5-1-5 Les étrangers

Plus rares sont les autres, des touristes essentiellement; certes, on les voit parfois un peu plus, dans le cas des résidents secondaires. Mais ils resteront étrangers. Ceux-là on les ignore, ils n’existent pas vraiment, sinon en observateurs discrets mais incapables de comprendre le sens profond des rites qui se jouent devant eux. Ils sont les étrinjeux, les vrais inconnus, que Karnoouh 679 identifie en Lorraine. En fait, il existe dans ce groupe des nuances: la population des étrangers de ce public est surtout composée de gens qui viennent des limites de cette aire de familiarité qu’on vient d’évoquer: néo-ruraux récents, résidents secondaires, habitants de villages un petit peu plus lointains ou de la petite ville la plus proche ont déjà quelques liens que n’auront jamais les touristes itinérants. Mais ils sont insuffisants pour provoquer leur reconnaissance comme forains.

Ils sont en général rares, mais dans certains cas, lorsque le bal devient spectacle artistique, on peut trouver une population d’étrangers assez nombreuse. Les bals les plus importants drainent un public attiré par la présence d’orchestres prestigieux tels que Verchuren, voire Pellegrini ou, à un niveau plus régional, Coll ou California. A l’exception, pas systématique, de ces derniers, ces bals sont généralement payants et se rapprochent du concert. Ce type de bal se développe en évoluant: les jeunes semblent de plus en plus priser et se situer selon deux types divergents de musiques et partant de bals.

D’un côté de grandes disco-mobiles proposent des rave parties, même dans les petites villes plus proche du rural: ainsi le bal du club de football d’Ambérieux-en-Bugey (Ain) en février 98 dispose d’une puissance sonore et lumineuse qu’un des techniciens évalue à un niveau équivalent à celui déployé dans les concerts des Beatles, voici une génération ! Ces bals rassemblent des publics jeunes et variés qui auparavant se portaient sur les musiques disco, dance et la variété, en recul.

De l’autre, des orchestres de grande taille proposent à un autre public une musique à base de reprises de bonne qualité, beaucoup plus rock, et avec des moyens techniques eux aussi considérables. California dans le sud et le sud-ouest fut le prototype de ces orchestres (mais, c’est révélateur, on dit souvent groupes).

Dans les deux cas, surtout le second, les disc-jockeys comme les orchestres disposent d’un public fidèle qui n’hésite pas à effectuer un long trajet (jusqu’à plus de 100 km) pour les suivre: ils ont un statut de véritables artistes. Ce n’est pas le seul cas d’attraction large; la fête qui complète le bal peut avoir ce rôle: le feux d’artifice du 15 août à Grondin (Gers) est réputé et draine un public important, bien que sur un rayon plus limité. Le plus souvent les éléments attractifs sont des fêtes foraines ou des courses de taureaux comme à Mauguio (Hérault) et les fêtes des Landes ou du pays basque (Mont-de-Marsan, Bayonne). Dans le Nord, c’est le cas après certains corsos et les ducasses.

Cette partie du public va se caractériser par des spécificités démographiques très précises: plus jeune en général, mais surtout dans la tranche des 20-30 ans. Le public de Verchuren sera au contraire âgé, celui du feu d’artifice de Grondin plus familial.

Les bals où les touristes sont majoritaires sont confinés au pourtour méditerranéen et quelques cités thermales ou de montagne (le 15 août à Ax-les-Thermes et Laruns). Ils sont souvent très importants et leur public jeune. Cela évoque les nombreux bals publics urbains mais ceux-ci fonctionnent avec une aire d’attraction limitée à l’agglomération: c’est le cas des bals de 14-juillet mais aussi d’autres événements plus ponctuels: à Toulouse, l’énorme bal de soutien à la population de Nîmes après les inondations de 1988 eu lieu dans le hall principal de la foire avec une dizaine d’orchestres parmi les plus célèbres: Pellegrini, Coll, Jouvin...

Notes
679.

KARNOOUH, C. L’étranger ou le faux inconnu. Op. cit.