Deuxième Partie
QUESTION DE CHOIX

Introduction

A partir de Comme dans un Miroir, nous pouvons aisément remarquer un changement quasi complet de style. Tout d’abord, les récits relatent des actions qui se déroulent dans des lieux isolés, en priorité dans des îles. Cette délimitation spatiale correspond elle-même à une restriction du nombre des personnages décrits. De plus, on assiste à ‘« une tentative de simplification des moyens d’expression qui confine à l’ascèse’ 165 ». Ainsi les techniques sont-elles austères et dépouillées, et, à partir du Silence, donc presque au début de la seconde période, l’emploi de la musique extra-diégétique est considérablement réduit. L’étude de l’intériorité des personnages devient ainsi le principal objet d’analyse du cinéaste.

Le silence de Dieu est toujours fortement marqué, le réalisateur refuse à présent la réalité de Dieu en Lui attribuant le statut fictif dans les films du début de cette époque. Le Dieu dogmatique disparaîtra finalement de l’univers bergmanien de cette époque. L’âme, dogmatiquement préconçue, est décrite malade, va mourir, et l’esprit de l’homme sera profondément humilié dans de nombreux films de cette époque. L'hétérodoxie caractérise ainsi fortement cette seconde période.

Pourtant, les personnages ne parviennent pas à assumer la réalité présente. Car leur affranchissement par rapport à l’ordre établi entraîne simultanément la perte du sens des valeurs: tout point de repère a disparu. La confusion s’installe. L’état de désarroi se traduit par un climat de guerre et la violence sous toutes ses facettes est fortement présente.

De plus, puisque l’échelle des valeurs établies a disparu, la liberté constitue désormais l’unique fondement de tout choix. Mais le choix introduit en même temps l’angoisse parce que l’acte de choisir l’inspire inévitablement, à travers la nécessité de se déterminer entre plusieurs possibles. Si l’empire de la Vérité objective était à l’origine de tant de souffrance, le possible provoque quant à lui l’angoisse. Celle-ci se manifeste profondément dans les films, saisit les personnages. Et l’innocence qui apparaît dans l’univers bergmanien, donne libre cours à l’angoisse. C’est précisément par celle-ci que le concept de l’existence commence à s’infiltrer dans l’univers bergmanien.

Pourtant, au milieu de la confusion et de l’angoisse, certains sentiments devenus plus accessibles à l’homme cessent d’être décrits ou analysés pour eux-mêmes. L’amour est ainsi décrit plus humainement, il accompagne les personnages, même s’il s’avère impuissant contre la violence qui les entoure, même si l’homme n’est pas toujours conscient de sa présence. Et la Foi166 affiche une autre vision que celle de la Foi aveuglée, ou imposée. Elle n’a plus les traits du Dieu dogmatique, et se situe au-delà des signes tangibles. Et certains personnages effectuent un nouveau départ.

Nous allons premièrement étudier de quelle manière le réalisateur a rendu illusoire la Vérité dogmatique et mis à nu la réalité des personnages. Puis, seront analysées les diverses situations vécues par l’homme bergmanien en proie à l’angoisse, ainsi que les aspects de la violence que les personnages vivent profondément. Enfin, dans le dernier chapitre de la seconde partie de notre travail, nous analyserons les éléments tels que l’amour, la Foi, qui aident les personnages à traverser cette période de transition.

Notes
165.

Waldkranz RUNE, L’art du cinéma dans dix pays européens, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1967, p. 239

166.

Nous employons la majuscule pour désigner particulièrement qu’il s’agit de la foi religieuse, c'est-à-dire, chrétienne.