Chapitre 6. Les microcosmes contradictoires

L’ultime niveau d’échelle, toujours plus précis, nous amène au plan. Il s’agit cette fois du lieu où l’on danse, appelé familièrement le bal: place de village ou salle des fêtes, c’est l’espace central de la fête. Espace central car très chargé de sens, mais différent selon les modèles présentés à l’instant. Espace central aussi car elle peut déborder, ce qui reste spécifique du bal public. Surtout, cette fête a la particularité de de définir un modèle, un microcosme. Dans le fouillis d’un monde jugé trop complexe, elle propose une épure jouée et figurée de la société, celle dont on rêve ou celle plus réelle - réaliste ?- à laquelle on adhère.

Cette mise en scène, nécessaire dans toute société, ce processus essentiel à la consolidation, l’institution de la société locale, à la perpétuation des organisations socio-spatiales précise les rôles et positions de chacun. Mais il annonce en même temps des mutations inquiétantes, mutations assez avancées pour qu’elles soient déjà l’objet d’un rituel symbolique - mais dans leur cas, le terme est à nuancer- fort répandu.

Or, ces deux conceptions du monde, dont on fait ainsi l’apprentissage et la (re)fondation, sont inconciliables car elles s’appuient sur deux modèles de société, deux utilisations de l’espace divergentes et exclusives. C’est à ce niveau d’échelle que les deux grands types de bals se révèlent les plus opposés, expliquant par là même d’autres oppositions déjà rencontrées. Le premier s’affirme comme un espace ouvert, au public varié et reproduit la société locale, bien réelle; le second, espace clos à public choisi, est plutôt celui d’une société imaginée, reconstruite et utopique.

Dans les deux cas, c’est l’espace élémentaire du politique qu’on donne à voir: celui de la structuration d’une société sans cesse à reconstruire ou construire selon le type de bal; l’espace de relations élémentaires de sociabilité qui n’en sont pas moins complexes pour autant.