Ces textes sont de natures différentes, décret et loi, de par leur forme juridique mais aussi par leur contenu.
Tout d'abord le décret de 1985 fixe "les conditions de validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels en vue de l'accès aux différents niveaux de l'enseignement supérieur". Dans ce cadre, "peuvent donner lieu à validation (art. 5) :
toute formation suivie par le candidat dans un établissement ou une structure de formation publique ou privée, quels qu'en aient été les modalités, la durée et le mode de sanction ;
l'expérience professionnelle acquise au cours d'une activité salariée ou non salariée, ou d'un stage ;
les connaissances et les aptitudes acquises hors de tout système de formation".
Ce texte à l'évidence constitue déjà une avancée considérable dans la mesure où il induit que le savoir peut être acquis et produit en dehors de lieux spécialisés, en dehors de tout système d'éducation formelle ; que le savoir peut être le résultat de l'expérience et de l'activité.
Il affirme, par ailleurs, que ce savoir informel, expérientiel a une valeur et qu'il est possible de le faire valider et reconnaître par l'Université. Il confirme la portée académique de l'autodidaxie et l'existence d'une qualification sociale défendue par B. Schwartz.
Ce décret autorise la validation en vue soit "d'accéder directement à une formation dispensée par l'établissement, et conduisant à la délivrance d'un diplôme national ou d'un titre dont l'obtention est réglementée par l'Etat, soit de faire acte de candidature au concours d'entrée dans l'établissement" (art. 2).
Il s'agit d'une reconnaissance de niveau, de validation de la totalité d'un parcours, de la marque d'une étape à partir de laquelle réintégrer un cursus ou une formation universitaire à condition pour "les candidats non titulaires du baccalauréat ou d'un titre admis en dispense (d'avoir) interrompu leurs études initiales depuis au moins deux ans et (d')être âgés de vingt ans au moins à la date prévue pour la reprise de leurs études" (art. 3).
"La procédure de validation permet d'apprécier les connaissances, les méthodes et les savoir-faire du candidat en fonction de la formation qu'il souhaite suivre" (art. 7). Le législateur n'a pas voulu, semble-t-il, davantage définir les procédures afin de respecter l'autonomie et la spécificité des établissements. Notons néanmoins que peuvent donner lieu à validation d'autres éléments que la seule connaissance.
La décision de validation appartient au président de l'université ou au directeur de l'établissement sur proposition d'une commission pédagogique. La décision motivée, accompagnée éventuellement de propositions ou de conseils, est transmise au candidat (art. 8). Ces précisions visent, sans doute, à humaniser le texte, mais aussi à inciter les commissions à dépasser la simple validation et à engager un travail d'orientation.
Par ailleurs, ce texte confirme la place des professionnels dans les jurys de validation et impose au moins la participation de l'un d'entre eux "pour l'accès aux formations où ils assurent au moins 30 % des enseignements" (art. 8), ce qui constitue une garantie de prise en compte "réaliste" des acquis de l'expérience.
Ensuite, la loi de juillet 1992 et ses textes complémentaires sont relatifs à la seule "validation d'acquis professionnels pour la délivrance de diplômes".
Elle permet à "toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité professionnelle (...) de demander la validation d'acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour justifier d'une partie des connaissances et des aptitudes pour l'obtention d'un diplôme de l'enseignement supérieur" (art. 1).
Le législateur souligne dans le même article que "la validation d'acquis professionnels produits les mêmes effets que le succès à l'épreuve dont le candidat a été dispensé." Il s'agit donc d'une dispense de plein droit, d'une équivalence ayant validité absolue. Néanmoins, cette validation ne saurait dispenser un candidat de la totalité d'un parcours universitaire, la loi n'autorise la validation que d'une partie d'un diplôme et non de son intégralité.
Le décret du 27 mars 1993 relatif à cette loi apporte quelques informations quant à la nature de l'activité professionnelle sur laquelle porte la validation. Il précise que cette activité peut être continue ou discontinue sur un durée de cinq ans et qu'elle doit être "en rapport avec l'objet de la demande" (art. 2). Cette précision favorable aux futurs candidats facilitera, à n'en point douter, l'application de la loi. Contrairement au décret de 1985, celui de 1993, toujours dans son article 2, ne prend pas en compte les stages pratiques en entreprise dans la validation de l'expérience professionnelle, ce qui nous amène à nous interroger sur leur fonction dans nos formations. Il s'agirait en quelque sorte d'acquérir une première expérience sans que celle-ci ait une réelle valeur. Le contrat de travail serait-il une garantie quant à la qualité des savoirs acquis dans une situation de travail ?
Ce décret définit aussi la composition des jurys dont les membres "autres que les enseignants-chercheurs et les enseignants doivent exercer ou avoir exercé une ou des activités professionnelles dans les domaines concernés par les demandes de validation. Ils doivent, en outre, soit avoir le diplôme postulé par le candidat, soit exercer ou avoir exercé des responsabilités ou une activité correspondant au niveau de ce diplôme, soit avoir participé à l'enseignement conduisant à ce diplôme" (art. 5).
Cet article vise, non seulement à rassurer les milieux universitaires toujours soucieux de leurs prérogatives et de la qualité des formations qu'ils animent, mais aussi à garantir une validation de plein droit et "ayant les mêmes effets". De plus, par souci d'objectivité et de justice, il est prévu que "les membres du jury appartenant à l'entreprise, à l'établissement ou au service du candidat ne peuvent participer aux délibérations du jury le concernant" (art. 6).
L'arrêté du même jour, que nous n'analyserons pas ici, est relatif à la constitution des dossiers de demandes de validation.
La loi de juillet 1992 accentue, dans une certaine mesure, l'ouverture permise par le décret de 1985 puisqu'elle permet, non plus d'accéder à un niveau de validation, mais vise à l'obtention d'un diplôme et par validation à l'acquisition d'une partie de celui-ci.
Il est regrettable toutefois que - ne s'agit-il pas ici d'une frilosité du législateur voire d'un recul - soient exclus de son champ d'application les acquis issus des activités et des expériences non professionnelles comme le prévoyait le texte de 1985. Seul l'article 1 de l'arrêté les évoque, comme éléments marginaux, puisque les dossiers de candidature comprennent un curriculum vitae "pouvant inclure des activités extraprofessionnelles"349.
Quant à l'utilisation de cette loi, deux hypothèses sont à envisager. La première permet une application renforcée et étendue du décret de 1985, la seconde une application restrictive du droit à la validation des acquis. Il faut souligner que ces deux textes ne s'excluent nullement l'un l'autre, mais qu'au contraire ils se complètent et peuvent se cumuler.
Première hypothèse, dans le cadre d'une application restrictive du droit, un candidat pourrait se voir refuser un niveau de validation et reconnaître seulement une partie du diplôme d'accès à ce niveau.
Seconde hypothèse, un candidat, dans le cadre d'un cumul positif des textes, pourrait se voir reconnaître un niveau et valider une partie du titre recherché.
Les établissements d'enseignement supérieur sont autonomes et les jurys souverains, la pratique nous révélera laquelle de ces deux hypothèses est la plus courante. Pour nous, nous écrivons ici en notre propre nom, nous retiendrons l'hypothèse haute qui facilite l'ouverture de l'enseignement supérieur au plus grand nombre en tenant compte, le plus souvent possible, des acquisitions de toute nature et faites dans tous les champs d'expérience.
Soulignons qu'à ce jour, une grande incertitude plane sur la mise en oeuvre de cette loi. En effet, il nous faut attendre la circulaire350 d'application du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour connaître les orientations quant à l'application de ce texte.
Souligné par nous.
Cette circulaire d'application a depuis été publiée. En 1997, la mise en oeuvre de la loi de 1992, quant à elle reste timide et/ou problématique dans de nombreuses universités.