La reconnaissance et la validation des acquis
dans l'enseignement supérieur
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Ce travail est l'aboutissement d'une réflexion tant sur les textes règlementaires qui organisent la validation des acquis professionnels dans l'enseignement supérieur, que sur les enjeux que la mise en oeuvre ou non de ces derniers revêt pour la formation continue universitaire, les entreprises et les individus. Au-delà, il propose aux universitaires de s'engager dans un cheminement intellectuel permettant, à terme, à la communauté universitaire "d'accepter et de reconnaître que des situations sociales et professionnelles, totalement exogènes, sont productrices de savoirs".

Au-delà, ce chapitre montre en quoi la mise en oeuvre de la validation des acquis est une occasion heureuse de réconciliation de l'Université avec la société du travail et de la qualification sociale chère à Bertrand Schwartz.

En guise d'introduction à ce propos sur la validation et la reconnaissance des acquis, nous rappellerons en quelques mots l'origine de ces pratiques. La première apparition officielle et aisément repérable d'une pratique de validation, en France, est la loi du 10 juillet 1934 qui "fixe les conditions de délivrance et d'usage du titre d'ingénieur diplômé"339 et qui permet, dans certaines conditions de validation, de décerner ce titre à des individus ayant durant cinq ans exercé cette fonction. En 1990, un jury national a reçu dans ce cadre 98 candidats sur 415 postulants. La seconde n'est pas née de la réflexion d'un pédagogue épris d'égalité éducative et sociale, mais paradoxalement à la suite d'un des plus grands cauchemars qu'ait déclenché et vécu l'humanité. En effet, c'est à la suite de la Seconde Guerre mondiale que "les collèges américains se sont mis à reconnaître, sous la forme de credit units, les savoirs et habiletés acquis par les soldats au cours de leur entraînement et de leur expérience militaire"340 .Nous nous garderons bien de prononcer un quelconque avis sur la nature de ces savoirs, leurs conditions de production et de validation. La loi Debré de 1959 qui organise la promotion sociale et plus tard la création de l'examen spécial d'entrée à l'Université (ESEU)341 en sont, comme le remarque N. Terrot, d'autres prémices.

Aujourd'hui, si cette pratique est encore trop rare et trop confidentielle dans l'enseignement supérieur, les deux textes que nous présentons constituent une avancée significative en la matière. Au cours de l'année 1990-1991, les validations en premier cycle ont représenté 0,68 % des inscrits, soit 4 283 validations, 2,15 % des inscrits en deuxième cycle, soit 7 750, et au total sur cinq ans 14 327342 étudiants.

Jack Lang, alors ministre de l'Education nationale et de la Culture, a fort bien défini, lors de la présentation de la loi de juillet 1992 aux parlementaires, la problématique de la validation et la reconnaissance des acquis. En effet, "l'école délivre un savoir, déclarait-il, ce savoir est sanctionné par un diplôme, ce diplôme donne un métier. Mais ce système comporte quelques lacunes. Je vous propose donc de reconnaître que les métiers peuvent également produire des savoirs qu'un diplôme peut sanctionner". Ce qui constituerait une "étape déterminante dans la démocratisation de notre enseignement secondaire et supérieur", ajoutait J.-P. Bret, alors rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale343. Acte de justice qui permettrait de reconnaître que "80 % de ce que les adultes apprennent se passe en dehors des établissements scolaires"344.

Il s'agit donc d'un enjeu éducatif majeur, tant d'un point de vue strictement humaniste : permettre l'accès de l'enseignement supérieur au plus grand nombre, que d'économie générale : augmenter et valider le niveau de connaissances et de compétences, voire de qualification, de l'ensemble de la population, afin de mieux résister à la pression internationale.

Dans un premier temps, nous allons définir les notions de validations et de reconnaissance, puis nous analyserons les deux textes qui organisent la validation des acquis dans l'enseignement supérieur, à savoir le décret du 23 août 1985 et la loi du 20 juillet 1992. Dans une troisième partie, nous essaierons de souligner et d'analyser les enjeux que ces textes représentent pour l'enseignement supérieur, la formation continue et la société dans son ensemble.

Notes
338.

Ce travail a été publié in l'Avenir de la formation professionnelle universitaire continue, Paris, Païdeia, 1993, pp. 31-41 et, enrichi d'un cas, dans Actualité de la formation permanente, n° 141,
mars-avril 1996, pp. 58-65.

339.

Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Reconnaissance et Validation des acquis, avril 1992, fiche n° 7.

340.

Leclerc G., Principes et Concepts clés de la reconnaissance des acquis extra-scolaires, Education permanente, n° 84-85, 1986, p.7.

341.

Aujourd'hui DAEU (diplôme d'accès aux études universitaires).

342.

Rey F., les Portes ouvertes de l'Université, Le Monde, 5 novembre 1992.

343.

Propos cités in Inffo flash, n° 363, 9 juillet 1992.

344.

Résultat d'enquêtes menées aux USA, citées par G. Leclerc in op. cit., p. 10.