Les effets sur l'ingénierie de projet

Le multimédia est, selon nous, un outil qui doit s'inscrire dans une dynamique générale. Il n'est donc pas au service d'une action de formation unique et isolée, mais à disposition d'une pédagogie et d'un système de formation s'inscrivant dans un projet plus vaste420.

De ce fait, il est à intégrer comme un élément de plus dans l'ensemble des variables qui composent un dispositif de formation. Il devient donc un élément de complexité supplémentaire, une cause de dysfonctionnements et d'aléas potentiels que seuls les avantages escomptés justifient.

La mise en oeuvre du "multi-supports" et du "multi-ressources" tend à rendre le management des projets de formation plus délicat et nécessite sans doute une professionnalisation accrue des maîtres d'oeuvre.

En effet, l'intégration du multimédia, au-delà de la modification de l'architecture générale du projet, implique pour le maître d'oeuvre d'engager une réflexion sur la composition de l'équipe pédagogique, sur le choix et le rôle des acteurs.

L'élément multimédia lors de son apparition déséquilibre les dispositifs, les procédures et les pratiques antérieurs ; il convient alors, après une phase de déstructuration, de réussir la phase de recomposition, tant en ce qui concerne le management de l'équipe que la pédagogie.

Le multimédia complique le travail d'ingénierie en ajoutant une composante permanente qu'il faut assimiler à tous les stades, de la conception à l'évaluation du dispositif. De plus, il impose de facto, la définition et la mise au point de nouveaux outils de gestion et de suivi liés à son fonctionnement et aux rapports qu'il entretient avec les autres pôles du dispositif.

Le responsable de projet devra donc, entre autres tâches et afin de procéder à son ouvrage d'ingénierie, songer aux effets d'éventuelles embauches et de nouveaux profils ainsi qu'aux effets du multimédia sur les apprenants et leurs apprentissages, sur les progressions pédagogiques et les objectifs du dispositif, sur les pratiques et les outils d'évaluation requis.

Dans la plupart des cas, l'utilisation des multimédias pédagogiques nécessite la mise en place d'une formation de formateurs afin que ceux-ci maîtrisent au mieux tant le matériel et les logiciels dont ils auront l'usage, que les processus psycho-affectifs et psycho-cognitifs mobilisés par les apprenants face à ces outils.

D'un point de vue plus pragmatique, au-delà de la logistique et des locaux, il devra réaliser ou faire réaliser une étude de faisabilité421 permettant d'évaluer les besoins des futurs utilisateurs (apprenants, tuteurs, formateurs...), les moyens à mobiliser et les coûts d'exploitation d'une telle structure. Sans omettre, bien entendu, d'étudier les problèmes de maintenance, d'évolution des matériels, leur compatibilité, leur inter-activité qui nécessitent sans doute la mise en place d'une cellule permanente de veille technologique sans laquelle l'obsolescence guette à court terme.

Pour le maître d'oeuvre, le recours au multimédia implique de nouvelles contraintes et des tâches de coordination et de gestion plus complexes, car il impose l'intégration de cette nouvelle structure au coeur du système. Il multiplie les instances de régulation entre les acteurs et comme tout objet d'interface, le multimédia peut devenir le mauvais objet, celui de l'opacité et des dysfonctionnements techniques "boucs émissaires".

Si le choix du "multi-ressources" alourdit, pour une part, l'ingénierie et la gestion des dispositifs de formation, il recèle en potentiel de nombreux avantages si le responsable de projet parvient à en faire l'outil des apprenants et des équipes pédagogiques, s'il devient l'un des outils-clés des dynamiques individuelles et collectives.

Le multimédia en effet, s'il dépasse le stade du gadget, permet une optimisation de l'espace et du temps, une gestion plus rationnelle des moyens mobilisés : par exemple, en réduisant la durée des sessions, en favorisant la formation à distance et l'individualisation.

Cet apport complémentaire des nouvelles technologies éducatives, pour peu qu'il soit bien utilisé et bien géré, est à n'en point douter un facteur de qualité et de performance pédagogiques.

Facteur de qualité, car il introduit davantage de souplesse et de fluidité dans les dispositifs de formation permettant des parcours et des recours multiples adaptés aux exigences toujours plus grandes des publics et des commanditaires.

Facteur de performance économique à moyen terme, une fois l'investissement amorti (rapport coûts/effets), mais surtout facteur de performance pédagogique dans la mesure où il mettra, à l'avenir, à la disposition des apprenants des ressources pédagogiques nouvelles en nombre considérable et utilisant les formes et les supports les plus variés.

Notes
420.

Cf. schéma général de l'action conduite à Strasbourg.

421.

Voir à ce propos : Lenoir H., Rosconval B., le centre-ressources multimédia, pédagogie et mise en oeuvre, in le Guide des méthodes et pratiques en formation, Paris, Retz, 1995.