Conclusion

Si la question éthique doit être envisagée sous plusieurs angles (orientations et valeurs des organisations d'exercice du métier, rapports aux collègues et valeurs collectives, processus identitaire mis en oeuvre...), c'est sans aucun doute dans le rapport aux apprenants que réside l'essentiel de la réflexion éthique. En effet, si se poser la question éthique vise à questionner le sens de son action, ses postulats et ses conséquences, c'est surtout afin de préserver la liberté d'agir et de choisir de celui ou celle qui est engagé dans la quête du comprendre et du connaître. De mon point de vue, les formateurs se retrouvent dans la même posture que ceux et celles qui pratiquent l'intervention psychosociologique et peut-être se reconnaîtront dans leur réponse. Deux principes éthiques semblent gouverner l'intervention587. Le premier est énoncé par Eugène Enriquez qui considère "qu'on ne peut pas faire d'intervention sans que l'intervenant se réfère à des principes éthiques et à une idéologie de type démocratique"588, c'est-à-dire, comme pour le formateur, en reconnaissant l'autre pour ce qu'il est et peut devenir et en s'inscrivant dans un procès reposant sur le dialogue, la tolérance, la reconnaissance mutuelle et la quête de l'égalité. Le second que toute pratique de formation doit chercher "à associer les interlocuteurs demandeurs dans "un processus de collaboration avec" et non "une prestation sur". Cette option répond à des valeurs reposant sur une éthique de la consultation selon laquelle "les sujets sont visés comme êtres autonomes et considérés comme l'agent essentiel de leur évolution"589. Il s'agit de considérer l'autre comme sujet et acteur, et non comme objet. On le voit, la posture du formateur est tout autre et la question de la décentration de l'apprentissage sur l'apprenant lui-même prend un autre sens : elle dépasse la mise en oeuvre de pratiques et les bonnes intentions éducatives. Il ne s'agit plus d'être simplement plus efficace en rétrocédant l'acte d'apprendre à l'apprenant, mais de lui conférer un droit à la pensée et à la construction autonomes.

Notes
587.

Au moins pour ceux qui se réclament de Jean Dubost et d'Eugène Enriquez.

588.

Enriquez E., entretien avec Sainsaulieu R., l'Intervention pour imaginer autrement, Education permanente, n° 113, décembre 1992, p. 38. A cet égard, Eugène Enriquez, dans l'Organisation en analyse (Paris, PUF, 1995, p. 114) pousse encore plus loin l'exigence éthiquo-démocratique. Pour lui, "la tradition psychosociologique est fondamentalement anti-hiérarchique, anti-étatique,
anti-bureaucratique"
.

589.

Giust-Desprairies, Hans D., les Enjeux actuels de l'intervention psychosociologique dans les milieux de la formation, Education permanente, n° 127/1996-2, p. 162.