2-4-4 Pas de bals laïcs face à des bals catholiques
On a donc vu que les comportements politiques peuvent parfois donner des pistes explicatives sur les comportements. Or ceux-ci sont généralement rapprochés des comportements religieux: dans le Béarn la coïncidence est nette entre les comportements religieux et festifs dans les terres réformées autour d’Orthez comme dans le Vic-Bilh. Mais il semble plus difficile de trouver un lien à l’échelle nationale.
La pratique religieuse se caractérise par de fortes inégalités mises en lumière depuis longtemps (carte 45). Deux idées s’en dégagent. Comme déjà remarqué ailleurs, les comportements des ruraux ont une incidence sur l’ensemble des comportements des français. A moins que les contrastes n’y soient simplement accentués.
Comme en matière de comportements politiques, la pratique religieuse ne correspond que peu à celle des différentes catégories de bals. Si des affinités se dégagent, elles recoupent souvent celles mises en valeur en matière de comportements politiques 587 (Bretagne, Massif Central) avec lesquels les liens sont peut-être plus nets mais sans que ce soit systématique: le Bassin Parisien et le Val de Loire votent aussi en général à droite, alors que la pratique religieuse est très faible. Seules les kermesses (carte 34) peuvent faire apparaître un lien entre pratique festive et religieuse. Mais, c’est avec de fortes réserves: le lien n’est pas très net, voire inverse dans le sud-ouest, le Val de Loire et la Bourgogne.
Dans le cas du bal, les régions citées s’opposent ou se fragmentent. Tout au plus peut-on renouveler des remarques proposées plus haut: les repas dansants ruraux se retrouvent plutôt dans les régions catholiques, l’incidence des pratiques religieuses est surtout sensible sur les calendriers (inégale importance du 14-juillet et du 15 août).
En matière d’intensité, à l’exception du sud de la Bretagne, on ne peut retrouver de lien: l’Eglise réprouve et condamne longtemps la danse. Mais depuis une génération, ces interventions ont cessé. On peut d’ailleurs trouver des contre-exemples très nets (délégations de Pau, de Strasbourg ou de Rodez). En Suisse, dans un contexte beaucoup plus contrasté, Lalive d’Epinay arrive aux mêmes conclusions 588 : “ il s'avère que l'investissement social des loisirs n'est influencé ni par l'appartenance religieuse, ni par les racines ethnolinguistiques des individus.”
Certes, bon nombre de fêtes s’appuient sur le calendrier des saints patrons, certes aussi on a signalé qu’elles s’accompagnent souvent de messes dans les régions pratiquantes; mais il importe de ne pas exagérer le rôle de la religion en matière de comportements festifs; ces traditions religieuses se sont figées depuis longtemps sans qu’elles recouvrent aujourd’hui de piété particulière. Peut-on parler de folklore religieux pour autant ? les résultats de certaines enquêtes 589 peuvent le laisser croire. Mais cette évolution est sensible dans le cas de tous les comportements culturels 590 . Il demeure que dans ces fêtes, au-delà du religieux, Françoise Lautman montre que le lien entre identité locale et enjeu politique est toujours primordial 591 . Lorsque nous aborderons le niveau local, on verra que c’est encore plus net pour le bal.
Les rapprochements possibles entre pratique du bal et pratique religieuse tiennent donc surtout à la politisation ancienne de cette dernière, et n’en sont que le reflet.