V Conclusion

Pour l'écrivain, seul ce qui a reçu un nom existe et peut donc prendre corps ; pour lui, la lettre fait l'être. Mais plus profondément, l'écriture vise à maîtriser le texte inconscient, à explorer le désir et à tendre vers une jouissance conditionnée par le langage. L'opération d'écriture tente par "une sorte de travail de grattage" de faire "réapparaître le corpus inconscient"463. Tout comme le corps, le tracé de l'écriture porte la marque inaltérable de la fissure originelle et des obstacles à la jouissance. Si l'écriture de Fitzgerald devient une errance au coeur de la nuit du logos, un plongeon au plus profond de l'indicible, elle est aussi la seule issue du corps tourmenté pour exprimer le désir inconscient. Elle semble être une expansion du patronyme de l'auteur qui porte l'empreinte de ses origines et, plus précisément encore, celle de la lettre "k". Marqué corporellement du sceau de la lettre, l'écrivain s'immerge dans le texte pour tenter de la faire resurgir. Utilisant le langage jusqu'à ses extrémités, il dit son désir d'écrire et de cerner la lettre qui fait trait sur son corps afin de passer la barrière qu'elle lui oppose à la jouissance. Fitzgerald nous offre une écriture qui est une errance sur les chemins de la jouissance de la langue. Au-delà de la conscience de l'auteur, elle explore les zones d'ombre dissimulées derrière les mots ; comme la parole, elle est obstacle à la jouissance et outil qui y conduit car :

‘La parole, procédant de l'Autre, devra être le pharmakhon, remède et poison (Derrida), instrument ambivalent qui sépare et rend la jouissance, mais en la marquant toujours d'un moins, d'une perte qui est la différence insurmontable entre le signifiant et le référent, entre la parole et les choses464.’

Le corps, qui préoccupait tant Fitzgerald, s'avère être le livre premier car il est marqué du trait de la lettre, il est bien ce "grand livre où s'inscrit la possibilité du plaisir, où se cache l''impossible savoir sur le sexe' [...]"465. Dans son activité de mise à jour de la lettre, l'écriture de Fitzgerald n'est donc jamais une activité sans conséquence puisque

‘Le maniement de la lettre [...] est certainement l'accès le plus direct à l'économie du plaisir pour autant que, comme marque de la différence, elle constitue le corps érogène dans sa cohérence466.’
Notes
463.

- Ibid., p. 68.

464.

- Nestor Braunstein, op. cit., pp. 37-38.

465.

- Serge Leclaire, op. cit..

466.

- Ibid., p. 95.