Si le texte est bien un tissu de fils entrelacés ou encore un espace feuilleté et ajouré, il est, pour Anne Ryan, avant tout une matière, visuelle et sonore 4 , fibreuse et fluide, comme peut l’être la couleur pour le peintre. Cette matière constitue le matériau de base à partir duquel elle élabore et façonne une œuvre diverse où s’entrecroisent des motifs picturaux et musicaux.
Le filage, le tissage et la broderie sont des tropes récurrents liés d’une part, à l’activité créatrice, c’est-à-dire au processus de fabrication du texte et à la problématique du voilement et du dévoilement et, d’autre part, au féminin, lieu où s’abîme le désir, où quelque chose cherche à se dire tout en se dérobant.
Kandinsky disait qu’il entendait parfois le « chuintement des couleurs en train de se mélanger ». Il écrit : « Il me semblait parfois que le pinceau, qui avec une volonté inflexible arrache des fragments de cet être vivant des couleurs, faisait naître à chaque arrachement une tonalité musicale ». Wassily Kandinsky, Regards sur le passé et autres textes 1912-1922 (Paris : Hermann, 1974) 115. Pour Anne Ryan écrivain, la musicalité est à rechercher dans le rythme et dans le tissu allitératif des mots. L’artiste donne à entendre cette matière sonore dans le travail d’incision du bois et dans la manipulation du papier et du tissu.