Le plan de formation

Comme pour le secteur privé, le plan de formation est au coeur du dispositif de formation des fonctions publiques. Chaque ministère est donc tenu d'élaborer un plan de formation pluriannuel, pratique qui, dans le privé, depuis la clarification de la notion de plan de formation en 1978112, est bien connue, même en ce qui concerne la pluriannualité qui s'est développée dans les grandes entreprises, puis a été actée dans la loi de décembre 1991113. Le plan de formation "doit permettre à chaque agent, quels que soient sa catégorie, son sexe, son affectation géographique ou la nature de ses fonctions, de disposer de toutes les compétences personnelles requises pour les missions qui sont les siennes dans le service public, de se préparer aux adaptations qu'exige l'évolution de ses missions et de leurs contenus professionnels et de contribuer à sa promotion professionnelle dans le cadre de son projet personnel"114. Double dimension du plan qui reflète à la fois des besoins et des préoccupations individuels, mais surtout professionnels. Le plan de formation dans le secteur privé est défini comme "l'ensemble des actions de formation (...) retenues par l'employeur en fonction des objectifs poursuivis par l'entreprise (...). Ce plan contient les actions décidées par l'employeur. Il peut également comprendre des demandes présentées individuellement par des salariés"115. Dans les deux cas, le plan de formation est à l'initiative de l'employeur, au sens large du terme, même si des demandes individuelles y apparaissent quelquefois, soit parce qu'elles s'inscrivent dans le système d'objectifs définis dans le cadre de la politique de formation, soit par absence de réelle politique. Dans les deux cas aussi, la formation est une obligation, les agents publics "peuvent être tenus de suivre, dans l'intérêt du service, les actions de formation ayant pour objectif de maintenir ou de parfaire leur qualification, d'assurer leur adaptation", tandis que dans le secteur privé "le départ en formation (...) est assimilé à une mission professionnelle (...). S'il refuse, le salarié commet une faute professionnelle pouvant conduire au licenciement"116 car il reste, même si l'employeur de son côté n'a aucune obligation légale de former son personnel (...), en relation de subordination juridique à l'égard de l'employeur"117. Sans aller jusqu'à penser que la formation dans le cadre du plan est encore trop souvent de "droit divin", il faut souligner que pour l'entreprise privée, l'employeur reste "maître de l'organisation des services de son entreprise (et qu'en) vertu de son pouvoir de direction, il peut choisir les salariés qu'il souhaite envoyer en formation"118.

Dans la fonction publique, la formation est affirmée comme un outil de l'administration mais, au moins dans leur formulation, les textes placent l'agent au centre du dispositif119. Agent qui, dans le cadre d'une demande individuelle peut, après trois refus, saisir la Commission administrative paritaire. Recours inexistant dans le secteur privé dans lequel l'employeur "n'est jamais obligé de répondre à une demande individuelle, (dans le cadre du plan) et peut s'opposer au départ en formation (...) sans être tenu de motiver son refus" car l'inscription d'un salarié à un stage faisant partie du plan de formation (...) ne correspond pas à un droit acquis120.

Les actions de formation organisées à l'initiative de l'administration dans le cadre du plan de formation ont pour but de "compléter leur formation lors de l'accès à un emploi ; maintenir ou parfaire leur qualification professionnelle ; s'adapter aux évolutions techniques structurelles et sociales de leur travail"121. De son côté le livre IX, pour les salariés122, retient au titre du plan de formation, "les actions d'adaptation (...) à un premier ou à un nouvel emploi, les actions de promotion (...) visant à acquérir une qualification plus élevée, les actions de prévention qui ont pour objet de réduire les risques d'inadaptation de qualification, les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances (et enfin) les actions de conversion (favorisant) l'accès (...) à une qualification différente"123. Ainsi, globalement, les deux cadres juridiques poursuivent, malgré des typologies différentes, les mêmes finalités, visent à atteindre les mêmes objectifs et à produire, peu ou prou, les mêmes effets sur les hommes et les organisations.

Remarquons que le législateur a défini très strictement la notion d'action de formation dans le livre IX du Code du travail, alors que cette notion semble plus floue ou plus ouverte pour la fonction publique. Est-ce dû à l'antériorité d'un des textes ou à la crainte, légitime ou non, de dérapage en matière d'imputation ? En effet, pour qu'il y ait imputabilité, l'article R. 950-4 précise que "la formation doit se dérouler conformément à un programme établi en fonction d'objectifs préalablement déterminés. Ce programme doit préciser les moyens pédagogiques et d'encadrement mis en oeuvre et définir un dispositif permettant de suivre l'exécution de ce programme et d'en apprécier les résultats" et que "la formation est en principe dispensée dans des locaux distincts des lieux de production"124.

En matière de gestion individualisée de la formation, même si cette pratique existe depuis longtemps dans certaines grandes entreprises, les fonctions publiques d'Etat et territoriale apparaissent en avance, au moins du point de vue juridique, car elles l'ont généralisée et qu'aucune incitation de ce type n'existe dans le livre IX. La fonction publique d'Etat, en instaurant une fiche individuelle de formation125, et la fonction publique territoriale, en mettant en place un plan de formation individuel pour chaque agent126, développent en cela des pratiques convergentes. Autant de mesures qui, à terme, pourront permettre une plus grande articulation de la carrière et de la formation, voire, dans un certain nombre de cas, faciliteront la validation des acquis professionnels.

Lorsqu'un agent titulaire suit une formation à l'initiative de l'administration, il est "maintenu en position d'activité et son temps de formation est pris en compte pour la détermination des droits à l'avancement et à la retraite et pour le calcul de l'ancienneté" et il continue à percevoir son traitement, ses primes... Les frais de formation sont pris en charge en totalité par l'administration et les frais d'hébergement et de transport dans le cadre d'un système d'indemnisation des missions127. De son côté, le salarié, en formation à l'initiative de son employeur, est considéré comme étant en mission professionnelle. Son contrat de travail "continue à produire tous ses effets" et "le salarié continue à bénéficier de sa rémunération et de sa protection sociale dans les conditions habituelles"128. Les frais occasionnés sont pris en charge. Ainsi le même principe, selon lequel la formation ne doit rien coûter au stagiaire dans les formations qui ne relèvent pas de son initiative, s'applique dans les deux systèmes. Dans les deux cas, la présence est obligatoire ce qui en soi, d'ailleurs, n'est pas une garantie quant à l'atteinte des objectifs ou à la production de compétences nouvelles.

Signalons encore un parallélisme, marginal, mais qui indique peut-être une tendance à propos de laquelle il conviendrait de s'interroger, car elle consiste, dans certaines circonstances, à faire payer, ou pourle moins à faire participer, les salariés ou les agents au coût d'actions inscrites au plan de formation. Il s'agit de cas où le salarié ou l'agent de l'Etat non titulaire, précisons-le - mais on retrouve ce type de clause dans le congé de formation professionnelle ouvert au fonctionnaire - doivent s'acquitter d'un dédit formation. C'est le cas des agents non titulaires - bénéficiant d'une formation supérieure à deux mois - "à qui peut être demandé (...) d'accomplir, après le stage, une période de service effectif dans l'administration" de deux ans au maximum, mais exceptionnellement de cinq ans. Sinon, en cas de rupture de son propre fait "l'intéressé doit rembourser sa quote-part des frais d'organisation du stage et le montant de la rémunération qu'il a perçue pendant la période correspondante"129. C'est le cas aussi des salariés, engagés dans une action de co-investissement formation, qui peuvent réaliser 25 % du temps de leur formation sur leur temps personnel ou de ceux qui, après avoir réalisé un bilan de compétences dans le cadre du plan, donc avec leur accord, peuvent dans certaines conditions être liés par une clause convenant d'un "remboursement des frais de formation (...) s'il(s) ne reste(nt) pas dans l'entreprise un certain nombre d'années"130.

Dernier élément de comparaison, le paritarisme, pour lequel nous n'entrerons pas dans le détail, mais qui est de première importance, car il participe de la conception même de la formation professionnelle continue depuis le protocole de Grenelle en 1968 qui précéda l'accord interprofessionnel de juillet 1970 et la loi de juillet 1971. En effet, dans les deux systèmes, public et privé, une grande importance et un droit réel sont donnés aux instances paritaires, même si l'on peut regretter qu'elles ne soient généralement que consultatives, quant à l'organisation, la gestion, l'évaluation voire l'élaboration des politiques de formation. Instances paritaires de tous niveaux, nationales ou locales, comme le Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat ou le Conseil national de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, le comité d'entreprise ou les commissions administratives paritaires. Volonté paritaire qui se retrouve à tous les niveaux de gestion de la collecte des entreprises assujetties au 1,5 % avec les OPCA (organismes paritaires de collecteurs agréés) et que l'on retrouve aussi dans la mise en oeuvre des congés individuels, par exemple pour le CIF (congé individuel de formation) avec le COPACIF (comité paritaire du congé individuel de formation).

Notes
112.

C'est, en effet, la loi du 17 juillet 1978 qui clarifie définitivement la notion de plan de formation (cf. infra). Néanmoins, le terme plan de formation apparaît dès la loi du 31 décembre 1975 comme notion juridique car elle proscrit "le démarchage ayant pour objet l'achat d'un plan de formation". Sur l'apparition de cette notion juridique se reporter aux travaux de J.M. Luttringer et J.F. Nallet.

113.

Loi n° 1405 du 31 décembre 1991 insérant l'article L 933-4 dans le Code du travail.

114.

Les Fiches pratiques de la formation continue, Centre Inffo, éditions 1995, p. 174. Nous avons pour ce travail privilégié cette source pour deux raisons : d'une part leur très grande qualité juridique et d'autre part une lisibilité qui quelquefois fait défaut aux textes juridiques officiels.

115.

Ibid., p. 12.

116.

Ibid., p. 174 et p. 18 sauf motif particulier.

117.

Ibid., p. 12 et p. 13.

118.

Ibid., p. 13.

119.

Cf. supra.

120.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 19.

121.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 173. Sous des formulations et des classifications diverses les autres fonctions publiques attribuent à la formation des objectifs identiques mais toutefois avec des nuances que nous ne pouvons aborder dans le cadre restreint de ce travail. Rappelons, à toutes fins utiles, que le droit à la formation des agents publics contient un droit particulier permettant la préparation des concours selon certaines conditions d'âge, d'ancienneté et/ou de diplôme.

122.

Hors droit au bilan de compétences que nous évoquerons plus bas.

123.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 16.

124.

Ibid., p. 17, souligné dans le texte.

125.

Accord-cadre du 10 juillet 1992.

126.

Accord-cadre du 8 février 1990.

127.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., pp. 174-175.

128.

Ibid., p. 13.

129.

Ibid., p. 175

130.

Ibid., p. 20