Effets sur les pratiques et les acteurs

Mais les NTE sont aussi, pour peu quelles soient pédagogiquement et socialement bien gérées, une chance. Elles donnent, en effet, l'occasion de passer du discours aux actes en matière de pédagogie différenciée et d'individualisation. Plus les machines seront performantes, plus les outils seront nombreux, plus les parcours des apprenants pourront être conçus sur mesure en fonction de leurs centres d'intérêts, de leur profil d'apprentissage, de leur rythme, etc. Elles apparaissent comme une réelle opportunité d'évolution pédagogique, voire comme une chance de rénovation de pratiques par trop expositives. Elles sont un moyen de plus au service des pédagogies actives.

De telles possibilités ne seront pas sans conséquence sur les savoirs et les pratiques du formateur qui aura davantage à gérer un processus, à mettre à disposition des ressources, à proposer des stratégies et des itinéraires. La fin des formateurs n'est donc pas pour demain, mais des évolutions sensibles de leur activité sont évidentes et incontournables. Il sera davantage un facilitateur d'apprentissage que quelqu'un qui tente, souvent sans grand succès, de donner forme. Ces modifications produiront sans doute quelques "souffrances" et quelques remises en cause. Elles transformeront de manière substantielle la nature des relations pédagogiques et les repères identitaires des formateurs. Elles induiront nécesssairement des formations afin d'accéder à ces nouvelles formes d'exercice du métier de formateur.

Si les NTE modifient la pratique du formateur, elles transforment aussi l'attitude de l'apprenant face à son apprentissage. Elles le situent au centre de l'acte d'apprendre et non plus en consommateur passif de connaissances. Elles lui permettent, si les dispositifs sont conçus à cet effet - car les NTE n'empêchent pas les prises de pouvoir -, de devenir acteur, d'auto-organiser son parcours et de décider des savoirs à acquérir, avec ou sans guidance pédagogique négociée. Elles autorisent toutes les audaces en matière d'individualisation et d'autogestion pédagogique à condition toutefois que les apprenants soient préalablement préparés à cette autonomie et à une navigation outillée sur les multiples canaux de la communication éducative. Il serait sans doute criminel de laisser voguer un apprenant inexpérimenté et sans boussole sur l'océan de la connaissance. L'autodidaxie, on le sait, sauf exception, a ses limites.

Le multimédia n'est pas non plus sans inconvénient pour les apprenants dont il peut renforcer l'isolement et la dérive dans un univers où les informations pullulent, mais où il est difficile de distinguer, sans recul, celles qui relèvent de la connaissance, de la manipulation ou de l'inexactitude. De plus, il convient de veiller à ce que ces nouveaux outils ne démobilisent pas intellectuellement l'apprenant, soit parce qu'il résiste à ce mode d'accès au savoir, soit parce qu'il concentre toute son attention sur la technique et l'appareillage en négligeant la connaissance qu'ils sont censés véhiculer.

C'est aux formateurs qu'il revient de faciliter l'accès à de telles ressources et de permettre d'apprendre à apprendre en autonomie. C'est aussi à eux de proposer les modalités d'accompagnement nécessaires aux apprentissages. Il est évident que l'on n'apprend pas seul et que le conflit socio-cognitif est fondamental pour que le savoir se constitue et soit approprié. Les NTE impliquent donc de nouvelles formes de regroupement où pourront s'échanger et se débattre les savoirs. Elles nécessitent sans doute des pratiques renouvelées de tutorat et de suivi des apprenants. Elles engagent aussi nécessairement à repenser la question de l'évaluation qui, non seulement devra être réellement formative pour permettre la gestion des parcours d'apprentissage, mais qui devra favoriser des possibilités d'auto-évaluation. On peut d'ailleurs faire le pari que, quelles que soient la convivialité et l'interactivité des produits, rien ne remplacera jamais le regard bienveillant de l'autre et le renforcement positif, formulé par un tiers humain.

Malgré leur grand intérêt, les outils multimédias ne sont pas forcément d'usage facile et immédiatement efficace. Le sont-ils d'ailleurs plus, au-delà de l'effet produit par leur apparente modernité, que le papier-crayon ? La question reste posée. Ce qui apparaît à l'usage, c'est qu'ils complexifient la conception et la gestion des dispositifs de formation, tant du point de vue de l'organisation que de l'ingénierie pédagogique. Il s'agit donc de les penser avant de les implanter afin qu'ils soient intégrés au processus éducatif et non pas "plaqués". De plus, par les investissements qu'ils représentent, ils augmentent sensiblement les coûts de production, sauf, peut-être, effet de masse et économie d'échelle dans le cadre de l'EAD. Ils ne sont pas sans poser non plus de problèmes de maintenance du parc-machines et d'obsolescence des contenus et des supports du fait d'évolutions rapides et incessantes. Le choix du multimédia n'est donc pas sans effet économique et politique pour les organismes. D'autant plus que l'offre est de plus en plus foisonnante, mais pas toujours de qualité ou de manipulation aisée.