Depuis leur création officielle, en 1970, les rééducateurs sont menacés régulièrement dans leur existence. Ils sont mis en demeure d'argumenter leur propre fonction, leur spécificité et leur place dans l'école. Ils sont même tenus de "s'auto-définir" vis à vis de leurs partenaires, quand ce n'est pas de leurs autorités hiérarchiques directes. Les dernières rumeurs en date, concernant la transformation ou l'éradication de la profession, ont de peu précédé la réorganisation de l'examen permettant, entre autres "spécialisations", d'y accéder. L’arrêté du 25-4-1997 réorganisant le CAPSAIS 28 , et paru au B.O. n°3 du 8 mai 1997, définit les “compétences spécifiques à l’option G”. Une demande, explicite, est faite aux rééducateurs: ‘ “On attend que l’enseignant spécialisé chargé de rééducations...... soit capable de ’ ‘ définir et d’argumenter sa spécificité professionnelle ’ ‘ 29 ’ ‘ (auto - définition, rôle, fonctions) auprès des différents partenaires du système.” ’( p. 36). Cette demande n'est que la formulation d'une situation qui est la réalité des rééducateurs depuis 1970. Qu'est-ce que "l'auto-définition", sinon la définition de sa pratique et de son identité?
Il a été particulièrement difficile, pendant longtemps, pour les rééducateurs, de se définir. Comment y parvenir, en effet, lorsque l'on est en pleine recherche de sa pratique, lorsque celle-ci n'est pas "stabilisée", et sujette au "tâtonnement", au "bricolage", lorsqu'elle est en pleine évolution? Comment se définir lorsque son nom lui-même fluctue, au gré des textes officiels? On peut penser qu'aujourd'hui, après un long cheminement, cette définition devient possible.
La menace qui pèse sur la fonction ne facilite pourtant pas les choses. Le besoin de sécurité, le besoin d'appartenance, le besoin de reconnaissance de la part des autres ou besoin que Jacques LEVINE nomme le "minimum de reconnaissance du moi" (1993-3), sont des besoins fondamentaux de la personne. La satisfaction de ces besoins permet qu'existent la conscience et l'estime de soi, la réalisation, ou la création, qui correspondent également à des besoins fondamentaux de la personne, comme le rappelle MASLOW 30 . Comment définir son identité spécifique "auprès des partenaires" lorsque l'on n'est pas assuré que cette place, prévue par les textes, est reconnue et garantie par les autorités hiérarchiques? Comment les professionnels vont-ils assumer cette tension?
Si "la rééducation à l'école" a, peu à peu, pris une forme qui correspond à un "consensus" pour le plus grand nombre des praticiens, les rééducateurs ressentent d'une façon de plus en plus urgente, pour eux-mêmes, le besoin que leur fonction auprès des enfants soit reconnue. Ils éprouvent le besoin que leur existence cesse d'être toujours remise en cause. La clarification de leur place dans l'école, de leur identité et de leur pratique spécifiques, devrait faciliter une reconnaissance de celles-ci, par les partenaires intérieurs et extérieurs à l'école.
La rééducation à l'école est une création de l'Institution scolaire. Cette génitrice, à la fois "bonne" et "mauvaise mère", comme, peut-être, toutes les mères, l'assaille. Elle l'a créée différente d'elle, et elle lui reproche, semble-t-il, sa différence.
Mieux se connaître soi-même, n'est-ce pas la condition indispensable pour parvenir à se définir aux yeux des autres?
Certificat d’Aptitude aux Actions Pédagogiques Spécialisées d’Adaptation et d’Intégration Scolaires.
souligné par nous.
Psychologue américain, Abraham MASLOW est connu très largement par la représentation des besoins fondamentaux de la personne, sous la forme d'une "pyramide" (1954), dans laquelle un besoin d'un étage supérieur ne peut se développer qu'à la condition de la satisfaction du besoin précédent. Le besoin le plus fondamental de la personne étant la satisfaction des besoins physiologiques (faim, soif, sommeil), le second "étage" serait le besoin de sécurité.