Les démarches-qualité ne porteraient-elles pas en elles-mêmes leurs propres limites ? Ou peuvent-elles prétendre, à la manière de l'impérialisme tant décrié autrefois, tout régenter, tout certifier de Paris à Pékin, du poulet au préservatif, en passant par la formation ? La question de la prétention universaliste de l'outil se pose. N'est-ce pas une nouvelle manifestation de la pensée unique ? Peut-on se réjouir que bientôt, pour tout acte de formation, si l'on accepte le travail métaphorique de transposition que cela suppose, l'on puisse garantir, comme pour le poulet Duc Iso 9000 : "Sélection des parents, strict contrôle de leur alimentation (...), transfert dans un couvoir des oeufs identifiés par un numéro et les initiales de l'éleveur, élevage sous contrôle permanent des poussins dans des poulaillers pouvant en contenir très précisément 17,51 par mètre carré ! -, abattage dans des conditions sanitaires très strictes."328
N'en arrive-t-on pas à la production de monstres où Frankenstein a des allures de premier communiant et où le prochain succès de la littérature d'anticipation sera un "mix", sous label qualité, de 1984 et du Meilleur des mondes ?
Pour aller au-delà de ce clin d'oeil interrogateur et cynique, nous terminerons en rappelant que d'une part, il n'est pas trop tard pour réinterroger la qualité du double point de vue philosophique et idéologique et que d'autre part, à l'évidence en formation, la qualité n'est pas unidimensionnelle. Qu'en conséquence, il n'existe pas une qualité mais des qualités, qu'il s'agit plus d'un état d'esprit et d'un processus que d'une croyance sans recul en quelque démarche que ce soit. Enfin, que la qualité repose avant tout sur la qualité et la dynamique des acteurs eux-mêmes, car comme bien d'autres choses elle ne se délègue pas.
Lemaître F., le Poulet Duc ISO 9000 s'introduit au second marché, Le Monde, 24 juin 1997.