"Découpe".

Afin de faciliter le déroulement logique de notre exposé, nous avons "découpé", d'une manière qui n'échappe ni à l'arbitraire, ni à l'artificialité, le courant de la pensée pédagogique dans son articulation avec les phénomènes d'exclusion ou de marginalisation de l'enfant. De grandes "étapes", dont les butées sont souvent les textes de loi estimés significatifs d'un changement, couvrent la période qui a originé les lois de Jules FERRY jusqu'à aujourd'hui. Ces "périodes" ne parviennent pas toujours à ne pas se chevaucher. Notre "découpe" prend comme repères, les échanges entre le système en place et l'extérieur, dans la dynamique de mise "hors-groupe" au sein de processus de marginalisation et d'exclusion, ou dans les tentatives d'aide ou d'intégration des enfants, ces mouvements constituant notre fil directeur, "le fil d'Ariane" de l'articulation de notre pensée.

En réponse à la question: "Par quelles voies l'école a-t-elle été amenée à créer un corps professionnel de rééducateurs?", partant d'une "pré-histoire" des lois scolaires de la III ème République, le premier temps (chapitre II) rappelle brièvement de quelle manière la médecine s'est vue confier par la société, dès le dix-septième siècle, la gestion des déviants à la règle, des marginaux, des "non-conformes". Cette prépondérance donnée à la médecine en tant qu'instance de recours, peut nous aider à comprendre les relations ultérieures entre l'école et le domaine médical, face aux difficultés scolaires de l'enfant. Ce premier temps dresse ensuite un tableau succinct du contexte des lois fondatrices de l'école d'aujourd'hui, puis décrit l'institution de ces lois, et les premières tensions apparues. Il analyse ce qu'impliquent comme effets l'idéologie fondatrice universaliste et unificatrice de l'Ecole. Il évoque ce qui est tenté parallèlement et hors système scolaire, pour lutter contre l'exclusion de l'enfant. Nos dates de repérage pour ce développement se situent autour des années 1881-1882. Un "arrêt sur image", nous permettra de questionner la manière de comprendre les premières difficultés scolaires de l'enfant, et la réponse spécifique constituée par l'institution des classes de perfectionnement, en l'année 1909. Puis nous nous centrerons sur l'évolution du courant idéel entre les années 1909 et 1945, date marquant le début d'une profonde modification du public scolaire, de ses besoins, et des attentes vis à vis de l'école. Toute une période intermédiaire de recherche, de tâtonnements, d'errance, s'ouvre pour l'école, confrontée à un échec scolaire de plus en plus préoccupant, qui "met en crise" le système unique de l'idéologie fondatrice.

Nous posons les bornes: 1945- 1970, pour une période de mutation du système scolaire dont la crise s'accentue (chapitre III). L'évolution des conceptions pédagogiques, psychologiques et "remédiatrices" de l'échec et des difficultés des enfants, mènera, entre autres, à la création de la rééducation au sein de l'école. Ce sont ces conceptions qui imprégneront le premier "modèle" rééducatif.

Le corps professionnel des rééducateurs étant créé, c'est désormais en nous centrant sur ce que nous repérons comme des "étapes" de l'élaboration de leur identité professionnelle, que nous organiserons la suite de nos analyses. Le chapitre IV décrit "la genèse et la naissance" des rééducateurs, la construction de leur identité et de leur pratique. La réponse à la question: "Comment les rééducateurs ont-ils construit, historiquement, leur identité professionnelle?" montre, entre autres dimensions, qu'ils ont hérité d'une identité reçue. Nous avons choisi de regrouper tout ce qui concernait la construction identitaire qui s'en est suivie. Ce chapitre clôt cette première partie. Il tente de rendre compte de l'élaboration de la pratique rééducative et de celle de l'identité professionnelle des rééducateurs, de leur évolution, d'un "modèle" à l'autre, c'est-à-dire entre 1970 et 1990. Soumis au filtre de la recherche identitaire du rééducateur, cette période correspondrait à ce que l'on a nommé "une adolescence contestataire", période de crise, de remise en question, d'errance, mais aussi, peut-être, période d'ouverture aux élaborations de "la maturité"?

"Nous sommes tous pétris des ingrédients d'une Histoire qui ne nous appartient pas."
Mireille CIFALI (1994, p. 23).