Université Lumière Lyon II
Thèse proposée pour un Doctorat de Lettres et Arts (option Cinéma)
LE CHEMINEMENT SPIRITUEL
D'INGMAR BERGMAN
À TRAVERS LES FILMS PRINCIPAUX
APRÈS LES ANNÉES CINQUANTE
(Analyse à travers la Subjectivité kierkegaardienne)
sous la direction de M. André GARDIES
1998

Résumé

L’analogie entre les univers philosophique et cinématographique de Kierkegaard et de Bergman résulte, nous semble-t-il, de l’importance accordée dans les deux cas à la lutte pour l’existence. En effet, Bergman, fils d’un pasteur luthérien, s’est toujours opposé à l’emprise du Dieu dogmatique et spéculatif pour devenir maître de sa propre existence. De même, Kierkegaard a toujours vigoureusement combattu la pensée systématique de Hegel, à qui il reprochait d’avoir fait abstraction de la dimension subjective de l’existence. Bergman et Kierkegaard ont ainsi, chacun à leur manière, mené un combat pour réhabiliter la dimension concrète de l’existence individuelle.

À partir de Jeux d'Été (1951), que nous estimons être le premier film d’auteur de Bergman, trois phases d’évolution de la carrière cinématographique de celui-ci peuvent être définies : tout d’abord, de Jeux d'Été (1951) à L'Oeil du Diable (1960) ; puis de À travers le miroir (1961) à Une Passion (1969) ; enfin, du Lien (1971) à Après la Répétition (1984). Les caractéristiques de la première période sont l’accent mis sur le rapport entre les personnages et le monde extérieur soumis aux lois de la Vérité objective. Le développement des éléments thématiques propres aux films de cette première période fait ressortir la souffrance des protagonistes écrasés par la société, ses conventions et le dogmatisme religieux. Les personnages sont constamment humiliés et déçus. Dieu est absent et la mort sous toutes ses formes est omniprésente. De même, l’amour, symbole de la vie, reste hors de portée de l’homme, à l’exception de rares élus. Enfin, en dépit de la souffrance qui les habite, les personnages ne parviennent pas encore à connaître clairement l’origine de celle-ci - dont ils appréhendent pourtant intuitivement la raison. Ils prennent en outre conscience (le thèse de l’éveil) que leur être ne peut s’accommoder de l’ordre établi. D’où leur condamnation à une perpétuelle errance (le thème du voyage).

Mais, ce nomadisme constant des protagonistes cesse dans les films de la seconde période. Les espaces où se déroule le récit sont isolés du monde et les personnages sont très peu nombreux. Usant de moyens techniques sobres le cinéaste se concentre sur la description de l’intériorité des personnages. Échappant à l’emprise de la Vérité objective ceux-ci découvrent le réel différent de ce qu’ils avaient cru percevoir et se voient sous leur vrai visage. Le Dieu dogmatique à qui était attribué un statut fictif (celui du « Dieu-araignée » ou du « Dieu-monstre ») au début de cette deuxième période, disparaît à présent. Mais, cette entreprise de libération du sujet génère troubles et confusion. Les personnages sont en effet soumis aux formes de violence les plus variées et à l’embarras naissant des choix qu’ils doivent opérer, voire à l’angoisse. Celle-ci deviendra le signe révélateur de la marche des personnages vers l’appropriation du sens de leur existence. Marche au cours de laquelle l’amour et la foi devenus des réalités concrètes sont authentiquement vécus par les protagonistes.

Dans Le Lien (1971) et les films suivants, le concept kierkegaardien d’existence permet de rendre compte du caractère des expériences vécues par les personnages. La capacité à « ‘assumer sa propre existence’ » devient une exigence fondamentale dans les films de cette troisième période. Exigence dont l’atteinte suscite une angoisse permanente chez certains personnages. La mort se trouve directement mise en scène ; la frontière entre la vie et la mort apparaît ambiguë. Une fois rejetée l’idée du Dieu dogmatique, la transcendance se manifeste différemment : le mystère et l’amour indicible agissent désormais à l’intérieur de l’homme lui-même. Les personnages sont enfin capables d’unir les déterminations contradictoires (l’ancien et le nouveau) de leur existence concrète, c’est-à-dire, de faire l’expérience de la « reprise » kierkegaardienne.

au Père céleste
aux parents terrestres

Remerciements

L’expression de ma profonde gratitude va à mon directeur de recherches, M. A. GARDIES. C’est grâce à la confiance qu’il m’a faite en toutes circonstances et à sa patience que cette thèse est à son terme.

M. E. HAMRAOUI et Mm. F. NAMMOUR se sont chargés de la correction du français. Qu’ils reçoivent ici mes vifs remerciements.

Mes pensées reconnaissantes vont enfin à mes amis coréens et aux autres qui m’ont soutenue de leur sympathie et de leur compréhension.