1-6 Un recul important

Depuis le début de la décennie, la stagnation du bal est due au recul du bal public: près de 14 000 bals publics en moins soit 15% quand l’ensemble des bals ne perd que 6000 séances (moins 4%). On passe ainsi d’une fréquence nationale de 18,64 à 15,8 bals publics pour 10000 habitants.

Ces remarques sont cependant à nuancer: les observations et déclarations plus récentes des organisateurs et des orchestres signalent un redémarrage de ce type de bal; les données de la SACEM le confirment pour 1996 mais en 1997 486 un léger recul pousse à croire qu’on est arrivé à un palier, au moins provisoire, avec même une progression très sensible dans certaines délégations (Avignon +28%, Cannes +19%, Marseille +78%).

Car la répartition de ce mouvement (carte 21) est loin d’être uniforme: de 1991 à 1995 seul un quart des délégations est proche de la moyenne, quand la moitié d’entre elles régressent dans des proportions nettement plus marquées qui peuvent atteindre une division par deux du nombre de bals. Mais à l’inverse 23 délégations (compte non tenu de cinq délégations provençales en progrès en 1997), soit un autre quart de l’ensemble progresse, parfois très significativement.

Pour poursuivre le questionnement engagé plus haut: ces évolutions ont-elles une logique ? Les reculs des zones les plus peuplées sont-ils aussi ceux des régions les plus dynamiques ? A contrario est-ce que les progrès concernent plutôt les zones où la situation socio-économique et démographique s’est aggravée ? Ou alors, dans la logique de processus identitaires plus classiques, plus territorialisés, voit-on se renforcer les silhouettes déjà bien ébauchées de régions pratiquantes, par vocation culturelle plus que rejet du processus global d’évolution socio-économique ?

La carte 21 montre les délégations où le nombre de bals publics a augmenté entre 1991 et 1995. Peu nombreuses, ces délégations réalisent cependant des progrès substantiels: en moyenne 145 bals supplémentaires soit un gain de presque 15%; dans un tel contexte ce n’est pas négligeable.

Il faut cependant nuancer cette remarque: 6 délégations concentrent les deux tiers des bals supplémentaires. Dans deux cas (Arras et Saint-Etienne), il s’agit de progrès purement artificiels puisqu’elles ont bénéficié de l’apport de la majeure partie de délégations supprimées entre les deux dates (Lens et Roanne). Si on essaie de comparer grossièrement les situations de 1991 et 95 on découvre que cette fusion masque même des reculs importants. Quant aux gains importants de Paris Nord (+210%), ils semblent aussi avoir une origine statistique. Il faut donc se garder de tout optimisme: les progrès sont surtout marginaux. Par contre, ils infirment définitivement l’idée d’un bal identitaire de refus dans les zones en difficulté socio-économique.

Carte 21. Un recul massif, des gains marginaux
Carte 21. Un recul massif, des gains marginaux

Si on s’intéresse maintenant à la répartition des autres délégations en progrès, on met en valeur deux phénomènes discrets mais à ne pas négliger: une relative concentration sur la moitié nord et est du pays, mais on vient de signaler que les premières indications, encore provisoires, pour 1997 semblent indiquer une extension de cette situation au sud (région d’Aix-en-Provence) à défaut d’une généralisation à l’ensemble du territoire, ainsi que sur des ensembles urbains de grande taille: toutes zones qui se signalaient par un niveau d’activité plutôt faible en 1991.

S’agit-il du signe d’un renouveau de ce type de bal dans les grandes villes et le nord du pays ? Du signe de la précocité de la mutation dans ces villes qui y aurait minoré précocement les résultats de 1991 ? C’est peu probable car le bal y est depuis longtemps très marginal; il s’agit donc plus probablement d’un léger rattrapage.

Les résultats d’ensemble font apparaître l’ampleur du mouvement de baisse, les 3/4 des délégations sont concernées. Et la perte n’est pas négligeable: 202 séances en moyenne (20%). Dans un domaine où on se plaît à croire les évolutions lentes, cette évolution prolonge celle des années 70 et montre que les comportements s’adaptent très vite à l’ensemble des changements de la société. L’image d’un bal immuable semble donc à proscrire définitivement.

Ces pertes se répartissent de manière assez homogène, bien que l’est, la Normandie et le sud du bassin parisien soient moins concernés. Ce sont souvent des délégations fort pratiquantes qui connaissent un recul important: Nîmes mais aussi Agen, Biarritz, Béziers ou Albi.

Ces cas, confortés par l’évolution de 1995 à 1997 des régions d’Aix et Rennes amènent donc à se demander si on n’a pas ici, plus simplement, un phénomène de crise marquée par un fort recul suivi d’une stabilisation, voire même quelques gains résiduels. Cette crise aurait touché d’abord les entités les plus urbanisées avant de se décaler progressivement vers des zones de moins en moins dense. Si cette hypothèse se vérifie on devrait d’ici la fin du siècle voir la situation se stabiliser dans les délégations de taille moyenne et la crise toucher surtout les régions les plus rurales et les moins peuplées.

La remarque est d’importance: cela indiquerait que les comportements sont moins régionalisés qu’il n’y paraît avec un gradient chronologique -une grosse dizaine d’années- selon le niveau d’urbanisation qui traduirait le rythme de pénétration des modes de vie urbains dans les campagnes.

Notes
486.

Données encore provisoires et non consolidées.