De ce temps-là, remontent cette tentative et cette volonté, quelque peu prométhéennes, d'essayer de comprendre et de maîtriser l'ensemble des processus mis en oeuvre dans l'acte éducatif, tant du point de vue du contexte social et économique que méthodologique, relationnel et pédagogique. Ensemble de préoccupations et sujets d'études que reflètent pour une part, mes écrits. Ces textes abordent en effet de nombreux sujets, des plus généralistes aux plus spécifiques ainsi qu'en témoignent par exemple des textes comme Contre le pessimisme, se situer dans la crise (1984) ou la Reconnaissance et la Validation des acquis dans l'enseignement supérieur (1993). Tentative démesurée, prétentieuse et irréaliste ou pari audacieux de couvrir un champ intellectuel aussi vaste, à l'intersection de disciplines multiples et riches, mais qui révèle néanmoins, je l'espère, une vraie curiosité intellectuelle et une appétence forte de compréhension et de savoirs nouveaux.
Mais à bien y regarder, pour peu que ma place d'acteur me le permette, on connaît la difficulté et les égarements du travail bibliographique (mais ici encore, la littérature à laquelle je n'ai jamais totalement renoncé resurgit à l'improviste et en particulier un très beau texte de Jean Starobinski, Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l'obstacle 541 où est évoqué le travail autobiographique de Rousseau dans les Confessions), une ligne de force et un thème récurrent se dégagent. En effet, au-delà de mon intérêt pour la formation des adultes, apparaît le souci constant de la formation et de l'accès au savoir de groupes sociaux constituant un public par bien des aspects cohérent, qu'il s'agisse d'adultes étrangers, quelquefois analphabètes, de jeunes en difficultés d'insertion, de publics dits "bas niveaux de qualification", d'adultes illettrés.
Activité professionnelle constante et intérêt permanent, depuis plus de vingt ans, de mes premiers enseignements de français dans des foyers de travailleurs immigrés jusqu'à la mission d'animation du groupe "premier niveau de qualification" que m'a confié la délégation Provence-Alpes-Côte d'Azur du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ou encore ma fonction de responsable du département "bas niveaux de qualification" à l'INFREP (Institut national de formation et de recherche sur l'éducation permanente). Problématique centrale d'un certain nombres d'articles, de S'insérer en Picardie (1982) où sont évoquées les difficultés rencontrées par les jeunes relevant des "programmes de formation 16-18 ans" d'alors, en passant par Une expérience d'ingénierie pédagogique (1988) où j'évoque un dispositif national de formation en direction des CLD (chômeurs de longue durée), jusqu'à Discours sur l'illettrisme et illettrisme en entreprise (1995), rédigé pour le ministère du Travail et le Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI) ou encore le texte réalisé pour la troisième Biennale de l'éducation et de la formation (avril 1996) décrivant un dispositif de formation innovant mis en place par la communauté urbaine de Strasbourg pour des agents de la catégorie C.
Le métier de formateur, plus enraciné dans l'environnement socio-économique que celui d'enseignant, m'est apparu alors plus en rapport avec mes préoccupations. Il ne s'agissait pas seulement de transmettre des connaissances littéraires et académiques mais des savoirs fondamentaux essentiels à l'épanouissement et à l'autonomie des individus. Il me permettait d'agir dans un espace professionnel plus ouvert, à l'intersection du champ social et du champ éducatif. Problématique dans laquelle s'inscrivent aujourd'hui encore mes recherches.
Starobinski J., Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l'obstacle, Paris, Ed. Gallimard, 1971, p. 216 et suivantes.