6-5 Un rôle social majeur

Surtout, principal moyen de financement des associations, cela lui confère une fonction sociale indéniable. Un guide très sérieux et plutôt juridique de gestion des associations 373 comporte ainsi un chapitre spécifique intitulé Comment organiser un bal dont l’introduction débute ainsi: “Rares sont les associations qui à un moment ou à un autre de leur existence n'organisent pas un bal. C'est un moyen intéressant pour renflouer sérieusement leur trésorerie. Cependant il faut reconnaître que ces dernières années, les bals connaissent une certaine défaveur de la part du grand public. Cela serait dû à un certain nombre de raisons qu’il serait trop long d’analyser dans ce chapitre: évolution des goûts de la clientèle vers d’autres formes de loisirs, problème de la violence et des bagarres, problème de l’alcoolisme... En France, se plaindre est traditionnel: ces problèmes étaient déjà évoqués à la fin de l’après-guerre et après tout dans ce domaine les choses ont peu changé depuis. Il semble qu’en fait l’échec soit souvent dû à une mauvaise préparation. Aussi, il semble très raisonnable d’envisager de recourir à un ou deux bals annuels, mais bien préparés, pour permettre à votre association de disposer d’une trésorerie plus confortable.”

On a vu que selon l’étude de Renault, une bonne partie (4 sur 5) des organisateurs réussissent leur bal et ainsi les deux tiers engrangent un bénéfice généralement substantiel alors qu’au contraire seuls 21% des bals échouent. On comprend qu’un recul généralisé puisse avoir des conséquences sur l’activité de milliers de sociétés, associations, clubs sportifs locaux. Si la reprise actuelle de l’activité ne se confirme pas, révélant ainsi un changement plus profond de comportements, il faudra probablement trouver d’autres sources de financements pour un secteur associatif en pleine expansion.

Tableau 9. Evaluation du chiffre d’affaire moyen dans les bals
  Nombre de bals concernés Perception SACEM Estimation CA (perception 3%) Estimation CA (perception 4%) Estimation CA (perception 5%)
Moyenne France 150 458 855 f. 28500 f. 21 375 f. 17 100 f.
Minimum Bals et Repas Dansants (Périgueux) 1919 466 f. 15533 f. 11 650 f. 9 320 f.
Minimum Bals
(Laval)
738 351 f. 11700 f. 8775 f. 7020 f.
Maximum Bals et Repas Dansants
(Paris Sud)
416 3655 f. 121 833 f. 91 375 f. 73 100 f.
Maximum Bals
(Paris Sud)
229 4656 f. 155 200 f. 116 400 f. 93 120 f.

Source: SACEM, 95

De plus, toujours à l’aide des évaluations proposées plus haut on peut enfin estimer que le chiffre d’affaire officiel moyen des 160 000 bals oscille de 17 à 20 000 francs. L’observation et l’avis des professionnels convergent en ce sens. Enfin, l’utilisation de la perception moyenne de la SACEM corrobore cette estimation: 855 francs avec un prélèvement de 5%, cela nous donne un chiffre d’affaire compris entre 17 et 18 000 francs. Mais la diversité des situations est considérable: les écarts entre les maxima et minima de perception de la SACEM le montrent bien (Tableau 9).

S’y ajoute la diversité statistique susceptible d’en fausser l’appréhension: dans le sud du pays, la plus grande occurrence des bals publics, notamment municipaux, dont la perception à la SACEM est moindre, contribue probablement à minorer la perception qu’on peut avoir de la taille de ces bals; à l’inverse, le poids des repas dansants est peut-être légèrement sur-estimé pour des raisons inverses.

Pour une foule de petits bals obscurs et anonymes où le recours à la disco-mobile permet de réduire considérablement les frais, cela apparaît considérable: l’observation de beaucoup de ces manifestations permet de proposer d’évaluer, sans grand risque d’erreur sinon une probable sous-estimation de leur nombre, qu’une bonne moitié des bals ont un chiffre d’affaire inférieur à 10 000 francs avec des frais de disco-mobile (2000 à 4000 francs) représentant l’essentiel de la dépense. Par contre, pour la minorité des bals de plus grande taille, les coûts augmentent très vite: qu’il s’agisse de la musique -rares sont les orchestres dont le cachet est inférieur à 10000 francs- ou des frais annexes, tels que la location d’une salle de grande taille (de 2000 à 50 000 francs), de sécurité, d’assurance voire même de restauration ou de publicité. Ce sont donc ces bals de grande taille (un quart tout au plus, probablement moins) qui expliquent la moyenne. Une fois de plus, on voit que les situations diffèrent sensiblement.

Surtout, on constate que cela ne recouvre qu’une part des chiffres d’affaires réels: cette somme suffirait à peine à payer les orchestres dans bon nombre de cas. N’oublions donc pas non plus que dans la plupart des cas le recours au bénévolat, aux prêts gratuits de salles et de matériels, notamment municipaux permettent de compresser les dépenses. Cette part représente souvent des sommes considérables: beaucoup de communes accordent ainsi à leur association la jouissance gratuite ou à bas prix d’une salle une fois par an. Quand on sait que dans les rares créneaux où ces salles sont libres, une association d’une commune voisine ou un particulier se voient réclamer des sommes qui oscillent, selon la taille de la salle et surtout la commune 374 , entre 1000 et 10 000 francs par soirée, on mesure le poids d’une telle aide sur l’ensemble de l’année et on comprend mieux l’importance du mouvement de construction de salles des fêtes dans les années 70-80.

On voit donc que dans ce domaine, si les chiffres proposés sont plausibles, il est néanmoins préférable de rester prudent et de se contenter d’évaluation dont les résultats ne doivent pas nous impressionner outre mesure. Aborder en détail les dépenses du public amène à constater les mêmes écarts.

Notes
373.

JOHO, Jean. Op. cit.

374.

Les tarifs correspondent souvent grossièrement au degré d’urbanisation, autant qu’à la taille des communes; interviennent aussi le prestige de certaines communes périurbaines, de certaines salles, à réputation (souvent injustifiée) plus calme. Jouent également un rôle de nombreux autres éléments subjectifs dont le moindre n’est pas la force de l’habitude pour les bals qui reviennent régulièrement, ainsi que la politique municipale. Finalement, la taille de la salle est souvent secondaire. Ce facteur intervient probablement pour beaucoup dans le montant élevé des perceptions parisiennes de la SACEM alors qu’il est négligeable dans les zones rurales. Bien sûr, on n’aborde pas ici le cas des très grandes salles (jusqu’aux Palais des Sports) dont les tarifs de location sont considérablement plus importants.