2-4-2 Un sud en retard de modernité sur les nords et les ouests

La seconde découpe, celle induite par l’étude des repas dansants (carte 27) peut donc apparaître comme plus probante pour définir le sud puisqu’elle en retranche l’ouest jusqu’à Bordeaux. A l’est, sautant la délégation de Gap, on peut prolonger la partition jusqu’à la Côte d’Azur. On exclut par contre du nord comme du sud l’ensemble de la Bretagne, homogène cette fois.

Se posent alors deux questions: comment expliquer l’homogénéité de l’espace le plus facilement délimité qui réapparaît de l’un à l’autre ? que faire de ces espaces qui ne sont pas rattachés à l’une et l’autre esquisse (carte 43) ?

A la première question, on peut proposer de considérer qu’il s’agit-là d’un sud à l’écart, où l’influence des évolutions les plus récentes est atténuée du fait d’une moindre urbanisation et d’une mutation socio-économique retardée. Les exceptions sont éloquentes: sur le littoral méditerranéen, la destruction des anciens équilibres structurels, sous l’influence d’un fort afflux de population et d’un chômage important, a une traduction identitaire plus clairement politique à travers un vote de refus pour le Front National. C’est d’ailleurs là que la description des bals est la plus difficile avec des contrastes et des variations très importantes: une région sans homogénéité.

Dans le reste de ce sud, les exceptions sont ponctuelles, ce qui en atténue l’impact. Le problème identitaire peut encore se régler par un appel aux médiations plus traditionnelles. Les villes concernées sont petites et très liées à leur arrière-pays. Une enquête récente 585 met en valeur une attente beaucoup plus forte de l’Etat et du politique dans le sud. Mais cette région n’apparait pas homogène: on se défie très fortement des élus locaux à l’est, quand au contraire on leur accorde une confiance maximale à l’ouest, tout comme dans le Massif Central, autre région de bals publics nombreux. On retrouve la relation entre le type de bals et le rôle des élus locaux. Cela viendrait donc renforcer l’hypothèse formulée plus haut.

Ce retard, susceptible de limiter les tensions est, de plus, compensé dans les villes à forte croissance, particulièrement Toulouse, par une situation économique et sociale plus favorable qu’ailleurs, ce qui explique que les mutations décrites dans les régions du nord, pourtant bien réelles ici, y sont atténuées, plus progressives, s’articulent mieux avec les traditions. Par ailleurs, plus que dans d’autres régions, les liens entre Toulouse et son espace d’attraction sont restés forts: 1 habitant sur 8 est un étudiant venu de la région, et nombreux sont les autres Toulousains qui se définissent d’abord comme Gersois, Ariégeois ou Aveyronnais, marquant par là l’adhésion à des systèmes de valeurs plus traditionnels, tout en vivant déjà selon des codes importés du nord. Pour l’instant ces décalages ont pu jouer dans le sens d’une modération des contradictions.

Au nord, il importe de distinguer deux types de situations: les zones rurales isolées s’opposent nettement au zones urbanisées. Les perceptions de la SACEM supérieures à la moyenne (carte 43) dessinent des lignes qui reproduisent assez fidèlement la carte des densités, à l’exception de l’Alsace. Dans cette région, comme au sud-ouest, un sentiment d’identité fort et une situation socio-économique plus favorable ont, jusqu’à présent, permis d’atténuer les évolutions. Les contraintes y sont cependant plus vives, ce qu’exprime un vote pour le Front National et les régionalistes assez important.

Surtout on voit se confirmer cette coupure sud-nord de la Manche à la vallée du Rhône; au nord, seules quelques zones plus rurales proches (Nevers, Chalon, Lons-le-Saunier) en modifient un peu le tracé. Il s’agit aussi de délégations qui se singularisent souvent par rapport à leurs régions (Bar-le-Duc, Amiens, Boulogne).

La fragmentation de l’ouest renforce l’idée de comportements plus influencés par les milieux de vie que de véritables caractéristiques régionales: l’importance de la population des communes semble prépondérante, avec une activité décroissante dès que celle-ci augmente.

Notes
585.

HERVIEU, B., VIARD, J. Au bonheur des campagnes (et des provinces). Ed. de l’Aube, coll. Essai, 1996, 159 p.