Les origines

Au-delà de ces trois principes organisateurs, trois particularités caractérisent ce DESS cadres pédagogiques de la formation. La première c’est que, dans la plupart des cas, il ne vise à accroître la qualification, tant en ce qui concerne les pratiques mises en oeuvre que la capacité réflexive, que dans une partie des tâches et des actes professionnels. Il ne vise donc pas à la production ex abrupto de professionnels de la formation. Il fut conçu et doit être compris comme une spécialisation, comme celles auxquelles les étudiants accèdent en fin d’études de médecine. Il ne s’adresse donc pas aux praticiens et aux acteurs débutants mais à des professionnels déjà confirmés, tant sur le plan des connaissances que sur celui de l’action. La deuxième est qu’il s’inscrit dans le réel du secteur professionnel en ce que la qualification produite se rattache et se réfère à la grille de classification (article 21) de la convention collective nationale des organismes de formation493 signée le 10 juin 1988 par une partie des organisations syndicales494 et les regroupements d’employeurs, puis étendue à toutes les structures d’emploi du privé. Le DESS autorisera donc ses futurs titulaires à exercer des responsabilités professionnelles de “niveau G”495, ainsi définies dans cette convention : “Les responsabilités scientifiques, techniques, administratives, financières, commerciales, pédagogiques ou de gestion assumées à ce niveau exigent une autonomie de jugement et d’initiative se situant dans le cadre des attributions fixées à l’intéressé.”

Les connaissances mises en oeuvre sont non seulement équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme d’ingénieur de niveau I ou II de l’Education nationale, mais encore des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.

A titre d’exemple peuvent être classés dans cette catégorie les salariés suivants :

  • chef de service, de département ou de projet, formateur ou responsable d’études, ou responsable de système, disposant de l’autonomie définie ci-dessus ;

  • formateur ou consultant appelé à élaborer des diagnostics et à négocier les conclusions opérationnelles des études et projets soumis à l’organisme, en assumant les responsabilités pédagogiques, techniques et économiques qui en découlent ;

  • responsable d’un centre régional (il assure les relations avec les entreprises, les stagiaires, les institutions publiques et parapubliques) ;

  • responsable dans les domaines déterminés de l’actualisation des connaissances des formateurs relevant de l’organisme.

La troisième particularité, c’est son originalité. En effet, ce que nous avons tenté en créant ce DESS dans le département de sciences de l’éducation de Paris X c’est tout d’abord de ne pas refaire ce qui existait déjà dans le cadre des DUFA ou d’autres DESS.

Nous souhaitons inscrire “notre marque” sur ce diplôme et non pas bâtir un énième titre de “responsable de formation” par trop usité dans les formations de formateurs, sans pour autant non plus nous inscrire dans les effets de mode en le baptisant d’une appellation pompeuse, trompeuse... Cette marque étant déterminée par le champ de ce qui nous est spécifique et légitime à Paris X, celui de notre équipe et de ses compétences en matière de formation d’adultes.

La mise au point de la dénomination de ce DESS et de ces contenus fut donc un lent mûrissement. Nous avons beaucoup tourné autour de l’idée de “médiateur”, puis de “développeur”, “d’agent de développement de la formation” pour nous arrêter enfin à “cadres pédagogiques de la formation”. Appellation pour nous pleine de sens, quoique simple. Le terme pédagogique par exemple, même s’il est adjectif, est central car il justifie non seulement l’inscription de ce titre dans les sciences de l’éducation, mais il rappelle aussi que la pédagogie est l’objet sur lequel, avec lequel, à propos duquel nous travaillons, comme ultérieurement nos étudiants le feront. Nous souhaitons donc que notre formation soit ancrée dans la pédagogie, même si au demeurant, elle la dépasse largement mais sans jamais cesser de s’y référer, de s’y alimenter. Nous souhaitons aussi faire acte de promotion intellectuelle de la pédagogie trop souvent dénigrée, trop souvent méprisée sous couvert de rationalité, d’économisme, d’efficacité...

Nous voulions briser l’image négative de la pédagogie496, la faire reconnaître, réaffirmer son existence et sa nécessité dans toute activité liée à la formation des adultes. Rappeler qu’elle innerve l’acte d’apprendre et l’ensemble des environnements ; souligner qu’il est maladroit, voire néfaste, d’isoler les responsabilités politiques, financières et administratives des responsabilités pédagogiques. Il nous semblait enfin qu’affirmer que des praticiens de la pédagogie puissent être responsables, c'était non seulement tenter de remettre la formation des adultes sur ses pieds, mais aussi promouvoir la pédagogie comme un acte global permettant de concevoir, construire et analyser des pratiques de transmission et de production de connaissances, comme des pratiques de montage et de gestion de projets éducatifs.

Quant au terme cadre, au-delà d’une référence explicite à la convention collective, au delà de la position sociale qu’il définit, au-delà du rôle hiérarchique qu'il sous-entend quelquefois, il nous est apparu intéressant à plusieurs titres. Non parce qu’un cadre dirige une équipe mais par le niveau de responsabilité qu’il exerce et la quantité d’expériences antérieurement acquises que cela nécessite. La notion de cadre nous intéressait aussi, au-delà de ce capital expérientiel, par le niveau de connaissances générales et professionnelles qu’elle évoque. D’où notre conception du “cadre pédagogique” qui n’est pas un “chef” au sens traditionnel, ni un homme de dossier, mais un concepteur et un acteur intervenant dans le cadre d’un collectif de travail. Acteur central, capable à la fois de concevoir et de construire des projets globaux, donc de se projeter497 dans l’avenir ; d’en maîtriser le déroulement et la conduite dans le présent ; d’en mesurer les effets dans le futur, tout en conservant suffisamment de distance pour pouvoir en permanence analyser les pratiques mises en oeuvre dans les champs du pédagogique et de l’organisationnel. Le terme formation parle de lui-même et ne nécessite pas de commentaire spécifique si ce n’est qu’il renvoie explicitement au terrain de l’andragogie.

Notes
493.

Cette référence à la convention collective est due, il faut le souligner, à Jacques Natanson, enseignant à Paris X, qui fut l’un des promoteurs de ce DESS.

494.

A l’exception de la CFDT et de la CGT.

495.

La grille de qualification est constituée de niveaux de responsabilité répartis de A à I.

496.

Tout en refusant aussi, nous l’avons déjà dit, l’inflation terminologique et les sur-représentations liées, par exemple, aux termes d’ingénierie, de conseil, etc.

497.

Voir la notion de chef de projet et de dessinateur projeteur.