2-5-2 Hervieu et Viard

Une étude plus récente ⁵⁹⁴ s’intéresse aussi aux mentalités mais en insistant sur les représentations qu’ont les français du rural et des régions. Cela permet de définir neuf grands ensembles (carte 46) ramenés aux limites des régions administratives. Bien qu’elle s’appuie sur des données de portée plus limitée ⁵⁹⁵ , cette étude présente l’intérêt de montrer d’une manière précise les mentalités et les représentations tout en tenant moins compte, sans pour autant les négliger, des facteurs historiques.

Si dans l’ensemble cela confirme certains traits déjà mis en valeur dans la précédente étude, cette tentative de cerner les différentes cultures régionales se révèle surtout plus proche des grands traits mis en avant dans la typologie du bal. L’analyse de Hervieu et Viard amène à souligner ainsi quatre idées:

• la force du consensus national sur beaucoup d’idées fortes (liberté par exemple). On retrouve-là des idées qu’avait bien mises en valeur le projet de Nora autour des Lieux de mémoire, à rebours d’un discours qui exagère peut-être un peu trop les particularismes régionaux.
• la difficulté à cerner les différences, souvent très subtiles, entre régions. Mais il existe bien des opinions publiques régionales vivantes.
• la nécessité de s’y intéresser afin d’éviter les simplifications hâtives.

sur chacune des questions abordées, on ne retrouve souvent que deux, rarement trois positions, partagées par des ensembles plus vastes qui, à la question suivante, vont se recomposer selon une autre configuration.

Plus que de régionalismes, il vaudrait donc peut-être mieux parler de tendances, de variantes régionales dans l’ensemble français, mouvantes selon le contexte.

On voit néanmoins quelques lignes intéressantes s’esquisser: à travers les questions déjà évoquées relatives à la confiance dans le politique l’opposition nord-sud se confirme tout autant que la coupure entre sud-est et sud-ouest relative à la confiance dans les élus locaux. Ce rôle important qu’on attend de l’Etat, “pour faire corps” disent les auteurs, vient des populations les plus concernées par les mouvements migratoires (Paris, sud). Il est à relier avec une pratique plus importante du bal public et une intervention plus forte des élus dans leur organisation.

En matière de loisirs, ceux-ci sont envisagés à la campagne dans le sud et en ville dans le nord, y compris (mais moins fortement) au nord-ouest. L’ouest, dans son ensemble, de la Seine aux Pyrénées, se signale par une vision nettement plus positive ⁵⁹⁶ de la tradition, qu’on retrouve aussi dans les comportements festifs. De même, le nord-est et le nord-ouest, tout en ayant de nombreux points divergents, se singularisent par des relations au local très fortes, une confiance importante dans les associations et autres corps intermédiaires, qu’on retrouve dans nos comportements au bal.

L’intérêt d’une telle approche est donc évident. Il demeure qu’on peut regretter que cette étude ne soit que partielle, et surtout que le découpage, qui agglomère par deux ou trois les régions administratives, manque de précision. C’est à l’inverse une des principales qualités de l’étude de Chapuis, mais pas la seule.