs. En 1989, le budget sorties (avec cette fois les spectacles sportifs, non intégrés en 1985) représente 743 francs par ménage, quand l’ensemble des dépenses loisirs-spectacles-enseignement-culture atteint 12 222 francs (8% du budget total des ménages). Mais la précision devient alors très insuffisante car ces données agrègent des éléments très différents, des pellicules photographiques aux bateaux de plaisance, jeux de hasard ou remontées mécaniques... 349

Quant à l’étude plus spécifique sur les dépenses de loisirs de 1970 à aujourd’hui 350 , elle repose une fois encore la question de la distinction entre loisirs et culture. En effet, elle intègre dans les loisirs les achats de plantes, d’aliments pour animaux... Surtout, cette étude est réalisée à partir de données fournies par les Comptes de la Nation qui, bien que très fiables, se contentent de donner les résultats en grandes masses, sans distinctions ni sociales, ni professionnelles.

L’étude la plus précise, mais déjà un peu vieillie, reste donc celle d’Olivier Donnat 351 . L’auteur s'est efforcé de rassembler l'ensemble des données de l'INSEE afin d’analyser la consommation culturelle des ménages. Elle est complétée par l’analyse du budget des ménages en 1989 352 . Nous disposons ainsi d’un regard sur 10 ans (de 1978-79 à 1989). Il n’est pas possible pour l’instant de disposer de données plus récentes aussi précises.

On va donc s’efforcer de dresser le tableau d’ensemble de l’activité puis on veillera à s’intéresser aux différences sociales et spatiales de comportements.

Notes
346.

1ère partie, chapitre 2.

347.

Il s’agit en outre d’un indicateur multiple puisque sont détaillées les perceptions selon les différents types de bals.

348.

Respectivement 2,8 et 2,6 personnes par ménage.

349.

INSEE. Tableaux de l’économie française. Ed.94-95, p. 46

350.

LEGER, Jacqueline. Les dépenses pour les loisirs depuis 1960. INSEE Première, n° 306, mars 94, 4 pages.

351.

DONNAT, Olivier. Dépenses. Op. cit.

352.

ENEAU, D., HOURRIEZ, J.M. ET MOUTARDIER, M. Op. cit.