Quelle démarche d'analyse allons-nous adopter pour tenter de répondre à ces questions?

Le rééducateur en GAPP, qui, avec l'évolution des structures, deviendra rééducateur en réseau d'aides spécialisées, s'adresse à des enfants que leur souffrance marginalise, mais qui sont encore à l'intérieur de l'école ordinaire. Les textes officiels situent structurellement le rééducateur "dans les marges" intérieures de l'école. La rééducation, issue des textes de 1970, comme celle qui se construira en référence au texte de 1990, est une structure de prévention de l'échec scolaire, un des moyens mis en place par l'école pour lutter contre l'exclusion scolaire, et donc, en quelque sorte sociale, des enfants.

En questionnant les limites, en nous interrogeant sur les critères de la marginalisation ou de l'exclusion, en écoutant ceux qui ont pensé l'écart, ceux qui ont oeuvré contre ces processus de mise hors du système de certains enfants, nous pourrons mieux comprendre la pensée rééducative d'aujourd'hui, et posséder d'autres outils pour définir l'identité professionnelle du rééducateur, en en reconnaissant à la fois les racines, les filiations, et sa dette symbolique vis à vis de ceux qui l'ont précédé.

Une étude longitudinale nous paraît la mieux à même de situer l'émergence de ces phénomènes d'exclusion ou d'intégration, dans l'histoire de l'éducation. Nous avons dû nécessairement limiter notre champ diachronique. C'est l'instauration de l'obligation scolaire qui a fait naître un nouveau problème: l'échec scolaire. Les lois scolaires de Jules FERRY seront donc notre premier repère dans le temps.

C'est dans ce long cheminement des pratiques pédagogiques et de la pensée qui les éclaire et/ou les suscite, que nous tenterons de trouver des informations concernant notre préoccupation: la question que posent ceux qui sont considérés comme touchant à la limite du système, et la réponse qui leur est apportée. Quelle est cette réponse, en termes d'exclusion, d'intégration ou d'aide? Cette réponse elle-même est-elle stable dans le temps?

Nous adopterons un ordre qui tente de se faire chronologique, apparu nécessaire pour introduire une certaine organisation dans la présentation du foisonnement des idées. De ce fait, nous regrouperons en "grandes étapes" des concepts, des positions, qui ont émergé, et des actions qui ont été entreprises sensiblement à la même époque. Nous ne visons pas à faire oeuvre d'historien. Nous ne tenterons pas de restituer l'intégralité des idées ou des expériences, ni de tous les pédagogues, ni même d'un seul. Nos choix sont sélectifs et parcellaires. Ils sont soumis à un objectif de repérage et d'analyse des phénomènes de marginalisation et d'exclusion de l'enfant, comme des actions réalisées et des positions prises pour tenter de les enrayer. Un deuxième objectif vise à repérer ce qui a pu ancrer la pratique et l'identité du rééducateur. En conséquence, dans cette recherche des origines de la rééducation, des fondements dont elle est le fruit, nous nous proposons de synthétiser les idées et les expériences dans les différents domaines qui touchent de plus près que d'autres à la fonction du rééducateur dans l'école. Nous les passerons au premier crible de ce qui a été référence à un moment donné, ou qui est encore une référence de la pédagogie spécialisée, et au deuxième crible de ce qui a été, ou qui est encore une référence pour le rééducateur d'hier ou d'aujourd'hui.