Chapitre 1. Les régions du bal

1-1 L’impact économique du bal

La carte 7 tente de montrer comment l’impact du bal peut être différent d’une région à l’autre. Mais c’est un regard partiel: la rareté ou la présence plus ou moins fréquente du bal ne saurait tout expliquer. Elle permet cependant de signaler des “rugosités de l’espace” (Brunet) intéressantes.

Il en est de même de l’économie. On sait que ce n’est pas toujours la préoccupation première des organisateurs et leur public. Mais cet inégal intérêt répond à des logiques spatiales. On peut donc tenter de les mettre en valeur.

Carte 32. L’importance économique réelle du bal
Carte 32. L’importance économique réelle du bal

Si dans l’ensemble de l’économie du pays le bal peut apparaître comme marginal, son poids économique est réel dans certaines régions (carte 32). Individuellement, sa pratique représente une dépense conséquente (carte 12) qui laisse supposer que la population concernée y consacre un véritable budget. Collectivement, cette incidence sera très différente selon la nature du bal : il s’agit d’une dépense de la collectivité lorsque la municipalité contribue, même partiellement, à l’organisation d’un bal public. Plus souvent, on l’envisage comme une recette pour les associations organisatrices.

Dans cette optique, on peut considérer cette importance sous deux angles: sa dépense et sa collecte. Sur la carte 32, le poids brut du chiffre d’affaire, calculé en l’estimant à partir des perceptions de la SACEM, apparaît conséquent. On comprend mieux que les orchestres n’hésitent pas à se déplacer parfois de fort loin. Cependant, au regard des populations, aussi bien que de la richesse de leur entité, les 14,3 millions de francs de chiffre d’affaire de Gap représentent probablement plus dans cette délégation que les 183 millions de la région parisienne; pour compléter cette approche, il apparaît plus représentatif de le rapporter aussi à la population de la zone considérée (carte 12), à défaut d’y adjoindre aussi un indicateur de la richesse de chacune.

L’aspect collectif de cette appréciation est essentiel, si on se rappelle qu’une partie de cet argent est destiné à financer les associations; les différences constatées laissent donc supposer que la vitalité du milieu associatif sera très différente selon les régions. Mais il est difficile d’évaluer les différences de densité du tissu associatif d’une région à l’autre, pourtant probablement très importantes.

A ce niveau de l’étude, on dispose cependant d’assez d’informations pour pouvoir déduire quelques éléments de l’importance des différents types de bals. Cela permet de cerner deux grandes régions où le bal joue un rôle majeur dans le financement des associations (carte 33): le nord-est et, à un niveau moindre, l’ouest de la Normandie et au Val de Loire; s’y ajoute la Savoie. Très vivant, le tissu associatif y semble plus actif et peut-être plus dense qu’ailleurs. On peut d’ailleurs voir qu’il se finance aussi par d’autres fêtes (carte 34).

Dans de vastes régions urbanisées ce rôle est dilué, à la fois parce que la pratique du bal, sous toutes ces formes, y est moindre, mais aussi du fait de l’importance de la population (près de la moitié des français): c’est le cas des banlieues parisiennes, de la vallée de la Seine, du Nord, de Rhône-Alpes et de la Côte méditerranéenne mais probablement aussi de bon nombre d’agglomérations incluses dans d’autres zones.

Dans le sud, le faible chiffre d’affaire, plus que la prépondérance des bals publics organisés par les mairies, prive les associations d’une partie des financements qu’elles pourraient espérer. C’est probablement ce qui explique le développement, important dans ces régions, des lotos appelés rifles dans le midi toulousain. Ceux-ci peuvent être parfois très importants et rassembler plusieurs centaines de personnes: l’ADAPEI de Haute-Garonne organise le sien dans un hall du Parc des Expositions à Toulouse. On peut d’ailleurs aussi se demander -mais ce serait l’objet d’une autre recherche- si le tissu associatif y est aussi dense que dans le nord-est: les mairies semblent en effet y jouer un rôle plus important en matière d’animation (pas seulement en ce qui concerne les loisirs) du corps social.

Carte 33. La place du bal dans le financement des associations
Carte 33. La place du bal dans le financement des associations

C’est aussi le cas à Paris où les données de la SACEM sont plus précises: les associations n’y organisent la moitié des bals qu’à Paris Sud, et sont presqu’invisibles au nord et à l’est.

Enfin, à l’ouest, de la Bretagne à Bordeaux, la faiblesse de la plupart des indicateurs laisse supposer que le bal ne joue, pour les associations, qu’un rôle marginal: ainsi dans la délégation de Brest, les bals ne dégagent qu’un chiffre d’affaires estimé de 6,5 millions de francs. D’autres formes de financement sont alors recherchées comme les kermesses, même si la carte 34 fait aussi apparaître le poids des associations d’enseignement privé pour qui c’est la fête privilégiée. Plus au sud, la place assez importante laissée aux professionnels, tout autant que la médiocre fréquence des repas dansants et le faible montant de leurs perceptions, laissent supposer que, de la Côte Atlantique au Massif Central, on ne compte guère sur le bal pour financer les associations.

Carte 34. La forte concentration des kermesses
Carte 34. La forte concentration des kermesses