Deuxième partie : L’Ecriture plastique

Tout comme l’œuvre littéraire, la production plastique d’Anne Ryan donne à lire des approches diverses et montre une volonté d’expérimentation. A la source de ce travail de fouille dans le langage iconique, cet autre champ des possibles, se répète le désir de l’auteur de rappeler un nom et une origine. Le mot « experiment » revient sous sa plume et en particulier au début de son journal où elle parle de ses tâtonnements dans le domaine pictural : « Everything is new and vital and carries me along from every new experiment. I like experiment. It is what a painter should do », « Always change. Always experiment » 235 .

Stimulée par le milieu intellectuel et artistique dans lequel elle vivait à New York et encouragée par son ami Tony Smith et le peintre Hans Hofmann, son voisin à Greenwich Village, elle débute par la peinture et la figuration. Ses premiers tableaux sont des pastels, des aquarelles et des peintures à l’huile représentant des paysages (Church in the Mountains, The Swamp Tree), des portraits (Women in Black Hat (sic ), Portrait with Green Background) et des natures mortes. Certaines scènes sont des réminiscences de son séjour à Majorque, comme Spanish Women walking on the Road near Cala Ratgada ou encore Rocks Outside of Ibiza. Ainsi suivait-elle les conseils de Hans Hofmann qui suggérait à ses élèves de commencer par dessiner des objets et des figures observés dans leur environnement. Au début, elle assiste aux cours de l’artiste allemand mais très vite ce dernier lui conseille de travailler seule 236 . Peintre autodidacte, elle va donc observer, emprunter, expérimenter jusqu’à ce qu’elle trouve sa propre écriture. En 1941 elle rencontre le graveur Stanley William Hayter et, sous son influence, tente la gravure sur bois en couleurs qu’elle travaille avec acharnement jusqu’en 1948, année où a lieu l’exposition de Kurt Schwitters à la Pinacotheca Gallery à New York. Fascinée par le travail de l’artiste dadaïste, le soir même dès son retour de la galerie, elle réalise son premier collage.

La gravure et le collage révèlent le mieux les préoccupations picturales d’Anne Ryan car ce sont deux techniques que l’artiste a explorées et travaillées abondamment 237 . Les gravures sont essentiellemnt figuratives : elles montrent des portraits, des scènes de rue (In a Street, Tenements in a Sea Town), des oiseaux (The Captive, Bird in the Grass, Frightened Bird) et quelques natures mortes. A ces œuvres s’ajoutent des scènes de la vie religieuse (The Crucifixion, The Flight, The Visit) et des compositions évoquant le monde de la mythologie (Hercules bringing Ceberus from Hades, Helios) et du cirque (The magician, Circus IV). Quelques gravures seulement sont de facture abstraite (Primavera, XXXIII, XXXIX Trial) ; elles préfigurent ses collages.

Ce qui l’attire avant tout dans la gravure et le collage, ce sont les propriétés physiques et intrinsèques du matériau : le maillage et la veinure du bois, la trame du tissu, le grain du papier et de l’étoffe, bref, tout ce qui constitue sa texture. Le terme « texture » est, de surcroît, un des premiers mots qu’elle utilise en parlant de sa peinture : « In 1938 I began to paint. First pastels. The texture of the paper, the right paper with the definite nap & color then the chaulk (sic ) » 238 . En outre, dans le carnet qu’elle avait toujours près d’elle dans l’atelier de Hayter, elle note le mot en lettres capitales : « To get TEXTURE » 239 .

Notes
235.

Op. cit., p. 5 et 6.

236.

Elle écrit dans son journal en 1938 : « April : Georgio Cavallon (abstract painter, second floor) brought Hofmann the German artist-teacher. He liked the portraits best and some others. He gave advice – not to go to school, not to look at pictures but to paint ». Ibid., p. 1

237.

Sa production plastique compte une centaine de gravures sur bois et plus de 400 collages réalisés entre 1948 et 1954

238.

J ournal of Anne Ryan, op. cit., p. 1

239.

Anne Ryan Papers