La formation continue à l'Université
face au défi qualité
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La qualité du service public est une préoccupation ancienne pour qui connaît l'Université. La réflexion engagée par le secteur économique de la formation des adultes et la loi du 4 juillet 1990 en ont réactualisé la problématique, dans un service commun tel que le centre d'éducation permanente (CEP) de l'université Paris X, sans toutefois y être un phénomène entièrement neuf. Car, comme le rappelle F. Leplâtre240, cette réflexion est déjà fort ancienne dans certains lieux sensibles à la satisfaction des usagers et aux effets produits par leur activité.

Au-delà, dans la problématique qui nous intéresse, la qualité permet de repérer des lignes de fractures entre faits éducatifs et produits de marché, entre des conceptions des savoirs et de leur "utilité". Elle relance le débat sur la professionnalisation des cursus et le nécessaire recul critique des enseignements supérieurs.

Avant d'évoquer les spécificités, voire les contradictions, de l'enseignement supérieur face à la logique qualité et la réflexion engagée au sein du CEP de Paris X, il nous apparaît opportun de proposer quelques rappels, même s'il ne s'agit que d'évidentes évidences.

En préalable à la question de la qualité à l'Université, nous souhaitons faire quelques remarques sur la chaîne de production de la qualité en formation. Si elle "repose sur la pertinence et la précision de la commande, et sur l'adéquation de l'offre correspondante"241, elle dépend largement de la qualité et de la qualification des acteurs et du même coup, la dysqualité devient un acte partagé. Ainsi, on ne peut tendre à l'amélioration des processus qu'en augmentant la compétence collective. Néanmoins, nos dispositifs sont trop liés aux évolutions constantes des capacités à produire et aux acteurs à s'y engager pour qu'à tout instant, tout un chacun soit un "opérateur certifié". Chaque acteur est donc à la fois source de qualité et de son contraire ; chacun y est auteur d'analyses, de propositions et d'actions qui toutes sont susceptibles du meilleur et du pire.

Seul le regard critique, l'analyse de la pratique et le travail collectif de réflexion sont les garants de résultats qualifiables. Dans ce domaine, l'Université occupe une place privilégiée pour mettre en acte de telles pratiques. Au demeurant, et au-delà des opérateurs, les impératifs de la qualité sont nombreux puisqu'ils exigent la même rigueur méthodologique, de la conception à la clôture d'une action de formation, et qu'ils nécessitent la mise en oeuvre de moyens adéquats. Ces nouvelles pratiques ne sont pas sans effet sur la formation continue dans l'enseignement supérieur. Elles entraînent non seulement une réflexion sur cette notion, mais nécessitent aussi une professionnalisation des services et des acteurs qui s'y engagent. Sur ce point, l'Université s'interroge encore dans bien des cas et de nombreux lieux. Le discours sur la qualité a donc le mérite de faire clairement apparaître dans ce milieu que la formation est un champ de pratiques éducatives spécifiques pour lesquelles l'Université, sans renoncer à ses valeurs, se doit d'engager des procédures adaptées à cette spécificité et qu'elle ne peut se contenter sur ce terrain de réutiliser, voire de reproduire, les procédures connues et communément admises. Faute de quoi le développement de la formation continue dans ce secteur semble difficile, sinon compromis.

La réduction des coûts de production est à l'Université une notion difficile à cerner, même si ce milieu y est de plus en plus sensible. A ce jour242, seuls, quelques "spécialistes" se préoccupent de la structure des coûts, et de leur réduction, en formation continue. L'autonomie et l'équilibre financiers exigés conjugués aux effets de la crise, y poussent mais cela demeure fort délicat dans une administration publique d'éducation où les outils comptables et de gestion ont d'autres objectifs et d'autres fonctions. D'une manière plus générale, il n'est pas évident, sauf dans le cas d'une ingénierie centralisée et démultipliable, qu'en formation la démarche-qualité réduise les coûts. La notion de défaut n'est d'ailleurs pas pertinente pour mesurer les coûts de la non-qualité. En effet, si l'on applique avec rigueur la démarche-qualité, l'ensemble des phases de conception d'un dispositif augmente, le nombre des acteurs se multiple, d'où un développement des coûts directs, donc de la facturation. Temps d'élaboration plus longs, outils de production plus adaptés (formateurs mieux formés), matière d'oeuvre mieux calibrée (pré-requis mieux définis, contenus d'enseignement mieux peaufinés), outils de gestion et de pilotage plus sophistiqués et plus performants et sur toute la ligne, améliorent sans doute l'atteinte des objectifs et la pertinence des dispositifs, mais il probable qu'ils en alourdissent aussi les coûts plus que les "rebuts" non-produits ne les réduisent. D'un autre côté, de tels dispositifs nécessitent moins de maintenance et moins d'assistance technique (entretien, perfectionnement et transfert des connaissances et des compétences plus faciles), donc un recours encore raréfié à la formation sur des durées plus limitées, ce qui sans doute en limite les frais. Il ne s'agit ici que d'hypothèses qu'il faudrait travailler afin de réaliser des simulations qui apporteraient des réponses plus précises.

Débattre de la qualité de la formation en se référant à la qualité telle que la définit le monde industriel est de prime abord considérer la formation comme un produit, certes spécifique, régi par la loi du marché, de l'offre et de la demande. Il y a là, déjà, de quoi ébranler plus d'une certitude, ébranler plus d'une croyance, "décoiffer" plus d'un universitaire. En effet, comment accepter qu'un fait éducatif puisse avant tout être saisi comme un acte économique ? La tradition humaniste dans laquelle s'inscrit l'Université pense autrement l'éducation, l'accès au savoir, et conçoit différemment la notion de qualité.

Certes, l'éducation se situe dans un environnement socio-économique, personne n'est dupe, mais de là à l'inscrire dans les mécanismes du marché, il y a un pas difficile à accepter, puis à franchir. La dimension économique de la qualité n'appartient pas à la culture universitaire. La notion de qualité dans l'enseignement supérieur renvoie davantage "à la manière d'être, à l'aspect sensible et non mesurable des choses"243 qu'à un ensemble de procédures normées appliqué à la production de biens et de services. Passer de la qualité immatérielle, toute conceptuelle, à la qualité mesurée, et de l'éducation, ensemble de savoirs et de réflexions, à l'éducation "produit de consommation", c'est exiger de l'Université une révolution copernicienne qu'elle est en droit d'interroger.

Lorsque l'on parle de qualité dans cet univers, une autre résistance légitime est à vaincre, une autre difficulté encore plus grande est à surmonter. Elles consistent à accepter le passage délicat de la notion d'étudiant, voire de stagiaire, à la notion d'usager, voire de client. Cette notion exige des universitaires "un grand bond en avant rompant avec une philosophie de l'éducation au profit d'une logique marchande qui, dans le meilleur des cas, se réfère au service public (usager) et dans le plus extrême, au monde de l'entreprise (client). Pire encore, il faut se plier à une logique client/fournisseur, rompre avec l'ancestrale tradition maître/élève. On le constate, la qualité au sens industriel percute les valeurs de l'Université, remet en cause ses habitus.

La qualité dans cette acception, même adaptée à nos champs de pratique, entraîne des ruptures avec les représentations les plus ancrées dans le monde universitaire. Elle suscite pour le moins des interrogations, des remises en cause. En effet, l'enseignement universitaire est par définition de qualité supérieure (comme le nougat) ; il est ou il fut le lieu d'apprentissage des gens de qualité. La qualité est donc intrinsèque au monde des Sorbonnes anciennes et modernes. Qu'est-ce donc que cette qualité nouvelle qui se propose comme un outil universel de mesure, applicable à toutes les réalisations humaines, y compris à celles des institutions aux traditions les mieux légitimées ?

Cette qualité-là est un concept étranger, la fonction critique de l'Université se doit de le passer au crible de la recherche pour en estimer les fondations, en étudier les dangers, en prévoir toutes les conséquences et en soulignant qu'il est réducteur d'enfermer et de transformer la relation pédagogique de transmission de connaissances en un simple acte de commerce.

Une difficulté supplémentaire, du fait d'une grande tradition d'autonomie et d'indépendance des universités, apparaît lorsqu'il s'agit de définir les critères de la qualité. Comment concilier, mais est-ce toujours possible, les exigences des partenaires extérieurs, agents économiques et clients, aux exigences de la recherche et de la critique ? Il y a, là, un travail à engager afin de définir les conditions internes et externes de la qualité.

L'Université est pourtant soucieuse de la professionnalisation de ses cursus, surtout dans le cadre de sa mission d'éducation permanente. C'est pourquoi elle accepte ce débat sur la qualité, mais elle ne saurait se soumettre à un tel processus sans réflexion préalable et sans adaptation de la notion à ses propres pratiques et à ses exigences spécifiques.

Acceptons dans un premier temps que la formation soit un produit particulier et la définition de la qualité telle que nous la propose la norme X.50.120. de l'AFNOR. Elle serait l'"aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins (exprimés ou potentiels) des utilisateurs"244. Outre ce but, elle vise à réduire les coûts de fabrication dudit produit et à minimiser le nombre des rebuts c'est-à-dire à tendre vers le zéro défaut.

Revenons sur cette définition et interrogeons-la d'un point de vue universitaire. La notion de besoins est ici fort complexe et nous ne nous y attarderons pas, si ce n'est qu'elle implique une réflexion centrée sur le concept d'utilisateur et de client, toujours multiple en matière de formation et qu'en règle générale, elle est étrangère à l'enseignement supérieur qui, dans la plupart des cas, préfère centrer son raisonnement sur les exigences du savoir. Ce qui nous importe ici ce sont les qualificatifs "exprimés et potentiels" qui facilitent une relative acceptation de la définition dans la mesure où ils laissent à l'Université toute latitude pour définir des besoins non immédiats, mais potentiels et futurs et dont il est impératif de doter le "client". Besoins théoriques non-exprimés sur lesquels s'ancrent les apprentissages, qui favorisent à terme les transférabilités et la continuation du processus intellectuel. L'acte de formation "de qualité", libéré du souci d'immédiate opérationnalité, reste compatible avec les traditions universitaires.

Oublions un instant la réduction des coûts, sur laquelle nous reviendrons, pour nous attarder sur celle de rebut et de défaut. Qu'est-ce qu'un rebut, un défaut éducatif ? Est-ce un échec scolaire en fin de première année de premier cycle, un ensemble de capacités non maîtrisées, la production de compétences non transférables, d'effets non souhaités par l'institution mais profitables au stagiaire, l'acquisition de savoirs et de processus réflexifs, libre du joug du tout opératoire ? Le défaut en matière d'éducation permanente est un concept flou, voire pervers, entraînant des pratiques strictement utilitaristes. Le "contrat qualité formation zéro défaut"245 est vide de sens et laisse penser que la qualité totale, celle qui satisfait pleinement l'utilisateur est possible. Améliorer nos pratiques est essentiel, mais méfions-nous de cette qualité totale, vite totalitaire qui réduit le sens critique, qui laisse imaginer des mondes et des procédures finis et plaqués. Le défaut, c'est la vie, c'est lui qui permet les évolutions, qui exige l'étude et qui favorise la compréhension des phénomènes. Le dysfonctionnement est gage des qualités à venir. La gestion des aléas est source de créativité et des améliorations permanentes de nos dispositifs de formation.

Le zéro défaut et la qualité totale sont de l'ordre du mythe, une auto-proclamation de la toute-puissance du formateur, largement décrite et critiquée par E. Enriquez et dont il faut, pour le moins, ne pas être dupe.

S'il ne s'agit que de slogans, oublions-les, adoptons des postures plus réalistes et définissons des indicateurs qui facilitent l'évolution de nos systèmes et qui permettent de dépasser la simple satisfaction des usagers dans le cadre d'une consommation immédiate des savoirs et des savoir-faire au profit d'une durabilité des effets-formation.

L'approche de la notion de qualité au centre d'éducation permanente de Paris X est un effet direct de la loi du 4 juilllet 1990 qui encadre les organismes de formation fonctionnant sur fonds publics (ce qui est pour une part le cas du CEP) dans un système de contraintes visant à garantir une certaine qualité des prestations fournies. Ce texte légiférant nos relations contractuelles avec nos usagers n'a pas, néanmoins, fondamentalement modifié nos pratiques quant au "contrat de formation professionnelle" décrivant les stages que nous organisons. De tels contrats existaient déjà de manière informelle. Il a, par contre, eu un effet direct sur la lisibilité de nos publicités, sur leur contenu et surtout sur la part du chiffre d'affaires qui y était jusqu'alors consacrée.

Mais au-delà de cette incitation forte des pouvoirs publics, l'esprit de la démarche nous a séduits. Il s'agissait de garantir au stagiaire la liberté de choix dans un environnement dont la lecture n'est pas toujours aisée, et de lui laisser définir la nature de son retour d'investissement : qualification, diplôme, satisfaction... Nous nous sommes donc tout naturellement engagés dans une réflexion sur la qualité, car pour nous : "Toute démarche-qualité peut être envisagée comme la décision de s'engager dans une clarification des relations qui unissent processus de production et produit"246, produit et usagers.

Le premier résultat de cette recherche de clarification fut de confirmer le bien-fondé d'une démarche participative quant à l'élaboration de nos cursus. Nous avons, en effet, pour habitude en matière d'ingénierie éducative de réunir de nombreux partenaires, internes et externes, et utilisateurs potentiels avant toute formation nouvelle. Nous avions confirmation que la qualité d'une formation passe par une phase longue d'étude, de communication, de concertation et de négociation ; phase qui constitue un premier indicateur de la démarche. Ce souci de communication devant perdurer tout au long du dispositif tant avec les usagers directs, dans le cadre d'une régulation, qu'avec les partenaires au sein d'un groupe de pilotage. Une difficulté n'est pas, à ce jour, résolue car nous sommes face à un "client complexe", protéiforme et ce qui peut faire figure de qualité pour l'une de ces facettes, ne l'est pas nécessairement pour d'autres. Comment concilier, sans tomber dans le consensus mou et réducteur, les exigences de la qualité définie par le conseil régional (taux de réinsertion), celles plus scientifiques de l'Université et celles des stagiaires aux parcours et histoires de vie multiples et différenciés ?

La qualité en formation n'est pas unidimensionnelle : la difficulté pour en cerner la notion est proportionnelle au nombre des acteurs impliqués. Difficulté accrue, car, comme d'autres instances participatives, ce lieu d'élaboration d'une définition possible subit la crise de représentativité d'autres structures. Qui légitimement inviter dans ces réunions : l'expert qui ne parle qu'au nom de cette expertise, le partenaire social "représentatif" qui court d'une réunion à l'autre, l'usager fugace et sans pérennité ? Qu'importe, le principe reste, le débat est essentiel même s'il est quelquefois périlleux de le pratiquer.

Le deuxième résultat de cette démarche est d'avoir fait naître une réflexion sur le rôle du groupe en matière de production de la qualité. En effet, nous savons que même si tout au long du processus, tous les acteurs institutionnels veillent à cette dernière, l'alchimie groupale, seule peut mettre à bas les plus belles constructions. Comment maîtriser cette inconnue majeure qu'est la dynamique des groupes et qui sera déterminante dans les résultats de tout dispositif ? Comment s'assurer d'un degré de motivation réelle, comment l'entretenir dans un milieu souvent contradictoire, comment mobiliser ces forces multiples, comment faire surgir et utiliser ce capital de savoirs et d'expériences que tout groupe constitue ? Comment faire naître de l'irrationnel, dont la donne n'est connue dans la plupart des cas qu'après la sélection, tout le potentiel de qualité dont il est porteur ? Comment éviter aussi son potentiel de production de non-qualité ? Des dispositifs trop construits, trop fermés sont des bombes à retardement dont les rigidités nient la dynamique propre des rencontres fortuites. Des dispositifs trop flous sont souvent insatisfaisants et rarement observés du point de vue de la qualité. La dimension humaine, on le constate, percute la rationalité industrielle et ouvre de nouveaux champs de pensée. Pour mesurer la qualité, il nous faudra en tenir compte.

Le troisième effet de cette recherche de clarification concerne la pédagogie et l'évaluation. En bref, il s'agit pour nous de réinterroger l'ensemble de notre activité au regard de ce critère général de satisfaction globale. Il nous faut revisiter - ce travail n'est qu'à peine ébauché à ce jour - nos différents "produits" de la cave au grenier tant du point de vue des objectifs, des moyens, des outils que des méthodes et valider ou non leur pertinence. Ainsi sont questionnés la place de tel stage, l'intérêt de tel apport ou de telle conférence, l'utilité de tel contenu, le recours à l'auto-formation, à l'alternance réelle, l'introduction de support multimédia... Visite de routine, contrôle de qualité, tout à la fois. Là encore, au-delà du vocabulaire, nous nous heurtons à une même difficulté : qui associer à ce contrôle et quelle qualification pour ces opérateurs afin que ce regard critique ne soit pas que formel, conventionnel... qu'il soit autre chose qu'une espèce de leurre rassurant, qu'un gage de bonne conscience plutôt que de la qualité certaine et avérée.

La démarche-qualité est indissociable de l'évaluation, de toutes les évaluations. Cette dimension interpelle ce haut lieu de l'évaluation sommative qu'est l'Université. Comment associer ce client complexe et multiforme à l'évaluation des pré-requis si la reconnaissance des acquis lui échappe dans sa définition ? Comment et avec quels moyens transformer ce recours systématique, même s'il existe de nombreuses exceptions, au contrôle des connaissances pour le contrôle, par la pratique de l'évaluation formative ? Comment rendre compatible la collation des grades avec une démarche participative ? Toutes ces questions restent posées, si ce n'est entières, d'autant qu'il n'est pas toujours possible de mesurer ce qui appartient au dispositif lui-même, au stagiaire et à son environnement dans telle ou telle performance. Evaluer la qualité c'est aussi tenir compte des histoires de vie et des environnements et, sur ce point, tout reste à imaginer.

Afin d'alimenter notre réflexion et de faire évoluer notre action, certaines modifications ont été entreprises au CEP. La première fut de réactiver son conseil consultatif où siègent des représentants de l'Université, des personnalités extérieures, des stagiaires et des enseignants élus, afin de réamorcer la dynamique participative. La seconde visa à relancer des instances de concertation interne et à systématiser une démarche coopérative d'ingénierie, ainsi qu'à faire fonctionner des commissions de travail dont l'une s'intitule "qualité et développement" et qui a pour but l'adaptation des formations aux besoins immédiats des stagiaires et aux évolutions et impératifs socio-économiques en cours et à venir.

La troisième a une dimension plus économique puisqu'elle concerne la gestion même du centre de façon à mieux connaître la structure des coûts de formation et à pouvoir déterminer des indicateurs de résultats permettant à terme de mieux gérer la dialectique efficacité/efficience.

Concrètement, depuis que ce travail de clarification a été engagé, quelques actions ont été mises en oeuvre et même s'il ne s'agit que de points secondaires, d'ici à quelque temps, leurs effets multiplicateurs ne seront pas sans conséquences. La structure des publicités a été modifiée, un livret d'accueil est rédigé, une réflexion sur les statuts et le règlement intérieur est en cours, un suivi téléphonique est organisé, une amélioration des accueils est en gestation. Sur le plan pédagogique, hormis des évolutions permanentes et systématiques des contenus, certaines filières ont mis en place des sessions d'intégration tandis que s'ouvraient des modules transversaux, ouverts à toutes les filières, d'anglais, de techniques de recherche d'emploi, de connaissance de la CEE.

Un travail important reste à faire si l'on veut passer le CEP, au crible des sept critères de la qualité d'un organisme de formation, prescrits par le rapport Brunhes247. La démarche innovante, dans un tel lieu, est en oeuvre. Il reste, néanmoins, à définir les indicateurs de qualité spécifiques à la formation continue dans l'enseignement supérieur. Là, le terrain est vierge ; aux pionniers d'ouvrir la voie.

Pour conclure ce propos sur la qualité en formation, nous souhaitons soulever quelques interrogations, voire énoncer quelques mises en garde. Comment mesurer la qualité de la "qualité" demeure une question fondamentale pour laquelle une réponse s'impose et à laquelle il sera difficile d'échapper. Si l'investissement est immatériel, comment mesurer une qualité tout aussi immatérielle. N'en revient-on pas à la définition de la qualité évoquée plus haut ? Si la formation est un produit, ce n'est pas un produit fini, comment en mesurer les développements, les redéploiements ? La qualité à outrance et mal maîtrisée n'est-elle pas une pratique totalitaire visant à réduire les différences culturelles des individus et organismes de formation tendant à une normalisation marchande et à une uniformisation des pratiques pédagogiques ? Quelle place laisse-t-elle à la recherche et à l'innovation en éducation des adultes, aux pédagogies évolutives ? Quels espaces réserve-t-elle aux formations informelles et à la reconnaissance des acquis expérientiels qui échappent à ces procédures de rationalisation ? Comment intègre-t-elle sa propre dimension multiforme ? Quelle latitude offre-t-elle aux interactions, réciproques et spontanées, formateurs/formés, si essentielles aux apprentissages ? Quelle liberté d'apprendre et d'enseigner, enfin, garantit-elle à des acteurs qui souhaitent être autre chose que des machines à éduquer ? Il est sain et nécessaire de réfléchir à l'amélioration et à la qualité de nos activités, mais évitons, sous prétexte de toujours mieux faire, de construire de nouvelles Métropolis.

Notes
239.

Ce texte a été publié dans le Journal de la formation continue et l'EAO, 1993, n° 269.

240.

Voir Actualité de la formation permanente, n° 115, novembre/décembre 1991, p. 29.

241.

Flash formation continue, n° 308,du 1er juillet 1990, p. 7.

242.

Il s'agit du temps de l'écriture, c'est-à-dire 1993.

243.

Définition du Robert I, sens philosophique.

244.

Actualité de la formation permanente, n° 115, novembre/décembre 1991, p. 31.

245.

Ibid. p. 48.

246.

Souligné par nous, in Jacques Pellegri, Etudes et Expérimentations, mars/avril 1990, n° 4.

247.

Brunhes B., Tessier-Garcin, les Formations professionnelles financées par l'Etat : une enquête sur l'offre de formation, Bernard Brunhes Consultants/secrétariat d'Etat chargé de la Formation professionnelle, mai 1989.