Tuteur et alternance

Dans le cadre des formations en alternance, en particulier depuis le début des années 80, le tuteur apparaît comme un nouvel acteur dans le champ de la pédagogie. On se rend compte rapidement que, pour le bon fonctionnement des dispositifs alternés, le tuteur doit être un partenaire à part entière des dispositifs dans lesquels il s'inscrit.

Cet acteur dont la tâche essentielle a "pour objectif principal une concrétisation de compétences et de connaissances en cours d'acquisition, (... doit) également (...) permettre aux jeunes d'être mis en situation de travail réel"445.

Le tutorat ne consiste pas seulement à participer à la production de compétences, mais aussi à "organiser un parcours du jeune dans l'entreprise favorisant les acquisitions et mises en relation, c'est-à-dire une intellectualisation des actes de travail, laquelle serait de nature à favoriser la construction de savoirs expérientiels"446. En d'autres termes, il a pour fonction d'aider à la mise en rapport de la compétence et des savoirs associés qu'elle mobilise dans une situation réelle. Au-delà, il doit veiller à la "contextualisation-décontextualisation" des savoirs et de la compétence afin que ceux-ci soient utilisables et transférables dans d'autres contextes et d'autres situations professionnelles, voire sociales.

Dans ce cadre, le tuteur a trois fonctions :

  • une fonction de socialisation et d'insertion, qui consiste à transmettre le langage, les savoir-être, les comportements, les attitudes et les postures professionnelles, à faire repérer les contraintes et les règles de l'organisation... En bref, il est le principal vecteur de la culture du milieu ;

  • une fonction de transmission de connaissances 447, qui consiste à faire acquérir les savoir-faire du métier, des capacités de communication et quelquefois des savoirs théoriques en lien avec les situations de travail dans le cadre d'une concertation pédagogique avec les formateurs ;

  • une fonction d'évaluation, qui consiste à aider l'apprenant à mesurer l'écart entre sa pratique et celle d'un professionnel, sa progression, sa capacité à mobiliser les outils du savoir en situation de travail, son intégration au milieu.

Soulignons que, si le tuteur a un rôle essentiel dans la pédagogie de l'alternance, le tutorat doit demeurer une mission circonscrite et ponctuelle, que le tuteur doit rester un "producteur" et qu'être tuteur est une fonction complémentaire, non un métier.

On s'accorde, en général, à considérer que le tuteur constitue pour l'apprenant le référent professionnel.

Pour que le tutorat prenne tout son sens et que le tuteur puisse assumer pleinement sa fonction, il va de soi que la formation doit fonctionner sous le mode de l'alternance copulative ou intégrée, réelle où il y a co-pénétration entre la sphère professionnelle et la sphère formative, où les deux contextes participent et enrichissent l'apprentissage.

Elle implique que les deux milieux se connaissent et se re-connaissent et qu'ils développent conjointement une dynamique éducative. Elle implique aussi que l'entreprise s'accepte et soit acceptée comme lieu d'apprentissage et de production de savoirs. Elle impose une réelle coopération pédagogique entre les acteurs de laquelle l'apprenant ne doit pas être exclu.

L'alternance est en effet une forme de métissage culturel448, entre la culture d'entreprise et la culture de lieux d'éducation. Elle requiert donc : "la capacité des acteurs et des organisations à partager le pouvoir de former"449.

Notes
445.

Canetti D., Lenoir H., les Tuteurs : cheville ouvrière de l'alternance, les Cahiers pédagogiques, n° 260, janvier 1988.

446.

Boru J.-J., Leborgne C., Vers l'entreprise tutrice, Paris, éditions Entente, 1992, p. 94.

447.

Certains auteurs et certains dispositifs ne reconnaissent pas au tuteur cette fonction et mettent l'accent sur la fonction de socialisation.

448.

Charlot B., l'Alternance : une forme de métissage culturel, Educations, n° 5, octobre-novembre 1995.

449.

Clenet J., l'Alternance : émergence d'un concept, Educations, n° 5, octobre-novembre 1995.