Mis en demeure de se définir, que savent les rééducateurs d'eux-mêmes?

La question se pose sensiblement de la même manière pour une institution, pour un corps professionnel, que pour un sujet. Il est nécessaire de connaître ses origines, d'où l'on vient, pour asseoir son identité actuelle et à venir. ‘ "Toute interrogation sur l'instituant rencontre la question de son désir comme enquête fondamentale sur l'origine: de ce qui institue et de ce qui s'institue...comme institution et comme situation...unique questionnement, que celui-ci porte sur sa raison sociale, ou sur la règle et la méthode qui le fondent comme théâtre des opérations...Ainsi, la question de l'origine n'est posée, nécessairement, qu'à travers ce qui, d'abord, la masque..."(KAËS, 1972, In ANZIEU, p. 19).

Un "savoir sur les origines" demande un travail d'élaboration, de distanciation, par rapport au présent. Englué dans un présent envahissant, le sujet ne parvient à élaborer ni le passé, ni le futur. Dans ce contexte de remise en cause quasi permanente, quel est l'avenir des rééducateurs? Quel lien peut être fait entre le passé, le présent et le futur?

On peut avancer que le rééducateur pourra asseoir la connaissance de lui-même, de son identité professionnelle, sur deux registres:

  • la connaissance de ce qui a conduit l'institution scolaire à créer sa fonction;
  • et la connaissance conjointe de l'évolution de la pratique rééducative.

Nous avons besoin d'éléments d'informations concernant ces deux grands points qui apparaissent dans un ordre chronologique, et que nous traiterons donc dans cet ordre.

  1. Par quelles voies l'école a-t-elle été amenée à créer un corps professionnel de rééducateurs? Connaissant les conditions et les raisons de l'émergence de cette nouvelle profession dans l'école, nous pourrons, alors, nous demander:
  2. Comment les rééducateurs ont-ils construit, historiquement, leur identité professionnelle?

Ces investigations devraient permettre d'apporter des éléments de réponse à la grande question qui s'imposait dans ce contexte d'inquiétudes renouvelées concernant l'existence même de la profession:

" Y a-t-il, dans l'école, une place spécifique pour une action qui pourrait être qualifiée de "rééducative", et laquelle?

Des besoins institutionnels, ou singuliers, sont à l'origine de tout recours à une aide. Quels ont pu être ces besoins, quelles ont été les "nécessités" qui ont conduit l'école à créer cette institution rééducative en son sein? Si nous parvenons à établir que la rééducation a bien répondu à un besoin de l'Institution Scolaire, nous pourrons justifier de la nécessité de sa création. Nous devrions pouvoir montrer que, selon notre première hypothèse de travail, la rééducation a été créée pour répondre à un besoin de l'institution scolaire. Elle était un des moyens mis en place pour enrayer un mouvement d'exclusion généralisé. Il nous faudra ensuite, dans la suite de nos analyses, interroger la persistance de ce besoin. Cette première partie ne prétend donc pas répondre d'une manière "définitive" à la question posée, qui restera donc ouverte, à compléter.

La suite de la formulation de notre problématique générale de recherche, concerne la définition de la place de la rééducation dans l'école. Nous le comprenons, son traitement dépend étroitement de la réponse affirmative apportée quant à la raison d'être de la rééducation. Nous aurons à nous interroger sur la place que lui demandait de prendre l'école lors de la création de la fonction rééducative, et sur l'évolution éventuelle de cette place, question qui restera, elle aussi, ouverte, à la fin de cette première partie.

La deuxième question qui concerne la construction et l'évolution de l'identité professionnelle des rééducateurs: Comment les rééducateurs ont-ils construit, historiquement, leur identité professionnelle? recouvre des dimensions multiples:

  • Quel a été le contexte de ces élaborations?
  • Quels étaient les objectifs assignés aux rééducateurs, quel était le cadre législatif de leur identité professionnelle?
  • Quelle conception de la pratique était définie par les textes?
  • Quelle en a été l'évolution?
  • Quels ont été les obstacles rencontrés?
  • Quelles ont été les difficultés éprouvées?
  • De quels matériaux ont disposé les rééducateurs pour construire leur pratique et leur identité professionnelle? Quels en ont été les étayages?

Nous devrions disposer d'éléments suffisants pour mettre en évidence que, en l'absence de directives précises, les rééducateurs ont dû construire leur identité professionnelle et leur pratique. (Hypothèse de travail 2) , et que la présence, très prégnante, de la médecine et de ses approches, dans la gestion des "marges", contribuera sans doute, pour une bonne part, au fait que l'école aura les plus grandes difficultés à prendre de la distance par rapport à ce regard médical, et à penser la difficulté scolaire de l'enfant comme "normale", c'est-à-dire, non pathologique, et ne relevant pas de soins. (Hypothèse de travail 3).