2-5-1 Le Bras et Braudel

Le Bras propose 592 la plus connue des descriptions des cultures régionales. S’appuyant sur de nombreuses données statistiques concernant la démographie, l’expression politique, les pratiques religieuses, les activités, son regard s’intéresse aussi à l’évolution de ces comportements. Il développe l’hypothèse 593 que l’élément de structuration fondamental tient dans l’organisation, depuis longtemps divergente et très contrastée, des systèmes familiaux et des traditions politico-religieuses.

Il en dégage la vision d’une France des régions culturelles à deux niveaux. Le plus précis semble montrer une extrême diversité de comportements et d’opinions, interprétée comme l’héritage d’une histoire longue et complexe. C’est l’empreinte du temps long cher à Braudel, des structures, des tendances qui se succèdent et ne disparaissent jamais totalement, laissent toujours quelques traces, fragments qui participent à l’ensemble français, composent l’identité de la France à partir d’une diversité foisonnante. Or, très tôt se fixent des traits dont la permanence étonne depuis longtemps.

Ils sont surtout nets au niveau régional où une relative simplification permet, selon Le Bras, de faire apparaître trois France, trois modèles de comportements autant que trois espaces définis. Le Bassin Parisien et ses marges constitue la première grande région, sous l’influence forte de Paris. C’est une France remodelée par la capitale et l’action centralisatrice de l’Etat, très fluide en matière de mentalité: la disparition des structures anciennes explique qu’on n’y trouve pas de traits forts, mais, à la place, une capacité d’évolution importante.

Au-delà, de l’ouest au Massif Central et aux grand plateaux de l’est ou à l’Alsace s’étend une couronne de régions traditionalistes solidement structurées qui contrastent avec le coeur parisien. Elles sont prolongées au sud par quelques régions isolées, plus petites mais très individualisées: Savoie, pays basque. Ce sont des régions de plus forte fécondité, catholiques, conservatrices dans les comportements politiques comme les structures familiales.

Le sud, déchristianisé depuis longtemps, est marqué par une tradition républicaine, un vote plutôt à gauche, l’importance de l’école et une faible fécondité très ancienne.

La description de Le Bras n’est pas sans intérêt puisqu’elle fait apparaître des marqueurs intéressants. Mais sa synthèse découpe la France selon un mode qui n’est pas satisfaisant dans notre contexte pour expliquer la diversité du bal; ainsi il décrit un ensemble homogène qui comprendrait tout l’ouest, le Massif Central et l’est du pays avec des comportements proches. Or, de notre côté, nous pouvons mettre en valeur trois, voire cinq attitudes différentes dans cet ensemble. Autre contradiction: nous rattachons le Massif Central avec le Sud-Ouest, qu’il oppose.

Elle présente pourtant un double intérêt: on distingue des comportements spécifiques au nord, même s’ils sont à nuancer en une gamme assez large, face à une région sud dans l’ensemble un peu plus simple malgré des réels clivages. Surtout, bien qu’elle s’appuie sur des données récentes, cette typologie ancre les comportements dans l’histoire; on peut qualifier cette conception de patrimoniale et en retirer un principe fort utile puisque cet aspect est fortement revendiqué dans le bal, au moins à travers son imaginaire spatial, souvent conçu comme rural, méridional et traditionnel.

Notes
592.

LE BRAS, H. Les Trois France. Le Seuil, 1986, 351 p.

593.

LE BRAS, H., TODD, E. L’invention de la France. Op. cit.