6-6-3 Bals nombreux, bals pauvres

Au contraire de cette France du bal urbain et riche, les perceptions les plus faibles dessinent bien la ligne des régions en difficulté démographique, notamment le Massif Central. Les bals de campagne sont fréquents et ils serait inimaginable pour leur public qui y consacre déjà 50 à 67 % de son budget "sorties", de débourser des sommes plus importantes.

S’y ajoute le sud de la Bretagne, toujours nettement individualisé. Dans l’ensemble, les suds du pays ont généralement des perceptions plus faibles, tout comme l’extrême nord du pays, mais ici la variété des situations traduit la complexité des comportements.

Ailleurs, seules Montpellier et surtout Cannes et Monaco se rapprochent des grandes villes. Pour Montpellier, l’originalité vient de ce qu’on y marie deux situations habituellement contradictoires: il semble que les campagnes très urbanisées qui l’entourent se caractérisent par la taille importante des bals publics organisés à l’occasion des fêtes de villages: l’observation de celles-ci à Lattes, Pérols, surtout Mauguio et St-Jean-de-Védas semble le confirmer.

On remarquera aussi dès maintenant que le quart nord-est du pays, une grande partie de Rhône-Alpes et la vallée de la Loire s’individualisent nettement, de même qu’on opposera la côte Atlantique et l’intérieur des terres.

Si on veut récapituler, deux faits peuvent donc être retenus: l'extrême importance des écarts, qu’on a découverte bien supérieure aux écarts réels de revenus, et l’opposition presque systématique entre perception et fréquences des bals (graphique 3).

La culture et les loisirs sont des domaines où les inégalités sociales sont parmi les plus importantes: des inactifs aux cadres supérieurs, le budget culturel total oscille de 2600 à près de 10000 francs 378 . Mais l’inégalité la plus marquée tient en fait à d’autres causes que les revenus: le niveau culturel et le lieu de résidence. Evoquer une éventuelle identité culturelle régionale n’apparaît guère probant.

Dans notre cas ces écarts sont ainsi encore plus importants que ceux révélés par les revenus et l’ensemble des consommations culturelles. Ils révèlent des inégalités sociales, territoriales, certes mais également les différents types de bals qu'on peut trouver sur le territoire: les plus prestigieux, rares partout sauf en certains points de la région parisienne, ne rassemblent pas le même public, ne se déroulent pas dans les même lieux et surtout n'ont pas la même fonction sociale que la fête de village dans la délégation d'Aurillac. Ils sont les héritiers des bals donnés à l'Opéra Garnier sous le Second Empire 379 : "bals bourgeois" qui permettent de situer les notables 380 , de marier leurs filles et s'opposent au "bals populaires", c’est-à-dire ceux du reste de la population française. Mais cette répartition des bals à petit chiffre d’affaires tient aussi beaucoup à leur gratuité, plus fréquente dans le midi en particulier et les régions rurales en général.

Enfin, moins on danse, plus on paie cher; à l’inverse, généralement, plus ces bals sont nombreux par rapport à la population, moins ils donnent lieu à une perception importante. C’est la sortie nettement dominante, alors qu’ailleurs elle se révèle très secondaire.

Notes
378.

DONNAT, O. Dépenses. Op. cit.

379.

GERBOD, Paul. Op. cit.

380.

JOLIVEAU, Thierry. Associations d'habitants et urbanisation. L'exemple lyonnais (1880-1983). Editions du CNRS, Paris, 1987.