2-5 Un bal du nord ?

Au-delà de cette distinction entre rural et urbain, l’autre marqueur majeur du repas dansant semble être sa répartition sur le territoire national, mais, comme en ce qui concerne le repas, on doit rester prudent. Le graphique 15 oppose nettement le repas dansant au nord et le bal public au sud. Les données de la SACEM le confirment (carte 26), entre autres au nord et au nord-est du pays, mais la carte montre cependant une répartition beaucoup plus uniforme que celle des bals publics (carte 19).

Carte 26. Répartition des séances de repas dansants
Carte 26. Répartition des séances de repas dansants

La carte 27 renforce même ce sentiment d’homogénéité: l’écart-type est un des plus faibles de toutes les données utilisées, près d’un tiers des délégations sont à moins de 2 repas dansants pour 10 000 habitants de la moyenne, un autre tiers à moins de 6. La moitié nord du pays est plus uniformément concernée par ces caractéristiques: les exceptions, plutôt dans le sens d’une surreprésentation, restent assez rares. Le sud et la bordure atlantique se révèlent plus contrastés.

Il demeure que l’écart entre minima et maxima reste important, même si on fait abstraction des cas d’Ajaccio et Paris Est 509 : de moins de 2 à presque 30 repas dansants pour 10 000 habitants. Certes, c’est la moitié voire le quart de l’intervalle constaté dans la plupart des autres indicateurs, mais de vastes régions, souvent déjà identifiées pour leurs comportements spécifiques, se distinguent par un très faible intérêt pour ce type de bal: la région parisienne, le littoral méditerranéen, le sud de la Bretagne. En général, se distinguent ainsi les régions les plus urbanisées du pays, outre celles déjà citées, Lille, les départements les plus peuplés de Rhône-Alpes, Le Havre, Bordeaux, Toulouse...

Carte 27. La relative homogénéité de la répartition des repas dansants
Carte 27. La relative homogénéité de la répartition des repas dansants

La contradiction avec les données fournies par les orchestres n’est qu’apparente puisque les manifestations de grande taille, concentrées dans la ville centre des agglomérations un peu importantes, sont surreprésentées dans notre échantillon. Par contre, l’autre surreprésentation, celle de repas dansants de taille moyenne dans des agglomérations plus petites ou rurales au nord-est, particulièrement les Vosges dans le cas de l’orchestre n°3, est logique.

Les écarts de forte fréquence du repas dansant, qu’on constate sur la carte, ont donc une origine qui tient beaucoup plus à des comportements différenciés: on voit ainsi émerger un grand arc qui, de la Manche à la Moselle, contourne par le sud la région parisienne, tandis qu’à l’ouest apparaît une ligne nord-sud, exceptées la côte et la délégation de Limoges. Ces deux espaces s’expliquent par la fréquence accrue des repas dansants du second type, plus rural.

Dans d’autres zones, plus peuplées, plus urbanisées, cela souligne la part croissante des repas dansants urbains, surtout périurbains. C’est le cas des vallées lorraines, de la Savoie, du Val de Loire mais aussi du Nord. Cela explique que cette carte se distingue de celle des bals publics (carte 19).

Enfin, on peut sur l’ensemble probablement pointer quelques véritables comportements culturels différenciés: nombre de régions très intéressées par les repas dansants se signalent souvent déjà par une pratique importante des bals publics; il existe réellement des régions où la sociabilité passe plutôt par la danse. A l’inverse, le désintérêt persistant de la Bretagne du sud ou des grands ensembles urbains montre bien que celle-ci n’y joue qu’un rôle mineur sous quelque forme que ce soit, particulièrement celle-ci.

Plus subtils, les contrastes marqués entre l’un et l’autre des indicateurs (carte 24) mettent en valeur avec plus de précision des comportements bien définis ainsi dans les délégations du sud, particulièrement Perpignan, c’est une animation secondaire. Les zones où les repas dansants dominent sont au nord: Bourgogne, Lorraine, Normandie. Ce n’est donc vraiment un bal du nord que sous cet angle.

Les exceptions y sont rares et il s’agit alors des régions où les bals publics sont nombreux: Picardie-Boulonnais et à l’est, l’ensemble Haute-Marne-Meuse-Ardennes. Ces exceptions sont à minimiser: les repas dansants y sont en effet aussi très fréquents. Il semble bien que la primauté du repas dansant soit surtout une caractéristique par défaut, surtout dépendante de la faiblesse des bals publics.

On le voit clairement aux extrémités méridionales est et ouest de cet arc si bien dessiné, qui signalent que la part du repas dansant est supérieure à la moyenne nationale. Cette carte 24 ne vaut que pour les régions qui sont susceptibles de se signaler par un niveau d’activité correct pour l’ensemble des bals (carte 6). Bordeaux et la Côte d’Azur ne se distingue que par leur désintérêt encore plus net pour le bal public. La remarque inverse est aussi valable pour la Bretagne du sud. Cela explique aussi les résultats très contrastés mais peu significatifs de la région parisienne. Dans ce cas, il demeure cependant une opposition entre Paris (bals publics dominants) et sa couronne (repas dansants deux à trois fois plus fréquents).

La découpe entre Nord et Sud adoptée dans le traitement des données de l’enquête auprès des orchestres est tirée de cette carte 24 510 . Sur l’ensemble des bals 511 , l’opposition nord-sud est mise en doute si on s’intéresse à la pratique de chacun des deux ensembles spatiaux (tableau 10): on y voit clairement une pratique d’ensemble plus forte du sud mais la différence tient aux bals publics plus nombreux car les repas dansants y sont aussi fréquents, à la décimale près.

Le poids plus fort de l’urbanisation dans le nord, du moins les grandes métropoles, explique cette minoration. Cependant, cela montre surtout qu’il n’y a pas réellement substitution du bal public par les repas dansants, à l’exception de ceux du second type, plus proches. Il s’agit bien d’une autre activité spécifique.

Tableau 10. Répartition Nord-Sud des bals et repas dansants
SUD (32 délégations) Population (1) Bals Repas dansants NORD (63 délégations) Population (1) Bals Repas dansants
Total 15 333 39174 15792 Total 41 303 51939 42548
Ecart-type 479 866 310 Ecart-type 666 452 359
Moyenne par délégation 279 1224 494 Moyenne par délégation 349 824 675
Fréquence moyenne (2)   25,55 10,30 Fréquence moyenne (2)   12,58 10,30
Moyenne générale bals et repas dansants 1718 Moyenne générale bals et repas dansants 1500
Fréquence générale (2) 35,85 Fréquence générale (2) 22,88
(1) Population 1992 en milliers d'habitants
(2) Nombre de bals et/ou repas dansants pour 10 000 hbts

Source: SACEM, 1995

Malgré quelques réserves le repas dansant est donc surtout un bal du nord par défaut. Néanmoins on va voir que c’est peut-être une situation transitoire.

Notes
509.

Respectivement 1 et 8 repas dansants déclarés en 1995 (3 et 1 en 1991).

510.

Avec deux exceptions mineures dues à l’agrégation par la SACEM des données du département de l’Allier à la délégation de Clermont et de celles de l’arrondissement de Briançon à Grenoble.

511.

Données SACEM.