Le congé de formation professionnelle

Depuis 1976 de droit, et de fait depuis 1984218, les salariés du secteur privé219 disposent d'un droit réel au congé individuel de formation décrit dans les articles L. 931-1 et suivants du Code du travail. La loi du 13 juillet 1983 reconnaît ce droit aux agents du secteur public dont les accords-cadres ultérieurs220 de 1989 et 1992, 1996 selon des modalités propres aux trois fonctions publiques, définiront les règles de fonctionnement. Ainsi, les agents bénéficient de possibilités de départ en formation à leur initiative, afin de réaliser un projet personnel, le plus souvent à caractère professionnel221. Ce qui, de fait, limite singulièrement la nature et la portée de l'initiative et restreint considérablement l'exercice d'un droit individuel très contraint.

Le congé de formation professionnelle dans la fonction publique permet aux agents de suivre "des stages de formation professionnelle ou personnelle qui ne leur sont pas offerts par l'administration afin de parfaire leur formation personnelle" d'une durée minimale d'un mois et d'une durée maximale de trois ans "utilisé en une seule fois ou en totalisant plusieurs congés pour l'ensemble de la carrière"222 en une ou plusieurs fois. Ce congé se gère sur la carrière et y trouve ses limites, De fait, dans le mesure où le maintien de la rémunération n'est, dans l'administration, que d'une année, les congés professionnels excèdent rarement cette durée.

En matière de maintien de la rémunération, le dispositif la garantit en partie. Garantie qui seule rend l'exercice de ce droit possible. Néanmoins, sur ce point les trois fonctions publiques n'offrent pas le même confort. En effet, si la fonction publique d'Etat et la fonction publique hospitalière223 maintiennent une rémunération de 85 % du traitement brut, indexé, il est vrai sur l'indice 650, la fonction publique territoriale accuse encore, dans ce domaine, un retard important car elle ne maintient que 75 % de l'indice 379, ce qui rend l'utilisation de ce congé économiquement problématique pour ses agents224.

Pour l'agent, les conditions d'accès à ce droit au congé de formation individuel sont liées à des conditions d'ancienneté, trois années de service effectif dans l'administration. Après un congé de formation professionnelle, le fonctionnaire doit rester au service d'une des trois fonctions publiques "pendant une période qui est égale au triple de celle pendant laquelle l'indemnité mensuelle forfaitaire lui a été versée"225 ou rembourser ladite indemnité.

Afin de garantir le droit au congé de formation individuelle, le dispositif juridique encadre de manière très étroite les procédures d'autorisation d'absence. Cette demande226 est à faire auprès du chef de service, 120 jours au moins227 avant le départ en formation pour les fonctionnaires. L'intéressé, doit recevoir dans les 30 jours, qui font suite à sa requête, une réponse de sa hiérarchie. En cas de refus228 ou de report, l'administration doit en expliquer le motif. Au troisième refus la commission administrative paritaire doit être consultée.

"Les fonctionnaires en congé pour formation sont considérés comme étant en fonction (et) le temps passé en congé de formation est pris en compte pour l'ancienneté (...) et ils conservent leur couverture sociale"229. Ce droit est assorti d'obligations : "les fonctionnaires en congé de formation doivent remettre à chaque fin de mois et au moment de la reprise du travail une attestation de fréquentation effective du stage. En cas d'absence sans motif valable, il est mis fin au congé de formation et l'agent doit rembourser les indemnités perçues"230. Une interruption du congé à la demande de l'agent est, par ailleurs et dans certaines conditions, toujours possible.

On le voit : le législateur et les partenaires sociaux, afin de garantir le sérieux du congé de formation, l'ont fortement encadré. Exigence louable mais qui, d'une certaine manière, "scolarise" la mesure, infantilise le stagiaire adulte et renforce le lien de subordination qui le lie à son employeur au détriment, sans doute, de l'exercice de sa responsabilité et de sa citoyenneté. L'Etat, en exigeant le remboursement des indemnités perçues en cas de motif non valable est, en ce sens, très "coercitif", d'autant que "les frais nécessités par l'inscription au stage ou l'achat de documents ainsi que d'éventuels frais de transport et d'hébergement sont en totalité à la charge des fonctionnaires"231.

Dernier élément du droit au congé, qu'il nous semble indispensable d'évoquer, le retour de formation. A l'issue du congé, "le fonctionnaire doit demander sa réintégration (...) et il n'est pas assuré d'être réintégré dans le poste qu'il occupait au moment de sa demande" même s'il conserve son grade.

Les congés de formation sont, à n'en point douter pour les fonctionnaires, une mesure extrêmement positive qui, au plan européen, fait des envieux. Néanmoins, on peut légitimement s'interroger sur la prise en compte et la reconnaissance des acquis dans les plans de modernisation, sur la réalité de la gestion affichée de la compétence, sur la très mythique mesure des effets.

Notes
218.

C'est l'avenant du 9 juillet 1976 qui définit la notion de congé individuel de formation et du même coup celle de plan. La notion de congé sera précisée par la loi du 17 juillet 1978, consolidée et étendue par celle du 24 février 1984. Avant la réforme du CIF (loi n° 84-130) en 1984 et particulièrement de ses modalités de financement, il était fort difficile d'user de ce droit au congé.

219.

Les salariés en CDD (contrat à durée déterminée) et sous contrat de travail temporaire, dont nous ne traiterons pas, relèvent de dispositions particulières mais ne sont pas exclus de ce droit.

220.

Cf. supra.

221.

En effet, cela se vérifie aussi dans le cadre du CIF pour lequel les orientations du COPACIF vont très clairement dans le sens du projet professionnel. Seuls 2,91 % des CIF financés sur l'exercice 1994 avaient pour finalité "l'accès à la culture" (Bilan statistique CIF-CDI, COPACIF, 1995).

222.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 178. Ce droit au congé de formation professionnelle s'applique aussi à la préparation aux concours administratifs. Les agents non titulaires bénéficient de ce droit mais la durée du congé ne peut excéder la période d'engagement restante. La formation suivie, dans tous les cas, doit avoir reçu l'agrément de l'Etat.

223.

Ces deux fonctions publiques y consacrent 0,15 % de la masse salariale.

224.

Congé dont la durée est par ailleurs limitée à trois mois s'il s'agit d'un congé continu à temps plein.

225.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 179.

226.

Pour les modalités de la demande, voir Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 179 et p. 31.

227.

90 jours dans la fonction publique territoriale.

228.

Un refus ne peut être formulé tant que les 0,15 % de la masse salariale prévus à cet effet ne sont pas atteints, cela par ministère.

229.

Les Fiches pratiques de la formation continue, op. cit., p. 180.

230.

Ibid., p. 180.

231.

Ibid., p. 180.