IV L'ordre de la lettre

Pour Fitzgerald, la lettre prime sur le corps, elle est l'unique solution aux tourments physiques et psychologiques, mais aussi l'essence de toute chose. Il sait lire au-delà de la surface du corps ; son écriture semble déchiffrer l'inconscient humain à son insu. Il est un Pygmalion qui crée non pas à partir de la matière physique mais de la lettre. Il donne vie à un univers de sa propre création, aussi bien dans son quotidien que dans son oeuvre littéraire. Tout au long de sa vie de mari, d'amant et de père, il essayera de façonner les femmes de son entourage à sa convenance411. En même temps, il les utilisera continuellement comme source d'inspiration dans son écriture, ceci allant même jusqu'au plagiat dans le cas de Zelda412. Ces femmes qu'il veut mouler à sa guise semblent d'ailleurs toutes porter son nom en anagramme ou paronomase au sein du leur propre, comme si la marque de Pygmalion était apposée partout. Le prénom "Zelda" contient exclusivement des lettres présentes dans "Fitzgerald" ; il en va de même pour Sheilah Graham dont seuls le "h" et le "m" n'appartiennent pas à "Francis Scott Fitzgerald". Enfin, le choix du prénom de sa fille, "Frances Scott" surnommée "Scottie", est tout à fait parlant413. Tandis qu'il essaie de créer son univers, ses compagnes et sa légende414 de toutes pièces en les mettant à son diapason, il semble mélanger le monde réel avec celui de l'imagination et de l'écriture ; alors ses proches, aussi bien que son oeuvre, deviennent une vaste expansion de son nom. Lacan a insisté sur l'importance déterminante du nom propre415 ; Barthes, pour sa part, affirme que "La littérature est exploration du nom."416. L'oeuvre de Fitzgerald se révèle comme un vaste jeu, inconscient sans doute, sur les lettres du nom de l'auteur. Le nom "Gatsby", né de l'imagination du héros417, semble surgi du patronyme de l'auteur dans ses sonorités. Avant même d'être un personnage et un corps, le héros est un nom auquel il est fait régulièrement allusion quand Nick précise où il habite (GG 11,17,21) et quand il évoque le début de sa première soirée chez son voisin (GG 47,50,51). Ensuite, c'est un nom que Daisy entend par hasard (GG 84), puis, finalement, c'est un nom qui, tel un fil d'Ariane, mène Wilson jusqu'à sa victime. De "Gad's Hill", le meurtrier chemine vers "Gatsby's house" puis "Gatsby's name" (GG 167), lente progression jusqu'au nom qui prend corps et devient victime. Gatsby mort est alors relayé par l'arrivée de Mr Gatz (GG 173) et c'est un brutal retour aux origines qui s'opère. Dans Tycoon, Monroe Stahr devait mourir dans un accident d'avion et c'est la jeune Frances (LT 182), nom évocateur de l'auteur et de sa fille, qui devait découvrir la carcasse de l'appareil.

Comme le suggérait la manie des listes examinée précédemment, le dit et l'écrit protègent le corps, ils aident à son apaisement et à sa guérison. Ce n'est pas par hasard si l'invité de Gatsby, Owl-eyes, qui est ivre depuis une semaine, s'est retiré dans la bibliothèque pour retrouver ses esprits (GG 52). Le cas de Nicole est, lui, particulièrement flagrant. Dès le début du roman, elle est décrite aux prises avec l'écriture et, du fond de sa névrose, elle se raccroche à la transcription et la traduction d'une recette de "poulet à la Maryland" comme si là résidait tout son espoir de guérison. Sur la plage (T 4), elle établit d'abord une liste à partir d'un livre, on la voit ensuite tout entière accaparée par une recette : "[...] looking through a recipe book for chicken Maryland." (T 15)). Plus tard, elle se remet à la broderie : "Nicole having copied her recipe picked up a piece of sewing." (T 17). Le travail de la lettre sera poussé jusqu'à la traduction pour un apaisement parfait de l'âme. Dans son monologue intérieur, elle affirme avec la force du désespoir : "Everything is all right -if I can finish translating this damn recipe for chicken à la Maryland into French." (T 161). Déjà la traduction est en cours puisque le "chicken Maryland" du début (T 15) est devenu "chicken à la Maryland" (T 161). Quand la pression devient trop forte, elle laisse échapper sa tension en "inhumanité verbale" (T 112) ou en un flux de conscience désordonné (T 158-161). A bord du "Margin", elle est attirée par Tommy qui lui parle en français, mais elle hésite encore à adopter cette nouvelle langue :

‘"Talk English to me, Tommy."
"Parlez français avec moi, Nicole." (T 267).’

Plus tard, devenu son amant, Tommy exigera à nouveau d'elle de changer de langue, mais en la tutoyant cette fois-ci :

‘"Parle français."
"Very well," and she asked again in French. "Do you like what you see?" (T 289-290).’

Hésitant entre les deux langues, elle passe de l'une à l'autre, utilisant l'anglais pour exprimer son indignation :

‘She broke away, shocked and indignant, and cried in English:
"Is that why you wanted to talk French?" Her voice quieted as the butler came with sherry. "So you could be offensive more accurately?" (T 290).’

Retrouvant son calme et son assurance, elle poursuit en français. Elle perçoit le bout du tunnel et adopte cette nouvelle langue pour un nouvel amour et une nouvelle vie. Sa traduction de la recette est certainement accomplie maintenant, elle-même se trouve traduite dans un autre corps qu'elle sait désormais maîtriser. Sa guérison a vu progressivement un réinvestissement de sa part dans le langage. Ce lent processus a commencé dès la clinique avec les quelques cinquante lettres adressées à Dick en huit mois (T 119). Ensuite, elle ressentira un temps la force illusoire du mot-valise "Dicole" (T 103) qui semble lui assurer une fusion protectrice et parfaite. Plus tard, Tommy lui reprochera son silence, mais elle remarquera : "Since I was well the first time I talked a lot to Dick late at night [...]" (T 161). Elle finira par avoir le courage de déclarer :

‘"I've gotten very fond of Tommy, Dick." [...]
"You don't care for me any more," she continued. "It's all just habit. Things were never the same after Rosemary." (T 306).’

Tommy prendra le relais pour réclamer le divorce au nom de la jeune femme : "Tommy faced Dick, saying: 'I think Nicole wants a divorce -I suppose you'll make no obstacles?'" (T 307). Délivrée de sa névrose et de son mariage, sa première réaction naturelle serait encore de dire son bonheur à Dick, c'est-à-dire, en quelque sorte, d'exprimer sa reconnaissance au médecin qui l'a guérie :

‘But also she felt happy and excited, and the odd little wish that she could tell Dick all about it faded quickly. But her eyes followed his figure until it became a dot and mingled with the other dots in the summer crowd (T 308).’

Pour Nicole les soins du corps par l'expression ont réussi, mais d'autres personnages ne réagissent pas aussi bien. Abe North se laisse aller à une déchéance complète malgré les tentatives de ses amis pour ralentir sa chute. En bon médecin de l'âme, Dick essaie de le calmer avec un jeu d'anagrammes, mais il regarde cela avec répugnance (T 108). Le jeu de lettres devient la condition sine qua non pour qu'Abe reste à l'hôtel avec Dick, mais le malade se révolte sans réussir à s'exprimer pleinement : "'What are anagrams? Haven't I had enough strange-'" (T 108). Le mot "alcohol" lui est interdit, il est pourtant le seul qu'il souhaiterait étaler sur la table car c'est son obsession. Elle deviendra également celle de Dick, comme le soupçonne déjà le compositeur du fond de sa détresse : "'I bet you can spell alcohol,' Abe plunged his hand among the counters. 'Can I come back if I can spell alcohol?'" (T 108). En présumant ainsi des capacités de Dick à épeler le mot alcool, Abe montre qu'il devine déjà la faille secrète du héros et sa future dissipation. Le seul mot qui intéresse le musicien déchu, car il est l'unique évasion et qu'il rime avec le prénom de la femme aimée et interdite, Nicole, lui est rigoureusement refusé ; il s'apprête alors pour le plongeon définitif :

‘"You can come back if you want to play anagrams."
Abe shook his head resignedly.
"If you're in that frame of mind there's no use -I'd just be in the way." He waved his finger reproachfully at Dick (T 108).’

Trop engagé sur le chemin sans retour, Abe n'a plus la volonté de croiser les lettres pour se construire une nouvelle vie faite de nouveaux mots. Le corps demeure marqué quand les mots ne viennent pas ; à l'inverse de Nicole, Abe ne réussit pas à se hisser vers la vie grâce à la parole et à l'écrit. A l'instar d'Abe, Dick perd progressivement son emprise sur les lettres et sur les mots. Au fur et à mesure, il délaisse ses écritures et préfère la solitude à la parole : "Dick didn't want to talk -he wanted to be alone [...]" (T 169)418. Son choix de se présenter à l'hôtel comme "Mr and Mrs Diver instead of Doctor and Mrs Diver" (T 161) annonçait déjà le refus d'un titre qui ne lui correspondait plus. Il finit éliminé en douceur du roman ; malgré une brillante intervention au cours d'un congrès médical (T 313), il doit quitter Lockport et, finalement, il n'écrit plus à Nicole (T 313) et se dissout dans la fin du roman sans mot dire.

En dépit de leurs échecs, les héros de Fitzgerald demeurent profondément attachés à la parole et à l'écrit. Ce sont les lettres de Nicole qui ont attiré l'attention de Dick sur la jeune femme (T 119-123), puis ses chansons l'ont envoûté (T 135). Plus tard, à Rome, dans la chambre de Rosemary, la conversation prend une tournure presque épistolaire : "He sent his words to her like letters, as though they left him some time before they reached her." (T 210). Les mots semblent à la fois permettre les relations et s'interposer entre les personnes. Dans le train, perturbé par la crise de Nicole à l'hôtel, Dick essaye de se réfugier dans la lecture pour se calmer. Il tente de placer le livre entre eux afin d'éviter la communication, mais sa lecture est difficile, il finira par faire semblant de dormir (T 166).

Dans Gatsby, le héros est très sensible aux mots. Malgré ses livres jamais lus, c'est dans la bibliothèque qu'il choisit de faire ses premiers aveux à Jordan (GG 59). Dans sa folle entreprise visant à récupérer Daisy, les mots sont de toute évidence largement plus importants que le corps, d'ailleurs la relation physique de Gatsby et Daisy n'est jamais clairement évoquée, surtout après leurs retrouvailles. Se fiant à la puissance des mots, il compte annuler ses quatre dernières années de solitude grâce à une petite phrase :

‘He wanted nothing less of Daisy than that she should go to Tom and say: "I never loved you." After she had obliterated four years with that sentence they could decide upon the more practical measures to be taken (GG 116-117).’

Pour lui, la force du verbe est telle qu'elle peut permettre d'arrêter le temps :

‘"Can't repeat the past," he cried incredulously. "Why, of course you can!" [...]
"I'm going to fix everything the way it was before," he said determinedly. "She'll see." (GG 117).’

Dans ces conditions, son obsession pour le dit va s'intensifier, il n'aura de cesse que Daisy n'ait prononcé la fameuse phrase, tout le reste sera sans importance car "juste personnel" (GG 158). Lors de la scène au "Plaza Hotel" (GG 132-142), ce seront les mots qui marqueront la défaite du héros. Il s'accroche alors fanatiquement à l'adverbe "never" qu'il veut que Daisy prononce devant Tom. Il commence par lancer à ce dernier : "'Your wife doesn't love you,' [...] 'She's never loved you. She loves me.'" (GG 137). Il attend ensuite que Daisy scelle son amour pour lui avec les mêmes termes : "'Daisy, that's all over now,' he said earnestly. 'It doesn't matter any more. Just tell him the truth - that you never loved him - and it's all wiped out forever.'" (GG 138). Mais la jeune femme ne parvient pas à prononcer la phrase voulue ; l'air hébété, elle bafouille : "'Why -how could I love him- possibly?'" (GG 138). Tel un professeur, Gatsby la reprend : "'You never loved him.'" (GG 138). Daisy répétera la phrase avec difficulté (GG 138), mais devant les invocations de Tom, elle craque et ajoute le mot qui fait tout basculer pour Gatsby :

‘"Oh you want too much!" she cried to Gatsby. "I love you now - isn't that enough? I can't help what's past." She began to sob helplessly. "I did love him once -but I loved you too." (GG 139).’

Gatsby est complètement abasourdi par ce "too" qu'il répète avec insistance sans comprendre : "'You loved me too?'" (GG 139). Dès lors, les mots se retournent contre lui car Tom sait les utiliser à son avantage : "The words seemed to bite physically into Gatsby." (GG 139). Daisy cède à l'influence de Tom : "'Even alone I can't say I never loved Tom,' she admitted in a pitiful voice. 'It wouln't be true.'" (GG 139). Frappé de panique, Gatsby fait une dernière tentative, mais Tom manie les mots avec adresse et prononce les termes adéquats qui jettent le trouble dans l'esprit de Daisy et permettent au mari triomphant de laisser rentrer son épouse seule avec Gatsby sans appréhension (GG 141). En effet, Daisy est terrorisée par l'évocation de Meyer Wolfshiem et de Walter Chase, ainsi que par les termes "'drug-stores'", "grain alcohol", "bootlegger", "stunts", "jail", "betting laws" et les phrases accusatrices suivantes : "'You're one of that bunch that hangs around with Meyer Wolfshiem- [...]'", "'You ought to hear Walter on the subject of you.'", "[...] 'but you've got something on now that Walter's afraid to tell me about.'" (GG 140-141). Les mots détruisent complètement l'image féerique et romantique qu'elle avait de Gatsby. Attaché aux mots, Gatsby se trouve démis par eux ; finalement, Nick remarque : "He looked -and this is said in all contempt for the babbled slander of his garden- as if he had 'killed a man'." (GG 141). Trahi par des mots qui ne savent pas refléter sa vérité, il est incapable d'assurer sa défense :

‘[...] he began to talk excitedly to Daisy, denying everything, defending his name against accusations that had not been made. But with every word she was drawing further and further into herself, so he gave that up [...] (GG 141).’

C'est bien son "nom" qu'il doit défendre puisque, comme tout son univers, il est de sa propre fabrication, mais il tente de le faire sans succès et Nick remarquera plus tard : "'Jay Gatsby' had broken up like glass against Tom's hard malice [...]" (GG 154). Le nom qu'il s'était forgé s'est brisé et avec lui tout son personnage ; arrivera ensuite Mr Gatz, qui imposera de nouveau le nom originel du héros.

Dans Paradise, Amory Blaine dit être "un génie littéraire" (S 49), d'ailleurs sa mère l'encouragea dès son jeune âge : "She fed him with sections of the 'Fêtes Galantes' before he was ten [...]" (S 13). Son admiration sans bornes et sans issue pour Clara Page indique clairement son attachement à l'écriture. Le nom de la jeune femme la lie immanquablement à la trace écrite et, en effet, elle manie les mots admirablement : "She could make fascinating and almost brilliant conversation out of the thinnest air that ever floated through a drawing-room." (S 130). Elle apprécie la lecture et a véritablement des dons de conteuse, même sur les sujets les plus anodins :

‘But Clara talking, Clara telling a slender tale of a hatpin and an inebriated man and herself...People tried afterward to repeat her anecdotes but for the life of them they could make them sound like nothing whatever (S 130).’

A la manière d'un écrivain de talent, son utilisation des mots et sa personnalité transfigurent une situation ou un décor médiocres en réalité étincelante :

‘Deepest of all in her personality was the golden radiance that she diffused around her. As an open fire in a dark room throws romance and pathos into the quiet faces at its edge, so she cast her lights and shadows around the rooms that held her, until she made of her prosy old uncle a man of quaint and meditative charm, metamorphosed the stray telegraph boy into a Puck-like creature of delightful originality (S 130).’

En fouillant dans sa bibliothèque, Amory découvrira avec émotion un poème composé lorsqu'elle était écolière qu'il lui enviera vivement (S 131). Elle lui apparaît définitivement comme l'incarnation de l'idéal féminin.

Monroe Stahr, pour sa part, n'a aucune prétention littéraire. Il trahit même un manque de culture évident. A Kathleen, qui lui dit que son père a publié Last Blessing, il réplique : "'I don't read.'" (LT 132). Il ne connaît pas les grands dramaturges grecs classiques qu'il prend pour des cinéastes (LT 75) et, quand Kathleen lui parle de Spengler, il demande innocemment : "'Who was Spengler?'" (LT 109). Cependant, il sait manipuler les mots pour susciter des images. Au début du roman, il réussit à tenir Boxley en haleine avec une petite histoire de sa composition chargée de lui faire comprendre comment composer ses scripts (LT 43). Il a un véritable don de narrateur: "Stahr was an artist only [...]" (LT 125). Il sait ce qui fera un bon film, il sait quand une scène doit être préservée dans toute sa longueur (LT 70), il sait quand elle ne traduit pas le synopsis qu'il avait aimé au premier abord :

‘"But it's not the story," said Stahr. "I've told you many times that the first thing I decide is the kind of story I want. [...] This is not the kind of story I want. The story we bought had shine and glow -it was a happy story. This is full of doubt and hesitation. The hero and heroine stop loving each other over trifles -then they start up again over trifles. After the first sequence, you don't care if she never sees him again or he her." (LT 50).’

Stahr est celui qui peut traduire les mots en images qui captiveront le spectateur.

En tant que narrateurs, Nick et Cecilia affirment leur importance par l'intermédiaire du discours. Cecilia remarque qu'elle a déjà tenté d'écrire ses mémoires (LT 9). Nick annonce avec un certain orgueil ses capacités littéraires : "I was rather literary in college -one year I wrote a series of very solemn and obvious editorials for the Yale News-" (GG 10). Il a bien rempli sa bibliothèque et déclare avec enthousiasme :

‘There was so much to read [...] I bought a dozen volumes on banking and credit and investment securities, and they stood on my shelf in red and gold like new money from the mint, promising to unfold the shining secrets that only Midas and Morgan and Maecenas knew. And I had the high intention of reading many other books besides (GG 10).’

Il passe d'ailleurs une heure par jour à la bibliothèque de son travail (GG 63). A la fin du roman, il devient une sorte de prolongement du héros par son approbation et grâce à sa narration ; il affirme : "[...] his protest continued in my brain [...]" (GG 172). Les événements font surgir dans son esprit d'étranges cauchemars semblables à des passages de roman fantastique : "West Egg, especially, still figures in my most fantastic dreams. I see a night scene by El Greco [...]" (GG 183). Il décrit cette scène quasi picturale comme si lui-même était romancier. Côtoyer Gatsby semble avoir libéré son esprit et son expression. Il peut enfin livrer au lecteur une vision verbalisée de la quête du héros et de tous les hommes dans les dernières lignes du roman (GG 187-188). Lui qui pressentait les choses sans pouvoir les formuler, peut, à la fin du roman, voir et exprimer ses sensations à la manière d'un écrivain. Ainsi, le roman semble jaillir de sa plume et sa voix de narrateur prend toute la force que lui confère le "I", qui n'est plus uniquement un "eye" d'observateur, mais un "I" correspondant à un véritable agent actif de la narration419.

Bien que le monde des mots soit avant tout l'apanage des héros et des narrateurs, d'autres personnages prétendent également à un certain attachement à ceux-ci. Même Tom, le personnage le plus corporel qui soit, se dit déstabilisé par un livre, "'The Rise of the Colored Empires by this man Goddard'" (GG 19). Bien sûr il semble qu'il fasse erreur sur l'auteur420, néanmoins l'ouvrage l'a frappé et Nick est en consterné : "As for Tom, the fact that he 'had some woman in New York' was really less surprising than that he had been depressed by a book." (GG 27). Dans Tender, la froide Baby ne trouve, elle, de réalité à ses sentiments que dans leur expression verbale : "Her emotions had their true existence in the telling of them." (T 310).

Le corps est soumis à la lettre et en reste profondément perturbé quand les mots ne viennent pas car "être c'est avant tout être dit, montré, imagé, redit."421. Si "le mot engendre le meurtre de la chose, [s']il faut que la chose se perde pour être représentée"422, le mot devient aussi l'instrument d'une création pour l'écrivain qui n'a d'être que littéraire, son corps est un corps écrit, un corpus de mots. Barthes remarque : "Est écrivain celui pour qui le langage fait problème, qui en éprouve la profondeur, non l'instrumentalité ou la beauté."423. Pour l'écrivain, n'existe que ce qui est désigné, ne prend corps, par conséquent, que ce qui passe par l'intermédiaire de la lettre. L'auteur disparaît alors derrière le signifiant et laisse la place à son oeuvre :

‘L'individu est annulé. Pour cette raison, l'oeuvre se crée.
Car, autour du trait, noire bordure qui prolonge la mort du désir de l'écrivain, le réel vient buter, s'organiser. Et le trait qui infléchit le geste, n'exprimant plus l'histoire et les enjeux personnels du sujet, devient pensée qui se pense elle-même par le biais du matériau. Une oeuvre est du langage, de la couleur, du son en train de naître à sa propre intelligence, hors de celle de l'écrivain424.’

L'écriture crée un univers tout entier né de l'imagination de l'auteur, en cela elle affirme une puissance exceptionnelle. Michel et Geneviève Fabre soutiennent l'idée suivante :

‘Ecrire c'est, pour Fitzgerald, chercher un sens secret aux événements de sa vie, maîtriser ces événements, créer un monde autonome et en proposer sa propre exégèse. Non seulement la vie, mais la relation de l'auteur avec la vie, prennent forme dans l'oeuvre425.’

En créant un monde avec des mots, Fitzgerald s'assure une certaine prise sur le temps insaisissable qui, comme pour Keats, lui file constamment entre les doigts car :

‘"Tout passe.-L'art robuste
Seul a éternité (LT 40)."’

A l'instar de celle de Keats, son oeuvre devient une parade contre l'implacable fuite du temps car la lettre est :

‘[la] trace irrécusable, indélébile, pense-t-on, du sens que l'auteur de l'oeuvre y a intentionnellement déposé ; le texte est une arme contre le temps, l'oubli, et contre les roueries de la parole, qui, si facilement, se reprend, s'altère, se renie426.’

Dans un excellent article intitulé "Fiction as Greatness: The Case of Gatsby"427, A.Weinstein analyse comment la splendeur de Gatsby est le fruit de l'acte d'écriture et comment, dans le roman, l'auteur suggère la supériorité de la fiction sur la réalité, c'est-à-dire du discours sur le corps. Fitzgerald joue avec les mots pour créer un univers peuplé de personnages ; tel un artisan, il fabrique plus qu'il ne montre la réalité. Il est l'illusionniste qui fait surgir des créatures, des objets et un monde à partir du vide, seuls les mots constituent sa baguette magique. Plus qu'à dévoiler la vérité, il s'attache à susciter la croyance. Il vise continuellement à créer par le jeu des mots ce que recherchaient les poètes romantiques, à savoir : "that willing suspension of disbelief"428. A.Weinstein affirme : "The Great Gatsby is about the power of belief."429. Selon lui, la réalité ne peut aucunement défier avec succès ce que le désir construit et, en bout de course, même l'échec ne saurait signifier le triomphe de la réalité : "Fitzgerald's subject is more truly that of creation rather than deflation.", "Fitzgerald seems altogether more committed to the project of making things from nothing."430. Pour Fitzgerald en tant qu'écrivain, la réalité se résume à quelque chose de "juste personnel" (GG 158), seule l'écriture importe. A la manière de Gatsby qui construit sa quête sur une Daisy indigne d'une telle entreprise, l'auteur bâtit son oeuvre sur des histoires d'amour banales, mais il lui donne une splendeur indéniable grâce à la langue utilisée et à son imagination. De la même façon, Nick accorde une splendeur évidente à un Gatsby qui a su l'émerveiller par ces mêmes qualités :

‘-it was an extraordinary gift for hope, a romantic readiness such as I have never found in any other person and which is not likely I shall ever find again (GG 8).’ ‘For a while these reveries provided an outlet for his imagination; they were a satisfactory hint of the unreality of reality, a promise that the world was founded securely on a fairy's wing (GG 106).’ ‘It had gone beyond her, beyond everything. He had thrown himself into it with a creative passion, adding to it all the time, decking it out with every bright feather that drifted his way. No amount of fire or freshness can challenge what a man can store up in his ghostly heart (GG 103).’

Malgré quelques mouvements de résistance, Nick accepte tout de Gatsby : un San Francisco dans le Middle West (GG 71), de l'argent surgi d'un héritage (GG 71) qui se transforme en fruit de trois ans de travail (GG 97) ou la description d'une vie romantique et merveilleuse (GG 71-72). Une médaille et une photographie ont vite raison de son incrédulité (GG 72-73). Il reconnaît : "My incredulity was submerged in fascination now; it was like skimming through a dozen magazines." (GG 72) ; puis il conclut :

‘Then it was all true. I saw the skins of tigers flaming in his palace on the Grand Canal; I saw him opening a chest of rubies to ease, with their crimson-lighted depths, the gnawings of his broken heart (GG 73).’

Plus tard, reçu dans la demeure de Gatsby, le narrateur avouera : "I was going to ask to see the rubies when the telephone rang [...]" (GG 100). Ensuite, il admettra : "I had reached the point of believing everything and nothing about him." (GG 108). Le seul sourire du héros surmonte toutes les suspicions qui peuvent sommeiller en Nick (GG 54). Dans Gatsby, Fitzgerald nous offre un univers tout en surréalisme, tromperies, erreurs d'appréciation et illusions d'optique, confusions de noms et de personnes ; il est à l'image du monde créé par Gatsby. Comme le narrateur, le lecteur se laisse charmer et ne pose pas de questions. Sous l'emprise de Gatsby, Nick affirme :

‘"Anything can happen now that we've slid over this bridge," I thought; "anything at all..."
Even Gatsby could happen without any particular wonder (GG 75).’

Alors que Nick se laisse emporter par l'imagination de Gatsby, le lecteur est, lui aussi, entraîné par le texte de Fitzgerald, acceptant comme héros un escroc à la poursuite d'une femme sans intérêt dans un décor fantastique de cendres (GG 29), de "monticules blancs et de morceaux de sucre" (GG 74), d'îles en forme d'oeuf (GG 11), de panneaux publicitaires quasi divins (GG 29), d'immeubles aux allures d'énormes tranches de gâteau (GG 34). A travers Gatsby, Fitzgerald célèbre l'art de construire un monde à partir d'un rien, avec pour seul outil le langage. A propos de tous les passages irréalistes du roman, A.Weinstein remarque :

‘None of these passages has any literal truth, nor do they further the plot; but they are indices of the novel's figurative activity, of the play of metaphor and masquerade, of self-projection and self-creation, which are at the heart of the book. To be free from the constraints of proof or evidence, to alter one's identity, to be multiple rather than single, to overcome the laws of time and space and background: such are precisely the virtues of fiction, of the American dream, and of Jay Gatsby431.’

L'auteur préfère l'imagination et la fiction à la réalité tangible. Pour lui, le signifiant prime et, en cela, il est un digne descendant de ceux qui forgèrent le concept du "rêve américain", même s'il en célèbre l'échec, car il s'agit d'un rêve où le mot produit l'action, le désir façonne l'objet et l'imagination crée un monde nouveau ; seule la croyance soutient tout l'édifice.

A.Weinstein consacre une grande partie de son article à ce qu'il nomme "the saga of 'Blocks' Biloxi"432. Selon lui, ce passage du roman (GG 133-135) illustre admirablement la force de la fiction et des signifiants. Surgi de nulle part pour le mariage de Tom et Daisy, "Blocks" Biloxi s'est forgé une histoire tout aussi imaginaire que celle de Gatsby, les uns le prenant pour un ami de Daisy, les autres pour le président de la promotion de Tom à Yale. Ce fabricant de boîtes venait d'un Biloxi (Tennessee) aussi farfelu que le San Francisco du Middle West de Gatsby puisque Biloxi est situé en réalité dans l'état du Mississippi. A la manière de celle d'un personnage de fiction, son histoire est construite de toutes pièces et a nettement imprimé les esprits. Invité inconnu de la noce, tout le monde se souvient néanmoins de lui. Son personnage est bâti progressivement avec la contribution de tous, à la manière d'un jeu de construction enfantin fait de blocs différents ; en bout de course, il devient bien réel et laisse même un club de golf, symbole de son existence, chez Jordan. Il disparaît le jour de la mort du père de la jeune femme, ce qui scelle définitivement son passage, même si Jordan tient à préciser que les deux événements n'avaient aucun lien (GG 134). Il articule la transition de la vie à la mort, de l'existence à la disparition. Il est le magicien des mots qui tuent l'objet tout en lui assurant une nouvelle pérennité. Monument de fabulation, il incarne parfaitement l'art de la fiction, il est d'ailleurs lié à Gatsby, autre fabulateur et imposteur, mais aussi héros de fiction. Tom l'a bien compris qui lance :

‘"Oh, yes, I understand you went to Oxford."
"Yes -I went there."
A pause. Then Tom's voice, incredulous, and insulting:
"You must have gone there about the time Biloxi went to New Haven." (GG 135).’

Que l'histoire de Biloxi soit vraie ou fausse, là n'est pas la question ; de la même façon, il n'est pas essentiel que la splendeur de Gatsby ne soit pas fondée sur la réalité de ses paroles et l'honnêteté de ses activités ; l'important est dans la création magique de quelqu'un à partir de rien, d'une splendeur due au jeu des mots :

‘The power of belief is Fitzgerald's true subject, and he brilliantly saw that it is allied to semiosis, to the production of meaning. He intuitively grasped that the virtues of the dream are synonymous with the virtues of language433.’

Biloxi, Gatsby et Fitzgerald transforment la fiction en faits, le rêve en réalité et les lettres en corps. "Blocks" Biloxi est l'essence même de ce qui produit ces fameux "blocks" que Fitzgerald recommande à Zelda de lire434 ; il est : "the liberated signifier, the unit or 'block' of language that can be molded and connected in countless possible contents or signifieds."435.

Fitzgerald joue avec les signifiants, il tisse à travers ses textes des mots en langues étrangères qui colorent la narration de leur spécificité et dont le signifié n'est pas forcément le plus important. Tender, qui se déroule principalement en France, comprend de nombreux noms propres, expressions et chansons en français, mais aussi de courts passages dans cette langue. A Paris, les personnages parcourent la "Rue Monsieur" jusqu'à l'hôtel particulier du "Cardinal de Retz" (T 71), la "Rue des Saints Pères" (T 67) ou encore la "Rue des Saints-Anges" (T 92). Rosemary achète le journal "Le Temps" (T 13) et Dick longe de nombreux magasins aux noms et publicités en français (T 91). En Suisse, des panneaux en français interdisent la cueillette des fleurs (T 147) et les médecins enregistrent le diagnostic sur le cas de Nicole dans cette même langue (T 127). Les enfants Diver chantent "Mon ami Pierrot" (T 27-18) ; il est d'ailleurs remarqué que Lanier a un accent particulier quand il parle anglais : "[...] the odd chanting accent of American children brought up in France." (T 27). A Paris , à la gare, deux porteurs commentent en français le meurtre commis sur le quai (T 85). A la fête foraine, Dick confie ses enfants à une femme pour retrouver Nicole plus vite : "'Madame, [...] Est-ce que je peux laisser ces petits avec vous deux minutes? C'est très urgent -je vous donnerai dix francs.'" (T 189). Gardant la même langue il s'adresse alors aux enfants qui lui répondent aussi en français :

‘"Alors-restez avec cette gentille dame."
"Oui, Dick." (T 189).’

Puis, dans la foule, des badauds s'écrient en voyant Nicole sur la grande roue :

‘"Regardez-moi ça!"
"Regarde donc cette anglaise!" (T 189).’

Plus tard, Dick récupère les enfants auprès de la foraine qui le remercie chaleureusement en français pour sa générosité (T 191). De par sa double appartenance, Tommy jongle souvent avec les deux langues et entraîne Nicole à faire de même (T 267,289-290). A la fin du roman, elle repense avec nostalgie à son premier contact avec la plage mise en valeur par Dick, souvenir rythmé par le "'Dîtes donc! Dîtes donc!'" des jeunes baigneuses de l'époque (T 278). L'allemand intervient également quelques fois, comme pour le long titre du traité de Dick (T 145).

Fitzgerald caractérise souvent ses personnages par l'intermédiaire du langage qu'il leur attribue. Dans Gatsby, les policiers ont un style syncopé qui reflète leurs fonctions administratives. Quand Gatsby est interpellé pour excès de vitesse, le policier le laisse finalement partir en annonçant : "'Right you are,' [...] 'Know you next time, Mr Gatsby. Excuse me!'" (GG 74). Après l'accident de Myrtle, un autre policier est aux prises avec l'orthographe compliquée du nom grec du témoin, il répond alors à Tom laconiquement : "'Auto hit her. Ins'antly killed.'" ; puis il ajoute : "'She ran out ina road. Son-of-a-bitch didn't even stopus car.'" (GG 146). En outre, MM. Poli et Le Vot remarquent avec justesse à propos des personnages de Gatsby :

‘Ces personnages en quête d'un langage, en quête d'une image, sont si peu sûrs d'eux-mêmes et de leur langue qu'ils se caractérisent presque tous -et le narrateur ne fait pas exception à le règle- par le recours à la répétition. Le rythme des dialogues est en effet fondé sur la réitération ou la modulation de mots ou d'expressions436.’

Les exemples sont en effet nombreux et bien détaillés par les deux auteurs437. Ces répétitions se retrouvent également quelques fois dans les autres romans (BD 40,102), surtout dans les chansons comme nous le verrons plus loin. MM. Poli et Le Vot en tirent la conclusion suivante :

‘Le langage parlé, à ce degré, perd toute fonction de communication. L'emploi réitératif, obsessionnel, de certains mots ou expressions, nous fait entrevoir cette réification des mots438.’

A d'autres moments, la langue et les signifiants sont déformés pour donner une sorte de transcription phonétique approximative d'un accent particulier. Irritée par les discussions nocturnes de Rosemary et de Campion, une voix à l'accent anglais résonne dans l'obscurité : "'Will you kaindlay stup tucking!'" (T 40). Lors des folles aventures d'Abe dans les cafés parisiens, Dick reçoit des coups de téléphone anonymes et étranges : "'Hey, somebody, shut-up -anyhow, he was in some shandel-scandal and he kaa possibly go home.'" (T 98). Dans The Beautiful, l'accent japonais de Tana, le domestique de Gloria et Amory, est traduit par l'utilisation d'une grammaire incorrecte (suppression des auxiliaires, des déterminants et des pronoms personnels) et d'une orthographe originale censée imiter cet accent : "Typewutta" pour "typewriter", "Miz" pour "Miss", "sa" pour "sir", "lettah" pour "letter", "dinnah" pour "dinner", "un'stan" pour "understand", "countree" pour "country", ou "Merican peoples" pour "American people" (BD 215-217,236,262-263). Dans Paradise, les autres élèves se moquent de l'accent suffisant d'Amory en cours d'histoire et l'imitent : "'Aw-I b'lieve, doncherknow, the Umericun revolution was lawgely an affair of the middul clawses,' [...]" (S 16). Quand le héros est ivre, son état d'ébriété est traduit par une élocution saccadée, désordonnée et elliptique : "'Seek pleasure where find it for tomorrow die. 'At's philos'phy for me now on.'" (S 182). Dans Tender, à la gare, les passagers s'interpellent avec fougue dans ce qui ressemble à des signifiants complètement déformés et insensés : "'Jew-uls-Hoo-oo!'" (T 80). Les italiques fréquemment utilisées dans les diverses interventions précédentes accentuent la déformation que subit le signifiant, elle est alors sonore et visuelle. Dans Gatsby, Wolfshiem a un accent qui, lui aussi, est transcrit par une déformation de la lettre qui subit une sorte d'allongement : "connexion" devient "gonnegtion" (GG 77,179) et "Oxford" "Oggsford" (GG 78,178). Cette déformation semble aller de pair avec son physique qui a l'air d'avoir été modelé au plus proche de l'animal :

‘A small, flat-nosed Jew raised his large head and regarded me with two fine growths of hair which luxuriated in either nostril. After a moment I discovered his tiny eyes in the half-darkness (GG 75).’

Cette "gonnegtion" aux lettres en déliquescence deviendra une sorte de funeste signal d'alarme dans le texte de Gatsby. Elle surgira immédiatement à l'esprit, même en l'absence de Wolfshiem, à la seule mention du mot "connexion", annonçant ainsi le pire : la mort du père de Jordan (GG 134), le lien de Daisy avec la mort de Myrtle (GG 151), ou les sombres relations professionnelles de Gatsby et sa triste fin (GG 173).

Fitzgerald se plaît à tordre les lettres dans tous les sens comme l'atteste ce nom de restaurant new-yorkais, "Child's", imprimé dans le texte de The Beautiful en majuscules et à l'envers pour mieux traduire qu'il est lu par le héros sur la vitre de l'intérieur (BD 117). Les lettres sont imprimées sur le papier comme si elles étaient ciselées, à la manière de ce gros "S" sinueux gravé sur la chevalière de Stahr (LT 23). Souvent Fitzgerald choisit les lettres pour leur forme et leur sonorité, plus que pour le signifié qu'elles recouvrent. L'auteur si mauvais en orthographe439 semble à la recherche de cet "orgasme orthographique" évoqué par Barthes440. Il emploie fréquemment des redoublements de voyelles ou de syllabes aux sonorités originales. Il semble jongler avec les lettres pour le plaisir, au-delà d'un signifié qui serait parfaitement établi. Les chansons intégrées à ses romans comprennent souvent ce type de déformations amusantes, aux sonorités parfois enfantines ou proches de l'onomatopée. A bord du "Margin", un jeune pianiste entonne la chanson de l'infâme Lady Caroline :

‘"There was a young lady from hell,
Who jumped at the sound of a bell,
Because she was bad-bad-bad,
She jumped at the sound of a bell,
From hell (BOOMBOOM)
From hell (TOOTTOOT)
There was a young lady from hell-" (T 269).’

L'absurdité du texte est renforcée par les sons, les répétitions et surtout les "BOOMBOOM" et "TOOTTOOT" qui s'étalent dans toute leur grosseur et leur médiocrité. Alors que Dick téléphone à Rosemary, il perçoit vaguement une chanson classique de l'époque :

‘"And two -for tea.
And me for you,
And you for me
Alow-own." (T 94).’

Derrière ces sonorités simplistes et répétitives se cache en réalité le désir palpitant du héros. La chanson revient plus loin dans le roman avec un autre couplet :

‘"Just picture you upon my knee
With tea for two and two for tea
And me for you and you for me-" (T 169).’

Dick joue la chanson au piano, oubliant quelque chose qu'il avait prévu de faire, il trahit là sa nostalgie de Rosemary et sa déchéance grandissante. Dans The Beautiful, pour charmer son entourage, Muriel fredonne un interminable refrain qu'elle accompagne de mouvements de danse :

‘"He's a rag-picker,
A rag-picker,
A rag-time picking man,
Rag-picking, picking, pick, pick,
Rag-pick, pick, pick." (BD 98).’

Le sens des paroles se perd au profit d'une mélodie hypnotisante qui joue sur les sonorités répétitives. Dans un cabaret, Gloria se laisse emporter par un doux fox-trot lancinant :

‘"Something -goes
Ring-a-ting-a-ling-a-ling
Right in-your ear -" (BD 72).’

Elle est véritablement envoûtée et retrouve sa bonne humeur après un début de soirée difficile : "Her entrancement had increased-" (BD 72). Elle se berce d'"illusions" (BD 72) au rythme lent de la musique. Plus tard, Anthony entend, lui, depuis sa tente militaire le bourdonnement mêlé des insectes, des joueurs de poker et d'un soldat fredonnant "'K-K-K-Katy.'" (BD 343). Paradise contient également plusieurs chansons au sens limité mais aux sonorités et au rythme ensorcelants (S 22,23,45).

Parfois, le jeu sur les sonorités n'a même pas le prétexte de la mélodie et du chant, il est juste l'irruption du son à l'état brut dans l'univers des signifiants. En route pour New York dans l'automobile de Gatsby, Nick entend un son familier, "the familiar 'jug-jug-spat!' of a motorcycle" (GG 74). Jordan évoque, pour sa part, le "tut-tut-tut-tut" désapprobateur des drapeaux de sa ville natale (GG 81). Dans Tender, de leur chambre, Tommy et Nicole entendent les éclats de voix explicites, quoique très élémentaires, de leurs voisins peu discrets :

‘"Hit him where it hurts!"
"Yah-h-h-h!"
"Hey, what I tell you get inside that right!"
"Come on, Dulschmit, you son!"
"Yaa-Yaa!"
"YA-YEH-YAH!" (T 294).’

Une fois encore le langage est réduit à néant et la parole se contente de sons basiques, à la limite du cri animal, pour l'expression des émotions. Quelques instants plus tard, ces interjections humaines réduites à des sons monosyllabiques trouvent leur équivalent dans le "Cr-ACK--BOOM-M-m-m!" du navire militaire en partance (T 294). Lors d'une des fêtes à Marietta, Gloria se retire dans sa chambre et se laisse bercer nostalgiquement par le son rassurant de la pluie qui lui rappelle son enfance :

‘Drip! Drip! Drip! The sound was not unpleasant - like spring, like a cool rain of her childhood, [...] Drip-drip-p! It was like days when the rain came out of yellow skies that melted just before twilight [...] (BD 242).’

A Paris, Rosemary, à peine sortie de sa salle de bains, reçoit Dick dans sa chambre. Dehors, la pluie fait écho au bain de la jeune fille selon la même mélodie que dans The Beautiful : "She came over and sat there and while the dripping slowed down outside-drip-dri-i-ip, she laid her lips to the beautiful cold image she had created." (T 105). Ce "drip-dri-i-ip" accentue l'émotion et le silence de la scène uniquement rythmée par les gouttes de pluie extérieures. Il rappelle ces voix américaines qui coulent comme de l'eau dans une baignoire (T 82). Cette musique de la pluie semble faire écho à celle lascive des vagues qui s'échouent sur le rivage : "the small exhausted wa-waa of the expiring waves" (T 4). Elle est le rythme de la vie qui palpite en dépit de tout du début à la fin du roman. Elle est le flux de l'inconscient en perpétuelle activité que l'auteur tente de saisir de ses lettres, elle est la langue étrangère qui charme sans dévoiler son sens profond.

Ce plaisir des sonorités puissantes et évocatrices est également cultivé dans le choix de certains noms propres comme le "Minnehaha Club" (S 18), "Wooloomooloo Bay" et "Ouled Nail" (T 160), le "Tuolomee" (GG 107) ou "Wookey-wookey" (S 33). La douceur enchanteresse et érotique du [l] se mêle souvent au claquement du [k] comme dans cette langue inconnue "pleine de k et de l" que susurrent deux Orientaux chez Mary et Hosain (T 258). Dans la nuit, les lieux résonnent de l'"étrange musique, plaintive et lointaine, comme une flûte désolée" de cette langue inconnue (T 258). Dick s'en trouve profondément ému et perçoit l'origine sacrée de cette mélodie linguistique sans en rien comprendre. Cependant, son désespoir lui ôte l'envie d'explorer plus en avant. Fitzgerald, en revanche, se trouve toujours à la recherche de cette signification sacrée de la langue, d'une langue qui, parfois, demeure hermétique et n'est plus qu'une lallation de sons incantatoires qui cependant fouillent au plus secret de l'être. Elle est la langue inconnue, mais plus encore la langue de l'Autre. Se devine ainsi un fin réseau de sons significatifs, qui se retrouvent dans le nom de l'auteur, dont l'oeuvre serait l'expansion anamorphique inconsciente. Ces "k" et "l" sont présents dans le nom de l'écrivain et de ses compagnes. Le "l" apparaît aussi avec l'ami intime symbole de raffinement, Gerald Murphy, l'esthète tant admiré dont le prénom constitue exactement la seconde moitié du patronyme de Fitzgerald. Ces deux lettres reviennent aussi de façon obsédante dans le prénom de nombreux personnages: Dick, Nicole, Nick, mais aussi Eleanor, Rosalind, Isabelle, Gloria et Kathleen. Enfin, le [k] est le son que Wolfshiem déforme continuellement. Lors de la laborieuse composition de Tender, il y eut deux autres versions précédant le choix définitif : le héros devait être Francis Melarky puis se transforma en Lew Kelly avant de devenir Dick Diver441. Michel Fabre remarque même qu'il aurait pu s'appeler David Knight442, mais Fitzgerald proposera finalement ce nom à Zelda pour le héros de Save me the Waltz 443. Ainsi, ce "k" obsédant apparaissait toujours malgré les multiples modifications. Dans la première version, Fitzgerald l'avait même associé à son propre prénom. En outre, Dick est pour Nicole un obsédant "white cat" (T 120,122) faisant écho au "cat" (GG 27) qui rôde sur la pelouse de Gatsby, mais aussi à l'escroc "Katspaugh" (GG 76) dont le nom fait penser à "cat's paw". Ces "cats" rappellent en fait le nom de "Gatsby", comme si, par la déformation phonétique de Wolfshiem, le "c" s'était encore transformé en "g" pour former le nom du héros. D'ailleurs dans la nouvelle "Dice, Brassknuckles & Guitar" qui parut en mai 1923444, c'est-à-dire deux ans avant la publication de Gatsby, une riche famille se nomme "Katzby", patronyme qui annonce clairement celui du héros de West Egg avec la fameuse transformation de Wolfshiem du [k] en [g]. Ces "k" et "l" obsessionnels deviendraient-ils donc les phonèmes originels d'où peut surgir l'écriture ? R.Tissot s'interroge à ce sujet : "Voilà donc ce qui serait, à la fin des fins, les deux logogrammes de l'amour ?"445. Ils mènent l'auteur dans un voyage au bout de la nuit du logos, à la recherche de l'indicible, du radicalement autre, un autre que l'auteur devine en lui-même dissimulé au coeur de son inconscient. On retrouve aussi ces deux sons dans le mot "alcohol" qui est évidemment associé à l'auteur, mais aussi à son père446 et à ses personnages, comme si cette substance recelait dans ses sonorités mêmes la trace qui affecte le corps de ceux qui y ont recours. Ce "k" ne serait-il pas cette lettre qui marque le corps, ce trait qui fixe et annule la jouissance ? Il est présent phonétiquement dans "Scott", prénom utilisé à l'exclusion complète de "Francis", qui, lui, bien qu'il soit situé en première position, ne fut jamais employé par l'entourage de l'écrivain447 et que les biographes et critiques abrègent presque toujours en une seule initiale. Il est aussi la première lettre de "Key", qui fait partie du nom officiel de l'auteur et grâce auquel les parents Fitzgerald souhaitaient insister sur leur lien de parenté avec Francis Scott Key, compositeur en 1814 de "The Star-Spangled Banner" qui fut plus tard adopté comme hymne américain448. Cette lettre reste donc associée pour l'auteur au patriotisme, au sens de l'histoire et des origines familiales. Elle est également la marque d'une certaine supercherie de la part de la famille puisque la relation de parenté entre Scott et Francis Scott Key était, en réalité, assez éloignée449. Ceci rappelle le malaise éprouvé par l'auteur à propos de ses origines mixtes, en effet, il n'était pas vraiment fier de ses racines irlandaises :

‘I am half black Irish and half old American stock with the usual exaggerated ancestral pretensions.[...] So being born in that atmosphere of crack, wise crack and countercrack I developed a two cylinder inferiority complex450.’

Marqué du nom d'un héros national américain, il nourrit, à l'instar d'Amory, des rêves de gloire : "[...] he would dream [...] about becoming a great half-back, or [...] the youngest general in the world. It was always the becoming he dreamed of, never the being." (S 24). Il gardera toujours en mémoire ce 4 juillet 1903 où son père fit appel à la police car il avait disparu :

‘I spent the day with a friend in a pear orchard and the police were informed that I was missing and on my return my father thrashed me according to the custom of the nineties -on the bottom- and then let me come out and watch the night fireworks from the balcony with my pants still down and my behind smarting and knowing in my heart that he was absolutely right451.’

Patriotisme, plaisir et punition semblent donc s'entremêler intimement autour de ce "k". L'importance de cette lettre devient manifeste lorsque l'on remarque qu'elle constitue, outre l'initiale de Keats, le poète fétiche, celle de Ginevra King, le grand amour de jeunesse de Fitzgerald, "the king's daughter, the golden girl..." (GG 126) :

‘Ginevra King restera pour lui le type le plus achevé de l'éternel féminin, la Cléopâtre aux trahisons cruellement ressenties, mais aussi la princesse lointaine et tendrement nostalgique. Il lui voue dans son oeuvre un culte ambigu dont les différentes prêtresses, toutes étrangement semblables, se nomment Isabelle, Josephine, Judy Jones, Daisy Buchanan, Nicole Warren, toutes filles riches au coeur inconstant, toutes issues du même souvenir du monde offert et refusé. De ce premier amour de Fitzgerald, de cette passion intense qui n'a pour objet qu'un sourire et une silhouette, tout se passe comme si la Ginevra réelle eût été l'ennemie autant que le prétexte, le serpent autant qu'Eve. Elle reste l'image d'une tentation impossible, non point celle de la chair, Fitzgerald n'est pas un sensuel, mais de l'accomplissement de ses rêves d'enfant452.’

Bien que Le Vot récuse l'idée de la chair, c'est bien le corps qui se trouve marqué à tout jamais de ce "k", à qui se substituent par la suite différents objets453, car "Pour chacun se construit ainsi, avec les lettres de tous et la monotone équivalence de leur fonction ambiguë, l'alphabet singulier de son désir et le code de son plaisir."454. Remarquons encore que ce "k" est justement l'initiale du mot "kiss" qui constitue la plupart du temps l'apogée et l'essentiel des scènes d'amour charnel de la fiction de Fitzgerald455. Une de ses nouvelles, qui sera un des éléments d'ébauche de Tycoon, s'intitule d'ailleurs "Last Kiss"456. Pour lui, l'écriture répète inlassablement cette lettre qui dit la différence sexuelle457 et recèle le secret de la jouissance.

Cette langue que l'auteur explore jusque dans ses moindres recoins est la condition sine qua non d'une jouissance458 qui "est du côté de la Chose"459, c'est la "jouissance du corps, mais elle ne peut être atteinte qu'en passant par les brèches du langage ... qui la transforment de façon irréversible et la rendent méconnaissable."460. L'écriture de Fitzgerald est un plongeon à la recherche de la jouissance de la langue car écrire "C'est accéder à une autre jouissance bien plus sexuelle, et que la sexualité ne peut tolérer."461 ; elle est un voyage jusqu'au bout de la nuit du désir inconscient. La jouissance semble se situer au centre de son écriture en ce sens où elle prime dans l'ordre de l'inconscient qui lui-même est fondé sur l'ordre de la lettre. Cet ordre assure en effet à la fois l'interdiction de la jouissance et la promesse de son retour. Même s'il le fait de façon inconsciente, il est manifeste que Fitzgerald tente par son écriture de "prendre le corps à la lettre", c'est-à-dire :

‘[d']apprendre à épeler l'orthographe du nom composé par les zones érogènes qui le constituent, [...de] reconnaître en chaque lettre la singularité du plaisir (ou de la douleur) qu'elle fixe, et [de] repérer du même coup la série des objets en jeu462.’
Notes
411.

- "His creation of the College of One, his pedagogical letters to Scottie, his suggestions even to Zelda in the hospital that she should broaden her literary horizons, all underscore the importance that he placed on knowing and profiting from good reading.", Sheilah Graham, The Real F.Scott Fitzgerald Thirty-Five Years Later (New York, Grosset and Dunlap, 1976), p. 188. Citant l'énergie dépensée par Fitzgerald dans ses tentatives d'éducation de Zelda, Sheilah et Scottie, Nancy Milford remarque : "In this Scott revealed a penchant for making Galateas of his women, simultaneously undertaking to stimulate and direct the lives of his daughter, his wife and his mistress. It took valuable time from his novel, but it was as if by educating his women he formed a buffer against his personal bogies of alcohol, debt, and sickness.", Zelda Fitzgerald, op. cit., p. 347.

412.

- Zelda sera flattée d'être la muse de Fitzgerald, mais dénoncera le plagiat de ses propres écrits par son mari : "It seems to me that on one page I recognized a portion of an old diary of mine which mysteriously disappeared shortly after my marriage, and also scraps of letters which, though considerably edited, sound to me vaguely familiar. In fact, Mr Fitzgerald -I believe that is how he spells his name- seems to believe that plagiarism begins at home.", Zelda Fitzgerald, "Friend Husband's Latest", op. cit., p. 388.

413.

- Zelda voulait appeler son enfant "Patricia", Fitzgerald avait choisi "Francis Scott" car il était sûr que ce serait un garÿon. Juste avant le baptême, des religieuses conseillèrent de transformer "Francis" en "Frances" pour que le prénom soit plus féminin, Joan M.Allen, Candles and Carnival Lights: The Catholic Sensibility of F.Scott Fitzgerald, op. cit., p. 92.

414.

- Matthew J.Bruccoli a montré comment Fitzgerald et Hemingway mettaient constamment leur vie en scène pour créer leur légende, Scott and Ernest: The Authority of Failure and the Authority of Success (London, The Bodley Head, 1978), passim. Sheilah Graham écrit elle : "Scott and Zelda had worked hard at becoming legends -that was the fabric of their lives. Perhaps it was not quite real. But it was still the cloth they had made to wear.", op. cit., p. 51.

415.

- "Le sujet aussi bien, s'il peut paraître serf du langage, l'est plus encore d'un discours dans le mouvement universel duquel sa place est déjà inscrite à sa naissance, ne serait-ce que sous la forme de son nom propre.", Jacques Lacan, Ecrits I (Paris, Editions du Seuil, 1970), pp. 251-252.

416.

- Roland Barthes, Critique et vérité (Paris, Editions du Seuil, 1966), p. 52.

417.

- Taylor Alderman a montré comment Gatsby s'est engendré lui-même à partir du jeune démuni du Middle West qu'il était. A cet effet, il joue sur les mots et avec les lettres : "Gatz be-gat Gats-be. Gats-by was begat by-Gatz.", "The Begetting of Gatsby", Modern Fiction Studies (hiver 1973-1974), vol. 4, pp. 563-565.

418.

- Dans The Crack-Up, Fitzgerald exprimera ce même désir de solitude (CU 41).

419.

- "Nick becomes an artist, then, not simply because he is the voice through whom Gatsby's story is told, but because what he learns in the novel is the refinements of perception and imagination.", Joseph N.Riddel, "F.Scott Fitzgerald, the Jamesian Inheritance and the Morality of Fiction", Modern Fiction Studies (hiver 1965-1966), vol. 11, p. 345. "But perhaps Fitzgerald, through Carraway, does allow Gatsby a kind of greatness -the kind suggested by the positive tributes which Carraway pays Gatsby at the novel's opening and close. Gatsby's 'greatness' is entirely a question of vision, of hope, of dream, of gesture, of the kind of imagination that transmutes or transcends reality.", Andrew Hook, F.Scott Fitzgerald (London, Edward Arnold, Hodder and Stoughton, 1992), p. 53.

420.

- Le véritable ouvrage auquel Tom fait allusion est sans doute The Rising Tide of Colour de Lothrop Stoddard publié en 1921. Le titre a peut-être été modifié volontairement par Fitzgerald, mais il est certain que Tom fait erreur sur l'auteur car Gatsby a bien, lui, dans sa bibliothèque "the Stoddard Lectures" (GG 52).

421.

- Philippe Sollers, Théorie des exceptions, op. cit., p. 40.

422.

- Anika Lemaire, Jacques Lacan, op. cit., p. 133.

423.

- Roland Barthes, op. cit., p. 46.

424.

- Michèle Montrelay, L'Ombre et le nom, op. cit., p. 53.

425.

- Geneviève et Michel Fabre, op. cit., p. 27.

426.

- Roland Barthes, "Théorie du texte", op. cit., p. 997.

427.

- Arnold Weinstein, "Fiction as Greatness: The Case of Gatsby", Novel: a Forum on Fiction (1985), vol. 19, pp. 22-38.

428.

- Samuel Taylor Coleridge, Biographia Literaria, A Critical Edition of the Major Works (Oxford, Oxford University Press, 1992), p. 314.

429.

- Arnold Weinstein, op. cit., p. 25.

430.

- Ibid., pp. 25-26.

431.

- Ibid., p. 27.

432.

- Ibid., pp. 33-37.

433.

- Ibid., p. 36.

434.

- Supra Troisième Partie, Chapitre I, p. 325.

435.

- Arnold Weinstein, op. cit., p. 37.

436.

- Bernard Poli et André le Vot, op. cit., p. 150.

437.

- Ibid., pp. 150-153.

438.

- Ibid., p. 152.

439.

- André Bleikasten parle d'"une orthographe incertaine et [d']une syntaxe souvent chancelante", "La Gloire du vaincu", Le magazine littéraire (mars 1996), n° 341, p. 33.

440.

- Roland Barthes, Le Plaisir du texte, op. cit., p. 103.

441.

- Geneviève et Michel Fabre, op. cit., pp. 44-48.

442.

- Remarque faite par Michel Fabre lors de l'émission de Simone Douek et Jean Claude Loiseau, "Une vie, une oeuvre. Scott Fitzgerald, l'écrivain." (France Culture, rediffusion le 21 septembre 1996, 14h05-15h30).

443.

- Bernard Poli, "Présentation" in Geneviève et Michel Fabre, op. cit., pp. 11-12.

444.

- Francis Scott Fitzgerald, "Dice, Brassknuckles & Guitar", The Short Stories of F.Scott Fitzgerald, op. cit., pp. 237-258.

445.

- Roland Tissot, "Pour une nouvelle carte du Tendre de Francis Scott Fitzgerald", op. cit., p. 160.

446.

- James R.Mellow, Invented Lives: Scott and Zelda Fitzgerald, op. cit., p. 18.

447.

- Matthew J.Bruccoli, Some Sort of Epic Grandeur: The Life of F.Scott Fitzgerald, op. cit., p. 16.

448.

- Jeffrey Meyers, op. cit., p. 3.

449.

- Matthew J.Bruccoli, op. cit..

450.

- Ibid., p. 26.

451.

- James R.Mellow, op. cit., pp. 17-18.

452.

- André Le Vot, Scott Fitzgerald, op. cit., pp. 73-74.

453.

- "L'objet, en tant que tel, est ce qui se manifeste ensuite, 'à la place' de cette lettre perdue ; son effet, dans le champ érogène, est alors de raviver l'émoi de la différence, de rappeler la syncope du plaisir.", Serge Leclaire, op. cit., p. 73.

454.

- Serge Leclaire, Démasquer le réel, op. cit., p. 66.

455.

- Voir André Le Vot, "Les intermittences du baiser", Europe (Paris, mars 1996), n° 803, pp. 33-43.

456.

- Francis Scott Fitzgerald, "Last Kiss", The Short Stories of F.Scott Fitzgerald, op. cit., pp. 757-772.

457.

- "[...] il n'est point de lettre, ni d'ensemble de lettres concevable hors d'une référence explicitement articulée à la différence sexuelle.", Serge Leclaire, Psychanalyser, op. cit., p. 145.

458.

- "Il n'y a de jouissance que dans l'être qui parle et parce qu'il parle ; et il n'y a de parole qu'en rapport avec une jouissance qui, à son tour, n'existe que par la parole, tout en la limitant.", Nestor Braunstein, op. cit., p. 7.

459.

- Ibid., p. 49.

460.

- Ibid., p. 107.

461.

- Philippe Sollers, op. cit., p. 108.

462.

- Serge leclaire, op. cit., p. 76.