II Bruit et fureur

La violence est un motif qui structure la narration fitzgeraldienne, elle apparaît de façons innombrables et variées ; elle constitue une toile de fond intemporelle puisqu'elle qualifie aussi bien le passé lointain de la Frontière que le conflit international de la première guerre mondiale ou le quotidien des personnages des cinq romans, nous pourrions donc parler d'une violence historique et sociale. MM. Poli et Le Vot évoquent

‘Une Amérique née de la violence et qui, l'âge de la conquête révolu, ne trouve plus dans son avenir d'idées motrices qui puissent mobiliser ses forces vives8.’

Le personnage de Dan Cody incarne à lui seul toute la violence de la Frontière, ce temps où les loups rôdaient autour de la maison des pionniers (T 116) ; il est le loup solitaire, il concentre en lui-même l'agressivité dont est née l'Amérique évoquée par MM. Poli et Le Vot ; il est décrit de la sorte :

‘-the pioneer debauchee, who during one phase of American life brought back to the Eastern seaboard the savage violence of the frontier brothel and saloon (GG 107).’

Cette violence de l'Amérique en germe est relayée par celle de la première guerre mondiale ; la plupart des protagonistes masculins fitzgeraldiens y ont participé, ou du moins, comme l'auteur, s'y sont préparés militairement. A la fin du Livre I, Amory écrit de Brest où est cantonné son régiment avant le combat (S 150). Anthony, lui, n'ira pas plus loin que son camp d'entraînement américain. Comme Fitzgerald, il professe qu'il va mourir au combat et prétend même le désirer (BD 308). Lors de leur première rencontre, Nick et Gatsby évoquent leurs souvenirs de la Première Division à laquelle ils appartenaient tous deux (GG 53) ; plus tard, Gatsby éblouit Nick en lui racontant ses exploits et en lui montrant sa médaille décernée par le Montenegro (GG 72-73). Dick, quant à lui, a été capitaine mais il semble que la guerre ne l'ait pas profondément touché : "[...] in 1917 he laughed at the idea, saying apologetically that the war didn't touch him at all." (T 113). Le conflit laisse cependant ses cicatrices tout au long du roman, entre autres sous la forme de ces grands cimetières militaires qui défigurent le nord de la France et où une jeune fille du Tennessee ne sait retrouver la tombe de son frère (T 58). Tommy Barban est quant à lui un véritable mercenaire et la fin des hostilités n'a pas mis un terme à ses activités guerrières, il va là où il trouve la violence et la guerre :

‘"Going home?"
"Home? I have no home. I am going to war."
"What war?"
"What war? Any war. I haven't seen a paper lately but I suppose there's a war -there always is." (T 29).’

La guerre terminée et les généraux vaincus (Grant (T 56,116) et Pershing (T 77) n'ont plus la splendeur d'antan), la violence est alors entretenue par le Milieu, avec en particulier le personnage de Wolfshiem dont le patronyme rappelle les loups de la Frontière. Patron de la sinistre "Swastika Holding Company", qui connote immanquablement l'emblème fasciste, c'est un loup qui chasse à la tête de sa meute féroce : "a denizen of Broadway" (GG 79). C'est avec une nostalgie un peu macabre qu'il raconte la mort de Rosenthal (GG 76)9. La chasse est sporadiquement évoquée, mais c'est le sport qui prend réellement la relève en l'absence de conflit international, ceci est flagrant avec Tom Buchanan et sa pratique du football et du polo, cette violence étant un pis-aller en attendant un combat ouvert avec les races qui tentent soi-disant de lui prendre sa place de Blanc privilégié. Tom est caractérisé par son "corps cruel" (GG 13). Nick a l'impression suivante : "Tom would drift on forever seeking, a little wistfully, for the dramatic turbulence of some irrecoverable football game." (GG 12). Daisy l'approuve violemment dans son combat contre les autres races : "'We've got to beat them down,' whispered Daisy, winking ferociously toward the fervent sun." (GG 19).

Les moeurs sont tout aussi teintées de violence ; Fitzgerald nous présente une société continuellement marquée du sceau de l'agressivité : les meurtres sont nombreux et les accidents mortels se succèdent à vive allure. Il y a trois meurtres dans Tender : Abe North, l'homme de la gare et Peterson. Ce dernier assassinat sera justement découvert dans l'hôtel d'un certain McBeth (T 111). Deux meurtres ont lieu dans Gatsby, celui de Gatsby et celui de Rosenthal ; deux étaient prévus pour Tycoon, celui de Brady et celui de Stahr qui devait se transformer finalement en accident. En outre, ce roman inachevé inclut, d'une certaine manière, la propre mort de l'auteur de par son incomplétude. Dans Tender, deux scènes de duel sont évoquées (T 46,48-50). Tycoon et Gatsby comportent chacun un suicide, celui de Schwartz et celui de Wilson, ainsi qu'une tentative pour Tycoon avec Pete Zavras. Les morts par accident de voiture sont courantes, les plus marquantes étant celles de Myrtle (GG 144) et de Dick Humbird (S 84). Enfin, Fitzgerald avait, dans une version de Tender, prévu le titre "Casualties" pour le Livre III10. Viol, inceste, adultère et matricide11 sont également monnaie courante dans l'univers fitzgeraldien. Dans ce monde où l'alcool est très souvent un catalyseur de la violence, les instruments de mort foisonnent et marquent le texte de leur tranchant mortel : automobiles meurtrières, canons, revolvers, mitrailleuses, couteaux, scie, hache12. Certains appareils apparemment inoffensifs sont tout aussi dangereux métaphoriquement, le presse-agrumes, par exemple, décime des centaines de fruits en quelque trente minutes (GG 45).

Les corps sont marqués de ces traces d'agressivité13 : traces de sang, membres mutilés, os brisés, chairs meurtries, cheveux blanchis prématurément, blessures, difformités presque animales14, cadavres. En outre, la parole est le véhicule premier d'une violence toujours plus forte et au paroxysme destructeur : les disputes et les agressions verbales se succèdent à un rythme effréné qui caractérise une entropie typique d'une course à la catastrophe. La liste d'invités de Gatsby (GG 67-69) est une compilation d'accidents mortels, de meurtres et de mutilations ; en outre, les noms propres mentionnés semblent porter en eux une violence intrinsèque de la lettre et des sonorités qui va au-delà de la violence anecdotique des vies évoquées. A propos de la liste, MM. Poli et Le Vot remarquent :

‘Les quelques commentaires off-stage qui s'attachent à tel ou tel nom bénéficient aussi de l'effet hallucinatoire produit par ce grouillement de syllabes inquiétantes et suggèrent tout un arrière-plan ininterrompu de rumeurs : rixes, meurtres, adultères, suicides15...’

Associant violences physiques et verbales, la dépression nerveuse, à moindre échelle, et la folie semblent constituer l'apogée d'une violence inhérente à l'écriture fitzgeraldienne : c'est le cas de Nicole traumatisée par l'inceste, mais également d'Anthony Patch en fin de roman et, d'une certaine manière, de Dick, qui semble lui aussi craquer moralement et physiquement alors que Nicole se régénère. Tous sont semblables à cette assiette brisée évoquée par l'auteur à son propre égard dans The Crack-Up (CU 45), image de lui-même, mais aussi image si familière de Zelda dans ses années de crise16.

La fête, qui devrait uniquement être le temps de la recherche du plaisir, apparaît alors comme le point culminant d'une violence incontrôlable. L'évocation de la nuit et de l'alcool faite par D.H.Lawrence17 ne correspond qu'aux préliminaires de la fête, le relâchement et la dissipation des craintes amenant l'abolition de toute contrainte et, finalement, l'anarchie violente. Reprenant les termes d'Edmund Wilson, M.Geismar évoque des fêtes qui fracassent les participants : "the big parties [...] 'at which Fitzgerald's people go off like fireworks and which are likely to leave them in pieces.'"18. Dans Candles and Carnival Lights: The Catholic Sensibility of F.Scott Fitzgerald, J.M.Allen cite Fitzgerald lui-même : "Parties are a form of suicide. I love them, but the Catholic in me secretly disapproves."19. Ce mélange de plaisir et de sentiment de transgression est caractéristique de toutes les fêtes de sa fiction. MM. Poli et Le Vot affirment que les fêtes de Gatsby correspondent parfaitement à la description des fêtes des sociétés primitives décrites par Roger Callois dans L'Homme et le sacré :

‘C'est un temps d'excès. On y gaspille des réserves quelquefois accumulées durant plusieurs années. On viole les lois les plus saintes, celles sur qui paraît fondée la vie sociale elle-même. Le crime d'hier se trouve prescrit, et à la place des règles accoutumées s'élèvent de nouvelles prohibitions, une nouvelle discipline s'installe, qui ne semble pas avoir pour but d'éviter ou d'apaiser les émotions intenses, mais au contraire de les provoquer et de les porter à leur comble. L'agitation croît d'elle-même, l'ivresse s'empare des participants. Les autorités civiles ou administratives voient leurs pouvoirs diminuer ou disparaître passagèrement20.’

Tous les organisateurs de fêtes (Gatsby, Dick et Anthony) semblent vouloir orchestrer des soirées qui leur échappent et se retournent finalement contre eux. La première fête de Gatsby, par exemple, s'achève dans une débauche de larmes (GG 57-58), de disputes maritales (GG 58), de souvenirs de robes déchirées (GG 49) et d'accidents automobiles (GG 60-61). La soirée de Dick se termine par la crise de Nicole dans la salle de bains (T 34-35), puis par le duel de Barban et McKisco (T 48-50). Dans son intention d'organiser une soirée parfaitement horrible, "a really bad party" (T 26), Dick trahit son désir de sonder l'humain là où ses comportements lui échappent. A cet effet, il a prévu d'inviter Mrs Abrams, la femme aux cheveux blancs, ainsi que les deux jeunes homosexuels et il souhaite qu'il y ait de l'agitation : "'I want to give a party where there's a brawl and seductions and people going home with their feelings hurt and women passed out in the cabinet de toilette.'" (T 25-26). Ces détails sordides attestent de son besoin de comprendre ce qui d'ordinaire est dissimulé par les convenances. Dans Paradise, les étudiants et leurs compagnes entrent dans un café tels des disciples de Dionysos, "Dionysian revellers" (S 104), mais la soirée se terminera pour Amory par une vision diabolique (S 106-113). Quant aux orgies de Gloria et Anthony, elles leur vaudront la fuite éperdue de Gloria jusqu'à la gare (BD 237-260) et l'arrivée inopinée du grand-père (BD 262), ce qui suscitera la suppression de l'héritage. Chez Gatsby, la foule a pris la scène en main et mène la danse non plus selon les règles du maître de maison, mais selon celles d'un parc d'attractions (GG 47). Le rire, symbole de plaisir et de relâchement de la censure morale, s'intensifie régulièrement au cours de la soirée ; Nick remarque que l'atmosphère se détend peu à peu : "By midnight the hilarity had increased." (GG 53). Plus tard, il mentionne de nouveau ce thème en le contrastant avec le comportement de Gatsby : "[...] he grew more correct as the fraternal hilarity increased." (GG 56). De la même manière, Monroe Stahr croyait pouvoir mener le vaste carnaval américain du cinéma selon ses propres lois, il est finalement dépossédé de son rôle de grand organisateur du plaisir puisque les syndicats se rebellent et Brady projette de l'assassiner.

Chez Fitzgerald, la fête est toujours le déchaînement bachique où éclate l'agressivité la plus extrême. Les fêtes de Gatsby et Dick concentrent tous les éléments de la bacchanale : alcool, consommation excessive de vivres, promiscuité sexuelle, perte de conscience, agressivité et nouveau code de conduite. Nick est particulièrement impressionné par le bar de Gatsby :

‘In the main hall a bar with a real brass rail was set up, and stocked with gins and liquors and with cordials so long forgotten that most of his female guests were too young to know one from another (GG 45-46).’

Il remarque plus loin que celui-ci est bondé (GG 51), de plus, les cocktails circulent allègrement à l'extérieur (GG 46) et finalement les effets ne sont pas longs à se manifester : une chanteuse ivre de champagne déverse des torrents de larmes (GG 57), Owl-eyes est abruti d'alcool (GG 51-52) et les invités font des "pitreries" dans les jardins au rythme d'éclats de rire absurdes (GG 53). A la deuxième soirée, Nick est assis à une table dont les convives finissent par se disputer en raison de leur ivresse : "a particularly tipsy table" (GG 113-114). Miss Baedecker s'est violemment enivrée, ce qui déchaîne sa paranoïa et son agressivité.

Les préparatifs culinaires des fêtes de Gatsby exigent le travail d'un régiment de traiteurs et le résultat est éblouissant :

‘On buffet tables, garnished with glistening hors-d'oeuvre, spiced baked hams crowded against salads of harlequin designs and pastry pigs and turkeys bewitched to a dark gold (GG 45).’

Par ailleurs, Nick indique que deux soupers sont servis dans la soirée (GG 50).

Une atmosphère de licence généralisée caractérise les fêtes fitzgeraldiennes. Lors des soirées de Gatsby, les jeunes filles se laissent tomber lascivement dans les bras des hommes (GG 56), sont plongées dans des discussions obstétriques (GG 57), ou s'affaissent volontairement sur des épaules inconnues (GG 56, 113). Lucille affirme ouvertement : "'I like to come' [...] 'I never care what I do, so I always have a good time.'" (GG 49). Dans Tender, en arrivant à la Villa Diana, Rosemary ressent, malgré ses sentiments pour Dick, une réaction électrique sensuelle et familière vis-à-vis de Brady (T 27). Dick en profite, lui, pour avoir une discussion seul à seule avec la jeune fille, au cours de laquelle, il lui propose un voyage à Paris. Elle saisit alors l'occasion de cette entrevue pour lui avouer son attirance pour lui (T 36-38). Leur relation se noue lors de cette soirée et demeurera teintée de connotations incestueuses à travers tout le roman21.

Comme dans le culte de Dionysos22, ces fêtes donnent la prépondérance aux femmes ; elles y jouissent tout particulièrement de l'autorisation temporaire de s'enivrer. Dans Tender, Mrs Abrams a le visage rougi à cause d'un reflet, mais aussi certainement en raison de son absorption d'alcool : "[her] face, cooked to a turn in Veuve Cliquot" (T 32). Chez Gatsby, les invitées sont nombreuses et semblent dominer la scène, ce sont elles également qui sont violemment ivres en fin de soirée (GG 57-58, 113). Les fêtes de Fitzgerald sont des sabbats qui célèbrent la vie des sens et se terminent en catastrophe, comme les soirées de Gatsby ou de Gloria et Anthony. Ce sont des carnavals au bord de l'eau, comme à la Villa Diana. Lors de toutes ces soirées, on célèbre le culte du vin et des danses anarchiques ensorcellent les participants, tout en effectuant une indifférenciation des individus. C'est la danse endiablée d'une "gitane" qui lance la fête chez Gatsby (GG 46-47) ; ensuite, la piste est envahie :

‘There was dancing now on the canvas in the garden; old men pushing young girls backward in eternal graceless circles, superior couples holding each other tortuously, fashionably, and keeping in corners -and a great number of single girls dancing individualistically (GG 52-53).’

Les hommes âgés et les jeunes filles évoquent immanquablement un tableau de faunes, ou de satyres, et de nymphes. Ces danses se terminent en jeux plus ou moins violents, comme à la suite d'une transe, d'une expérience bachique trop intense : "[...] girls were swooning backward playfully into men's arms, even into groups, knowing that some one would arrest their falls-" (GG 56). Les invités se fondent en une masse indistincte23 et étourdie qui finit par se déchirer intrinsèquement dans un paroxysme de violence. Le fondu, la perte d'identité, le lâcher prise et l'indifférenciation sont des caractéristiques essentielles de toutes les fêtes fitzgeraldiennes. Bien sûr, l'alcool est une fois de plus un catalyseur qui permet cette transformation de l'individuel en masse informe et homogène, mais ces caractéristiques sont présentes souvent dès le début de soirée. Au cours d'une fête chez Anthony et Gloria, subitement les identités disparaissent : "Then the room seemed full of men and smoke." (BD 241). Chez Gatsby, les invités sont anonymes pour la plupart, "men and girls" (GG 45), "young Englishmen" (GG 48), "East Egg condescending to West Egg" (GG 51) ; ou bien ils sont mentionnés par métonymie, "hair bobbed", "shawls" (GG 46), ou par une référence à leur apparence, "the girls in yellow" (GG 49). De toute façon, les noms n'ont absolument aucune importance puisque tous les invités n'aspirent qu'à une chose: se fondre dans la masse. L'atmosphère frémit de ces rencontres anonymes : "[...] introductions forgotten on the spot, and enthusiastic meetings between women who never knew each other's names." (GG 46). Une des filles en jaune s'exclame : "'You don't know who we are,' [...]", mais elle n'en profite pas pour se présenter (GG 49). Apparemment l'anonymat est le secret d'une fête réussie où plus personne n'est quelqu'un et où la foule prend d'autorité les événements en main sans responsabilité individuelle pour les actes commis ; Jordan s'écrie fort à propos : "'And I like large parties. They're so intimate. At small parties there isn't any privacy.'" (GG 56). Chez les Diver, les invités ne forment plus qu'un, apparemment, autour de leurs hôtes, ils ne sont plus que les invités de Dick et Nicole, sans aucune personnalité propre :

‘The table seemed to have risen a little toward the sky like a mechanical dancing platform, giving the people around it a sense of being alone with each other in the dark universe, nourished by its only food, warmed by its only lights (T 33).’ ‘[...] a perceptible change had set in -person by person had given up something, a preoccupation, an anxiety, a suspicion, and now they were only their best selves and the Divers' guests (T 31).’

Maîtres de cérémonie, les Diver concentrent vers eux toute l'attention :

‘[...] the two Divers began suddenly to warm and glow and expand, as if to make up to their guests [...] for anything they might still miss from that country well left behind. [...] And for a moment the faces turned up toward them were like the faces of poor children at a Christmas tree (T 33). ’

Au début, Rosemary s'étonne de ce "mélange incongru" (T 28), mais bien vite l'ascendance de Dick sur elle lui fait tout accepter comme naturel. Dick, lui-même, est complètement pris par les événements, "deeply merged in his own party" (T 32). Cette création d'une masse homogène à partir d'éléments distincts est une des caractéristiques de la bacchanale24. Pacifique au début, elle se transforme en indifférenciation violente et poussée25. Ainsi, des invités arrivés individuellement et distinctement se transforment progressivement en foule sans identité et à l'agressivité croissante. M.Di Battista26 note que ce vaste carnaval fitzgeraldien est un "carne vale", un "adieu à la chair". Malgré les allusions sexuelles multiples, nous pouvons considérer qu'effectivement il s'agit d'un "adieu à la chair" en ce sens où tous les invités oublient leur être pour se fondre dans la foule. A l'instar du roman contemporain de Donna Tartt27 dont le narrateur et héros a Gatsby pour livre fétiche, ce type d'orgie bachique laisse présager d'une évolution accélérée vers une catastrophe sanglante et meurtrière.

Si le monde est un "carnaval de masques", comme l'affirme Kundera28, toutes ces fêtes portent le masque grimaçant d'une violence interne en pleine expansion et prête à agresser celui qui ne se protège pas, c'est le masque inquiétant de la société de l'Entre-deux-guerres. Plus effrayantes qu'un carnaval, ces orgies bachiques d'une foule sans identités distinctes, souvent muette ou sans paroles déterminantes et surtout sans limites morales et physiques seraient peut-être l'expression même de l'enfer tel que le perçoit Sollers :

‘Etre en enfer c'est être chassé par soi-même de sa propre parole : c'est l'envers, l'inversion où "le soleil se tait", le lieu de la réaction et de la confusion des langages, des métamorphoses, de la non-communication, de l'illusion d'identité29.’

Cette image de l'enfer, lieu de violence par excellence, expliquerait alors la réaction de Fitzgerald qui avoue que la fête va à l'encontre de son sentiment catholique30. La fête serait alors le moment limite où l'individu s'efface dans la foule pour basculer de l'autre côté de lui-même, là où il renie ses qualités sociales et morales, là où il peut laisser libre cours à ses instincts les plus primaires, là où son inconscient peut se manifester sans aucune censure.

Au-delà de cette violence racontée, il semble qu'une certaine forme d'agression se soit immiscée dans le texte fitzgeraldien : le texte lui-même est violenté par l'auteur. C'est dans cette blessure du texte que se lit le travail de l'écrivain-artisan qui forge son écriture à la manière d'un potier ou d'un joaillier31. Paradise est un patchwork, une architecture gothique flamboyante à l'image des bâtiments de Princeton tout en vestibules, tours et cloîtres moyenâgeux : "spires and gargoyles" (S 56). Dans ce premier roman, Fitzgerald entrelace tous les types de textes en un tissu damassé aux arabesques sans cesse changeantes : le texte est ciselé de narration classique, lettres, chansons, titres de chapitres et de sous-chapitres, passages theâtralisés contenant didascalies et dialogues, poèmes et citations32. Dans Paradise, la narration romanesque semble se faufiler de façon sinueuse et avec difficulté entre tous ces éléments supplémentaires qui infligent leur agression au texte. Fitzgerald lui-même écrira à son ami Leslie Shane : "I'm sandwiching the poems between reams of autobiography and fiction. It makes a potpourri, especially as there are pages in dialogue and in vers libre [...]"33. The Beautiful est construit sur ce même modèle ciselé, tout en coups de travers portés au texte comme pour en empêcher sa progression classique. Dans sa thèse, M.A.Gay affirme que le schéma de patchwork de Paradise correspond à une vie éclatée elle aussi ; elle soutient également que dans The Beautiful le point de vue changeant qui part d'Anthony pour se concentrer sur Gloria, sans jamais atteindre de perspective commune, explicite la vision fracturée du monde du couple Patch34. On pourrait ajouter que, plus profondément, cet éclatement est l'expression d'une violence de l'auteur vis-à-vis de sa propre écriture, il restera à déterminer plus loin de quoi cette violence est le symptôme et où elle conduit. Dans Gatsby, Tender et Tycoon, l'auteur a abandonné cette technique du patchwork, les titres ont disparu ainsi que les passages dramatiques et les innombrables citations ou poèmes. Tender contient encore une série d'échanges de lettres entre Dick et Nicole (T 119-123) et quelques chansons (T 27-28,94,135,159,169,269,287-288,293,306), mais semble beaucoup plus serein dans son développement, la typographie et la narration ne comportent plus la marque d'intrusions nombreuses et variées. Cependant, après la parution, Fitzgerald n'a cessé de se demander si l'insuccès de son roman n'était pas dû à sa composition et a entrepris de le remanier en supprimant le retour en arrière du Livre II et en positionnant ce Livre au début, selon l'ordre chronologique. Ainsi, au-delà de la parution, il ne pouvait laisser échapper l'oeuvre sans lui infliger un dernier coup. Depuis lors, les éditeurs ont fait des choix variés pour la publication de ce texte que l'absence actuelle de l'auteur semble laisser dans un perpétuel état d'incomplétude, violence suprême infligée par delà la mort de l'auteur. Dans ce même esprit, Tycoon ne peut que nous laisser deviner son existence, l'auteur ayant été emporté par une crise cardiaque en pleine composition de l'oeuvre. Il est le roman ultime mutilé par l'abandon involontaire de son créateur. Le héros et le romancier semblent alors incapables de se rejoindre dans la conclusion et l'espace littéraire en reste indéfini35, livré à la fantaisie la plus libre du lecteur. Après de nombreuses hésitations, Edmund Wilson publia le texte dans son état brut en 1941 sans essayer d'en rédiger la fin, livrant au lecteur les notes de Fitzgerald pour indiquer l'évolution prévue à partir du chapitre six. Mais pour un écrivain qui remaniait parfois complètement ses romans36, que peut signifier pour le lecteur cette oeuvre inachevée, blessée à mort par son géniteur ? Elle est la narration en direct du moment de bascule dans l'au-delà, le passage de la limite extrême ; elle est marquée du coup final et fatal que Fitzgerald infligea à son écriture et que le destin lui imposa à lui-même ; elle porte à tout jamais cette cicatrice infamante qui effraie le lecteur dès la couverture : The Last Tycoon: An Unfinished Novel. La blessure ultime apparaît au chapitre six :

‘The manuscript stops at this point. The following synopsis of the rest of the story has been put together from Fitzgerald's notes and outlines and from the reports of persons with whom he discussed his work (LT 151). ’

Cette courte intrusion de l'Autre dans le texte fitzgeraldien est la sentence de mort du texte, mais aussi de l'auteur ; l'oeuvre est violentée et abandonnée aux lecteurs dans toutes ses blessures jamais pansées ni pensées par Fitzgerald. Tout comme Tender, Tycoon a donné lieu à des publications variées en l'absence de certitudes et d'autorité de la part de l'auteur. Très récemment M.J.Bruccoli en a publié chez Scribner37 une version nouvelle, soi-disant plus proche de la vérité de Fitzgerald et ayant même un titre légèrement différent de celui adopté par E.Wilson. L'oeuvre demeure ainsi à jamais livrée en pâture aux lecteurs et chercheurs zélés qui la brutalisent pour la faire entrer dans le moule de l'image qu'ils se font de Fitzgerald. Elle sera le roman en éternelle mutation, condamné à l'incomplétude, sans titre définitif, sans fin arrêtée, une certaine image de l'enfer. En revanche, Gatsby serait peut-être le joyau réussi d'une carrière d'artisan du langage, l'objet d'art peaufiné à l'extrême dont la concision sublime ne laisse aucune place aux agressions de son auteur mais qui est lui-même un concentré de violence. En outre, au-delà du texte même, Gatsby fut l'objet d'une violence inacceptable pour l'auteur, celle de l'indifférence des lecteurs de l'époque. Fitzgerald ne comprit jamais l'échec commercial de sa création ; très enthousiaste à propos de ce roman, il en a ressenti d'autant plus durement son échec en librairie38.

Toutes ces traces de violence qui balafrent l'oeuvre de Fitzgerald dans son signifié et son signifiant sont les cicatrices visibles d'un effort de création qui émerge de la souffrance et de la douleur. A Frances Turnbull, Fitzgerald écrira : "In Paradise I wrote about a love affair that was still bleeding as fresh as the skin wound on a haemophile."39. A Zelda, il dira : "The novel [The Last Tycoon] is hard as pulling teeth [...]"40. Tel un être vivant, le texte est engendré dans la violence et le déchirement, mais il en triomphe ; il est alors ce que préconisait Hemingway : "grace under pressure"41. Si l'art est un moyen pour l'artiste d'échapper à son insatisfaction et à la névrose car par sa création il sublimerait sa souffrance42, il n'est pas étonnant que l'oeuvre artistique comporte des stigmates de violence nombreux, ce qui est le cas pour celle de Fitzgerald. Son oeuvre constitue alors la trace de son malaise, le signe violent dont il a voulu marquer sa société. Si "Nous sommes tous des possédés du langage et du sexe."43, l'oeuvre d'art serait alors la trace d'un possédé qui a su fixer cette violence dans le langage pour sa propre jouissance et celle de ses lecteurs. Ces romans chargés de violence seraient alors un peu semblables à ces paraboles jetées en pâture à la foule pour l'apaiser44. Cette violence inhérente au texte est aussi liée intimement à l'essence même de la poésie car :

‘[...] le langage poétique est une irruption violente de la négativité dans le discours, qui dénonce toute unité et détruit le sujet en détruisant la logique ; il sombre dans la "nuit"45.’

Il semble que dans chacun des romans de Fitzgerald la violence s'amplifie progressivement en resserrant un peu plus à chaque instant une victime entre les mailles de son filet : Amory Blaine, Anthony Patch, Gatsby, Dick Diver ou Monroe Stahr. Mais au-delà de ses personnages, c'est l'auteur lui-même qui est pris par la violence de la lettre et du texte. Les articles du Crack-Up sont l'expression douloureuse d'une gestation et d'une naissance littéraire qui ne s'effectue que dans la souffrance, une véritable métaphore de la naissance humaine. Fort à propos, Fitzgerald y affirme : "There is another sort of blow that comes from within-" (CU 39). L'ennemi destructeur est à l'intérieur, au sein même de l'individu et l'auteur constate : "I suddenly realized that I had prematurely cracked." (CU 40) ; puis il ajoute : "'The crack's in me'" (CU 44). La fissure est d'autant plus dangereuse qu'elle est interne, mais d'une certaine manière, c'est elle qui donne vie aux articles du Crack-Up, c'est elle qui suscite la création littéraire46. Pour l'écrivain, l'écriture suppose un arrachement, une déchirure de la plénitude de la Chose originelle.

Enfin, il semble qu'il n'y ait pas d'issue hors de cette violence puisque même les supposés guérisseurs (Gatsby, Dick Diver et Monroe Stahr) sont isolés de la foule et anéantis ; il est des blessures incurables qui dépassent les capacités du guérisseur et l'abattent lui aussi. Tous les héros fitzgeraldiens sont battus ou abattus, physiquement ou moralement. Il n'y a pas de solution pour juguler la violence si ce n'est de la laisser se déchaîner jusqu'à épuisement interne. Cette suprématie de la violence indique l'impossibilité où se trouve l'être humain d'y échapper ; elle est présente dans sa vie dès l'arrachement de la naissance et dans le complexe de castration fondateur de l'être et de l'ordre social, elle est également là dans la fissure radicale établie entre conscient et inconscient. La vie émerge de cette violence tout comme l'écriture, ce qui transparaît avec évidence dans la création littéraire de Fitzgerald. Son oeuvre est la preuve tangible de la division douloureuse du sujet, une division qui, selon Lacan, s'effectue par l'ordre même du langage47. La violence de l'oeuvre fitzgeraldienne atteste donc d'une explosion interne et externe à l'individu. Le désir d'écrire se manifesterait alors par une tentative pour circonscrire d'un trait un vide inacceptable, une fêlure insoutenable48.

L'univers fitzgeraldien est en proie à une entropie vertigineuse où la violence prend une place progressivement prépondérante et inquiétante ; elle introduit non seulement le motif du chaos et de l'élan brisé, mais provoque surtout l'explosion de toute unité ou tendance vers l'Un. Nicole déclare à Dick : "'But you used to want to create things -now you seem to want to smash them up.'" (T 264). Mmes Chard-Hutchinson et Raguet-Bouvart, qui se sont attachées au problème de la corporéité dans Gatsby et Tender, affirment :

‘Déjà dans The Great Gatsby l'individu est morcelé : [...]
........................................................................................................................
L'image de la mutilation du corps introduite à propos de la mort de Myrtle acquiert une dimension obsessionnelle et désespérée dans Tender is the Night. En tant qu'image virtuelle, née de l'impact de la guerre sur l'inconscient collectif, elle fait de la blessure le lien entre le physiologique, le moral et le psychique, représente le morcellement de l'individu et souligne la perte irrémédiable de son intégrité49.’

Il devient clair que la société et les personnages constitutifs de l'oeuvre romanesque de Fitzgerald sont parcellaires et s'inscrivent dans un acte d'écriture également morcelé et explosé qui reflète la division du sujet au sein d'une société qui ne favorise pas le cheminement vers l'Un réconfortant. Dans des romans où tous les personnages semblent être des épaves ou des blessés, si ce n'est finalement des défunts, que nous dit cette violence qui agit comme principe unificateur sur le mouvement qui, selon Fitzgerald, anime l'homme et la société dans laquelle il évolue ? En utilisant ce motif de violence, il est évident que l'auteur nous montre bien plus qu'un simple monde de bruit et de fureur.

Notes
8.

- Bernard Poli et André Le Vot, The Great Gatsby de F.Scott Fitzgerald (Paris, Armand Colin, 1979), p. 172.

9.

- Herman Rosenthal et Charles Becker sont mentionnés comme les deux gangsters historiques de Gatsby dans l'introduction de Matthew J.Bruccoli, New Essays on the Great Gatsby (Cambridge, Cambridge University Press, 1985).

10.

- Voir Geneviève et Michel Fabre, Tender Is the Night de F.Scott Fitzgerald (Paris, Armand Colin, 1989), p. 143.

11.

- Une première version de Tender, "la version Melarky", prévoyait que le héros tuerait sa mère, ibid., p. 44.

12.

- Infra Deuxième Partie, Chapitre II, p. 258.

13.

- Fitzgerald partageait avec Hemingway une passion pour les livres de guerre et en particulier pour ceux comportant des photographies de soldats mutilés, Jeffrey Meyers parle d'une "curiosité pathologique à propos de la guerre", op. cit., pp. 134-135.

14.

- Owl-eyes ressemble à une chouette monstrueuse avec ses lunettes géantes (GG 51) ; un des invités de la liste s'appelle "Catlip", patronyme qui suggère une étrange déformation (GG 68) ; dans Paradise, Amory croit voir un hommme aux pieds fourchus (S 108).

15.

- Bernard Poli et André Le Vot, op. cit., p. 154.

16.

- Dans le roman de Zelda, Alabama interroge avec désespoir son père mourant sur l'étrange liaison qui rend indissociable la douleur de l'âme de celle du corps, évocation évidente de la folie ou de la dépression : "'I thought you could tell me if our bodies are given to us as counter-irritants to the soul. I thought you'd know why when our bodies ought to bring surcease from our tortured minds, they fail and collapse; and why, when we are tormented in our bodies, does our soul desert us as a refuge?'", Zelda Fitzgerald, Save Me the Waltz (Harmondsworth, Penguin, 1971), p. 216.

17.

- "But evening is the time also for revelry, for drink, for passion. Alcohol enters the blood and acts as the sun's rays act. It inflames into life, it liberates into energy and consciousness. But by a process of combustion. That life of the day which we have not lived, by means of sun-born alcohol we can now flare into sensation, consciousness, energy and passion, and live it out. It is a liberation from the laws of idealism, a release from the restriction of control and fear.", David Herbert Lawrence, Fantasia of the Unconscious and Psychoanalysis of the Unconscious (Harmondsworth, Penguin, 1971), p. 173.

18.

- Maxwell Geismar, The Last of the Provincials (Cambridge, The Riverside Press, 1974), p. 289.

19.

- Joan M.Allen, Candles and Carnival Lights: The Catholic Sensibility of F.Scott Fitzgerald (New York, New York University Press, 1978), p. 88.

20.

- Bernard Poli et André Le Vot, op. cit., p. 181.

21.

- Voir Robert Stanton, "'Daddy's Girl': Symbol and Theme in Tender is the Night", Modern Fiction Studies (été 1958), vol. 4, pp. 136-142.

22.

- René Girard, La Violence et le sacré (Paris, Grasset, 1974), pp. 194, 197.

23.

- Bernard Poli et André Le Vot se sont particulièrement intéressés à la fluidité des soirées de Gatsby dans leur chapitre "Le fluide et le figé", op. cit., pp. 98-101.

24.

- Dans la bacchanale "le dieu abat les barrières entre les hommes, aussi bien celles de la richesse que celles du sexe, de l'âge, etc. Tous sont appelés au culte de Dionysos ; dans les choeurs, les vieillards se mêlent aux jeunes gens, les femmes sont à égalité avec les hommes.", René Girard, op. cit., p. 180.

25.

- Ibid., p. 181.

26.

- Maria Di Battista, "The Aesthetic of Forbearance: Fitzgerald's Tender is the Night", Novel: a Forum on Fiction (1977), vol. 11, pp. 26-39.

27.

- Donna Tartt, The Secret History (London, Viking, Penguin, 1992), passim.

28.

- Milan Kundera, L'Art du roman (Paris, Gallimard, 1987), p. 71.

29.

- Philippe Sollers, L'Ecriture et l'expérience des limites (Paris, Editions du Seuil, 1971), p. 37.

30.

- Supra Première Partie, Chapitre I, voir la citation mentionnée par J.M.Allen p. 15.

31.

- Roland Barthes affirme que "la forme [littéraire] est devenue le terme d'une 'fabrication' comme une poterie ou un joyau [...]", Le Degré zéro de l'écriture (Paris, Editions du Seuil, 1953), p. 11. Dans le même esprit, Pascal Aquien déclare dans sa thèse : "Dire (ou écrire), ce n'est pas faire, c'est plutôt fabriquer [...]", W.H.Auden. De l'Eden perdu au jardin des mots (Thèse Lettres, Paris 3, 1994-1995), p. 255.

32.

- Cet enchevêtrement rappelle immanquablement les théories de Roland Barthes qui soulignent l'analogie entre le texte et le tissu : "Lié constitutivement à l'écriture (le texte, c'est ce qui est écrit), peut-être parce que le dessin même des lettres, bien qu'il reste linéaire, suggère plus que la parole, l'entrelacs d'un tissu (étymologiquement, "texte" veut dire "tissu") il est, dans l'oeuvre ce qui suscite la garantie de la chose écrite, dont il rassemble les fonctions de sauvegarde [...]", "Théorie du texte", Encyclopaedia Universalis, p. 997.

33.

- The Letters of F.Scott Fitzgerald (Harmondsworth, éd. par Andrew Turnbull, Penguin, 1968), p. 391.

34.

- Marie-Agnès Gay, Etude stylistique du point de vue narratif et de son évolution dans les cinq romans de F.Scott Fitzgerald (Thèse Lettres, Lyon 3, 1994), p. 51.

35.

- Cf. René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque (Paris, Grasset/Le Livre de Poche, Collection Pluriel, 1978), p. 332.

36.

- Il y a eu plusieurs versions de Tender très différentes avant la publication en 1934, Geneviève et Michel Fabre, op. cit., "Une genèse difficile", pp. 43-55.

37.

- F.Scott Fitzgerald, The Love of the Last Tycoon: A Western (New York, éd. par Matthew J.Bruccoli, Scribner's, 1994).

38.

- Dans ses lettres à propos de Gatsby, Fitzgerald annonce un joyau de la littérature : "This book will be a consciously artistic achievement", The Letters of F.Scott Fitzgerald, op. cit., p. 182 ; "I think my novel is the best American novel ever written.", ibid., p. 185 ; "[...] but Gatsby sticks in my heart.", ibid., p. 192 ; "I think it's about ten years better than anything I've done.", ibid., p. 498. Après la parution, il se lamente et essaie péniblement de comprendre son échec en librairie : "I think the book is so far a commercial failure", ibid., p. 500 ; "The Great Gatsby [...] was a rank commercial failure", ibid., p. 556 ; "Is Gatsby dead?", ibid., p. 212 ; "Gatsby had to be taken out of the Modern Library because it didn't sell, which was a blow.", ibid., p. 131.

39.

- Ibid., p. 598.

40.

- Ibid., p. 147.

41.

- Dans une interview menée par Dorothy Parker pour le New Yorker du 30 novembre 1929, l'auteur utilisa cette expression pour expliquer ce qu'il signifiait par "guts".

42.

- "L'artiste est en même temps un introverti qui frise la névrose. Animé d'impulsions et de tendances extrêmement fortes, il voudrait conquérir honneurs, puissance, richesses, gloire et amour des femmes. Mais les moyens lui manquent de se procurer ces satisfactions. C’est pourquoi, comme tout homme insatisfait, il se détourne de la réalité et concentre tout son intérêt, et aussi sa libido, sur les désirs créés par sa vie imaginative, ce qui peut le conduire facilement à la névrose. [... Le véritable artiste] sait d'abord donner à ses rêves éveillés une forme telle qu'ils perdent tout caractère personnel susceptible de rebuter les étrangers, et deviennent une source de jouissance pour les autres. Il sait également les embellir de faÿon à dissimuler complètement leur origine suspecte.", Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse (Paris, Payot, 1987), p. 354.

43.

- René Girard, Le Bouc émissaire (Paris, Le Livre de Poche, Biblio/Essais, 1982), p. 228.

44.

- "Ouvrez votre dictionnaire grec à paraballo. Le sens premier du verbe montre clairement ce qu'il en est puisqu'il nous ramène justement au meurtre collectif. Paraballo signifie jeter quelque chose en pâture à la foule pour apaiser son appétit de violence, de préférence une victime, un condamné à mort ; c'est ainsi qu'on se tire d'une situation épineuse, de toute évidence. C'est pour empêcher la foule de se retourner contre l'orateur que celui-ci recourt à la parabole, c'est-à-dire à la métaphore. Il n'y a pas de discours, à la limite, qui ne soit parabolique ; c'est le tout du langage humain, en effet, qui doit venir du meurtre collectif, avec les autres institutions culturelles.", ibid., p. 283.

45.

- Julia Kristeva, Bataille (Paris, éd. par Philippe Sollers, U.G.E. 10/18, 1973), p. 285.

46.

- Dans une lettre à Fitzgerald, Hemingway écrira : "Forget your personal tragedy. We are all bitched from the start and you especially have to be hurt like hell before you can write seriously. But when you get the damned hurt use it -don't cheat with it...", Matthew J.Bruccoli, Some Sort of Epic Grandeur: The Life of F.Scott Fitzgerald, op. cit., p. 442.

47.

- Voir Anika Lemaire, Jacques Lacan (Bruxelles, Psychologie et Sciences Humaines, Pierre Mardaga, 1977), pp. 123, 319.

48.

- Pascal Aquien cite Lacan qui affirme que le désir d'écrire "revient à mettre en place un tracé autour d'un vide, d'une perte, d'un déchirement dont on ne peut pas faire le deuil.", Pascal Aquien, op. cit., p. 595.

49.

- Martine Chard-Hutchinson et Christine Raguet-Bouvart, "L'évolution de la problématique de la corporéité dans The Great Gatsby et Tender is the Night", Revue Franÿaise d'Etudes Américaines (Presses Universitaires de Nancy, février 1993), vol. 55, p. 86.