6-6-4 Relative stabilité et concentration

Les perceptions de la SACEM entre 1991 et 1995 sont stables (carte 13): la moyenne augmente légèrement de 831 à 882 francs mais en francs constants, il y a un léger recul (il aurait fallu percevoir 905 francs en 1995) qui s’ajoute au recul de leur nombre (5%).

Carte 13. Variation de la redevance moyenne à la SACEM par bal entre 1991 et 1995
Carte 13. Variation de la redevance moyenne à la SACEM par bal entre 1991 et 1995

Peut-on pour autant parler d’une difficulté à en maintenir l’importance ? Ce n’est pas certain car d’autres indices montrent qu’il s’agit surtout d’une baisse des coûts: les orchestres comme les disco-mobiles se plaignent tous d’un recul important des cachets perçus (20 à 25%), suffisant pour expliquer le décalage vu l’importance de ce poste dans le budget des organisateurs. On se montrera par contre plus circonspect sur les plaintes des organisateurs qui, avec constance, signalent un recul des dépenses du public. La remarque est ancienne: Dibie 381 , en Bourgogne, Renault 382 , comme Corbeau 383 ou Bessaignet 384 le signalent dès les années 70. Il est néanmoins possible que cette consommation soit sensible aux aléas économiques plus généraux mais il semble alors que c’est de manière moins marquée que pour d’autres consommations, justifiant ainsi les remarques faites au début de ce chapitre sur le caractère particulier de ce type de dépenses. D’ailleurs, on ne retrouve pas dans cette carte celle des régions en difficultés économiques: progrès de Metz, Saint Etienne, Charleville-Mézières ou Valenciennes 385 et recul des délégations savoyardes.

Cette érosion très modérée s’accompagne surtout de deux phénomènes contradictoires en apparence:

Les écarts se creusent légèrement, mais la période est trop courte pour que cette remarque puisse garder toute sa pertinence.

Les régions où les perceptions étaient les plus faibles rattrapent leur retard, ce qui pourrait inciter à évoquer une homogénéisation progressive des comportements. Les redevances minimales à la SACEM ont fortement augmenté: de 395 francs par bal en 1991, elles atteignent en 1995 le niveau de 466 francs (+18%).

De fait, ces résultats sont tirés par ceux de deux groupes de délégations: celles qui déjà payaient le plus en 1991 connaissent une progression marquée sauf en Rhône-Alpes, en net recul. C’est cette progression qui explique l’accroissement des écarts et l’impression d’inégalités croissantes. Dans le même temps, les délégations qui payaient le moins connaissent une évolution sensible de leurs résultats: le sud-ouest, le Languedoc et la Bretagne se distinguent ainsi. Entre ces deux extrêmes peu de changement, beaucoup de petites baisses mais souvent très nettement situées: ouest et nord-ouest ou Rhône-Alpes. Le nord-est poursuit sa progression.

Si on retranche les délégations de la région parisienne dont les perceptions sont maximales, on s’aperçoit que l’ensemble des autres entités se regroupent dans un rapport de 1 à 2, nettement moins important qu’en 1991 (presque 1 à 3). Cela participe probablement d’un processus déjà assez avancé d’homogénéisation des comportements sur l’ensemble du territoire.

Il est caractérisé par un phénomène de concentration qui depuis les années 70 touche peu à peu toutes les régions: les bals sont moins nombreux parce que les plus petits bals reculent, même s’il apparaît exagéré d’affirmer qu’ils disparaissent (ils représentent encore plus de la moitié de l’ensemble). Le mouvement a d’abord concerné les régions urbaines et plus peuplées. Aujourd’hui, ce phénomène touche, semble-t-il les délégations plus isolées et restées à l’écart qui voient ainsi leur chiffre d’affaire moyen augmenter arithmétiquement. Dans le même temps le nombre et la fréquence des bals et repas dansants diminue dans ces délégations quand les progrès sont plutôt le fait de régions plus urbanisées.

Dans ce contexte économique, la progression récente des orchestres peut sembler une de ces contradictions pointées au chapitre précédent. C’est partiellement vrai mais cela découle aussi de ce phénomène de concentration autant que d’autres tendances moins économiques de la société.

Notes
381.

Dibie, Pascal. Op. cit.

382.

Renault, P. Op. cit.

383.

Corbeau, Jean-Pierre. Le défouloir du samedi soir. in La fête, cette hantise! Autrement, 1976, p. 46-49

384.

Bessaignet, Pierre. Les citadins et les symboles de la vie rustique. in La fête, cette hantise! Autrement, 1976, p. 72-79.

385.

Mais peut-être s’agit-il d’un rattrapage dans des délégations où le niveau des perceptions est resté à un niveau très bas depuis les années 70 et parfois avant.