De quel "réel" partons-nous, pour nos analyses?

Chaque fois que possible, nous nous référerons aux textes officiels. Leur chronologie guide notre démarche. C'est à partir de leur analyse que nous centrerons la logique de nos interrogations. Chaque fois que possible, également, nous retournerons aux textes des pédagogues ou de ceux qui ont témoigné de leur expérience, ou encore de ceux, psychologues ou psychanalystes, sociologues, éthologues, philosophes, ou théoriciens des Sciences de l'Education, qui ont analysé les processus que nous allons rencontrer.

Le choix des textes, des écrits, la sélection "après-coup" des notes prises à leur lecture, procède de la même subjectivité que l'ensemble de notre démarche. "Les lunettes du rééducateur" qui cherche les origines et l'évolution de sa pratique et de son identité, qui recherche les filiations possibles et les sources identificatoires de ce qu'il est - ou qu'il tente d'être - aujourd'hui, y jouent leur rôle sélectif. C'est dire que cette première partie est avant tout une analyse de documents. Ces "écrits": textes officiels, livres, articles, constituent le "corpus" de nos analyses ici, avant que n'intervienne le rééducateur dans sa pratique.

Nous prétendons cependant qu'il s'agit d'une démarche clinique. Qu'est-ce qui permet de l'affirmer? Nous y sommes impliquée . Notre objet d'étude est le champ même de notre pratique professionnelle. C'est dire aussi que le lien à la pratique y est constamment présent, sous-jacent, même lorsqu'il n'est pas explicite. C'est le filtre qui va faire sélectionner tel écrit, qui va faire privilégier telle expérience ou telle position théorique, et qui va faire en laisser d'autres de côté. L'élaboration des analyses fait appel à divers référents théoriques, mais la référence psychanalytique est souvent appelée pour lire le "réel". Nous souhaitons appréhender et théoriser cette réalité d'une manière qui se veut ‘ "transdisciplinaire, en en proposant une lecture multiréférencée, faisant usage de concepts empruntés ou poussés à leur marge, repensés, voire "pervertis": représentation, crise, passage à l'acte, emprise, sublimation...", ce qui représente, pour Claude REVAULT D'ALLONNES (1989, p. 29), une manière de procéder à la "réévaluation du social", les autres dimensions étant l'intérêt porté aux situations complexes dans leur diversité, et aux"rapports du social et de la subjectivité" ’ (id. p. 30). Cette multiréférentialité sera présente, par la restitution des différents courants idéels au cours de "l'histoire" de la période considérée: référents pédagogiques, sociologiques, philosophiques, psychologiques, psychanalytiques... Elle devrait être garantie, au niveau de nos analyses, même si elle n'est pas aussi large que certains pourraient le souhaiter, par des entrées pédagogiques, psychologiques, psychanalytiques...

A partir de 1970, lorsque les rééducateurs entreront en scène, notre position, dans cette recherche, se complexifiera d'autant. Nous interrogerons alors ce qu'il en est de notre position et de notre démarche. Le rééducateur, est "pris" ici dans une démarche clinique à double titre. On y rencontre un rééducateur "à la recherche de son identité", en même temps qu'il analyse les tâtonnements, les "bricolages" de la profession pour élaborer la pratique rééducative. Une longue expérience de rééducatrice nous a fait vivre "de l'intérieur" l'évolution de la profession depuis 1970, et en connaître les certitudes, les mises en doute, puis les errances et les reconstructions. Si implication et démarche clinique vont de pair, oserait-on avancer qu'il s'agit, dans cette partie, d'une "rencontre clinique avec soi-même", le "praticien-chercheur" étant lui-même rééducateur?