5-1-6 Repas dansants et bals d’association à la campagne

On les a déjà présentés comme proches des bals publics malgré une forme en apparence plus urbaine. A l’opposé des bals publics, ouverts à tous, ces bals sont clos, c’est-à-dire réservés à une clientèle qu’on se réserve le droit de sélectionner, même si souvent celle-ci est limitée. La sélection du public ne repose donc plus seulement sur des règles tacites et cela les rapproche des bals urbains qu’on présente dans la seconde partie de ce chapitre. Les organisateurs jouent donc un rôle actif dans la définition spatiale de la communauté qu’ils représentent. Mais la plupart du temps, ces organisateurs sont liés ou représentatifs des municipalités, ce qui les rapproche des bals publics par leur capacité à s’adresser à l’ensemble d’un village.

Les repas dansants sont beaucoup plus fréquents dans le rural isolé. Sans grand risque de se tromper, on peut voir dans leur développement une réaction à la dépopulation et au vieillissement, lorsque les risques de dissolution de la collectivité deviennent trop grands. Il s’agit bien d’une réaction de défense, probablement trop tardive et dépendante d’autres facteurs (l’emploi surtout, le maintien des commerces et services publics mais aussi l’ennui) pour qu’elle puisse éviter la dévitalisation dans ces situations. C’est donc un sursaut souvent révélateur de l’ampleur irréversible de la dégradation plus qu’une véritable renaissance rurale.

La plupart de ces bals sont très petits. On y constate une interconnaissance très forte, bien plus importante encore que dans le bal public. Aussi dans ces bals, l’arrivée est-elle généralement fort longue, le temps que les salutations soient terminées. Ils sont en général très courts, trois à quatre heures, souvent en matinée. On y danse peu: le bal est prétexte à retrouvailles, surtout pour des populations âgées, isolées et peu mobiles. On signale d’ailleurs, dans l’Orne, des municipalités qui organisent des ramassages en bus... Mais ce n’est pas toujours ainsi, par exemple les bals de la classe entre eux 680 , forme de bal des jeunes sélectif.

Figure 7. Le public des repas dansants ruraux
Figure 7. Le public des repas dansants ruraux
Cartes 61 et 62. L’aire de recrutement du public de deux repas dansants ruraux
Cartes 61 et 62. L’aire de recrutement du public de deux repas dansants ruraux

C’est donc dans le cas des bals de société des campagnes (fig. 7), notamment les nombreuses associations familiales rurales, que cette interconnaissance est maximale. Dans les campagnes où les modes de vie sont les moins urbanisés, on est ainsi dans une situation qui se distingue mal de celle du bal public. La différence tient à la restriction de la taille du public, pas sa composition: on reste volontairement confiné entre gens du village et une frange de la population voisine, des forains invités par certains des participants mais souvent très connus dans le village: à St-Sornin-Lavolps, la moitié du public interrogé vient de moins de 10 km, les 3/4 moins de 20 km, et pourtant il s’agit-là du cas particulier d’une radio dont la zone d’écoute s’étend sur 50 à 80 km... Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les cartes 61 et 62 avec les cartes 57 et 58, alors qu’une heure et vingt mètres sépare les deux bals... 681

Notes
680.

Relevé en 1985 sur une affiche placée dans un café d’Arlanc (Puy-de-Dôme) indiquant le programme des festivités. Par ailleurs, celle-ci était manuscrite ce qui montre bien le caractère volontairement local des manifestations de la classe, typiques du modèle précédent.

681.

Et encore, les deux exemples présentés ici sont-ils plutôt plus ouverts que beaucoup d’autres.