1-1- La marginalisation sociale a été un des grands problèmes du XVII ème siècle. La médecine se voit confier la "rééducation" de tous ceux qui ne sont pas "conformes".

Le XVII ème siècle voit se multiplier les "marginaux" de toutes sortes, du fait, principalement, des guerres, et, des crises des manufactures. Les pauvres et les mendiants, improductifs, sont considérés comme coupables, "la Paresse" étant le péché capital de l'âge classique. Ils font peur, et la société les rejette. Aux exclus sociaux qui représentent un risque certain pour la société, s'ajoutent tous ceux que la morale réprouve, comme les vénériens ou les prostituées, mais aussi d'autres "coupables". On les retrouve, catalogués sous des qualificatifs comme "prodigues", "fils ingrats", enfants irrespectueux ou "enclins à la débauche", "père dissipateur", (FOUCAULT, 1972, ed. 1979, p. 67) 31 .

Le problème dépasse les capacités d'absorption ordinaires, par le système social. La peur de troubles sociaux, en provenance de ce nombre impressionnant et croissant de déviants à la norme, va conduire à rechercher des solutions. De la peur au mécanisme de rejet, qui à son tour entraîne l'exclusion effective du système, il n'y a qu'un pas à franchir.

On décide donc de les exclure de la société, et de les enfermer. L'Europe connaît alors un grand mouvement d'exclusion massive. Une stratégie de "grand renfermement" pour "mesures économiques et précautions sociales" (FOUCAULT, 1972, ed. 1979, p. 90) se met ainsi en place, avec un objectif de régulation sociale. Sont concernés non seulement des "fous", mais aussi, des pauvres, ou tous ceux qui ne sont pas utiles à la société par leur travail, tous ceux qui ne s'intègrent pas au groupe social, et que ce dernier ne peut plus tolérer. Que la déviation, "la déraison", soit psychique ou sociale, ou encore socio-économique, femmes, enfants, malades, hommes adultes, indigents, mendiants, vagabonds, infirmes, vieux, épileptiques, femmes en enfance, folles, "filles incorrigibles", vénériens, "esprits dérangés", se mêlent, sont confondus, "formant le monde uniforme de la Déraison" (id. p. 96‘ )." Un recensement de 1690 dénombre plus de 3000 personnes à l'Hôpital de la Salpêtrière." ’ (ibid, p. 95). Sans distinction entre déviants sociaux divers et aliénés, on les enferme, on les enchaîne et on les maltraite.

Hormis les lépreux qui étaient jadis considérés comme morts, la société envisage en règle générale des solutions pour que ces exclus, qui sont improductifs, puissent réintégrer le système. Après avoir recensé ou désigné ses déviants, après avoir décidé de les enfermer, il va falloir organiser, mettre en place, une politique de "rééducation". L'Europe occidentale voit fleurir de très nombreux établissements nommés "maisons de correction" dans lesquels est mise en place une seule stratégie de "rééducation" ainsi définie: l'enfermement qui conjugue assistance et répression, avec deux objectifs: châtier, redresser. Le système disciplinaire qui y règne est fondé sur trois principes: la surveillance constante, la délation érigée en principe de gouvernement, l'application de punitions corporelles. Peut-on y voir une des origines des connotations coercitives du mot "rééducation"?

FOUCAULT (1972, ed. 1979, p. 523), qualifie le XVII ème siècle d’apothéose du personnage médical". Les médecins aliénistes y acquièrent un pouvoir et un prestige considérables.

Si la rééducation des marginaux est au XVII ème siècle inscrite dans un modèle autoritaire et disciplinaire, le modèle dominant de l'éducation de l'époque se réfère au même modèle. A des problèmes différents, la société du dix-septième siècle, puis du dix-huitième siècle, semble proposer des réponses bien parentes dans leurs conceptions.

Notes
31.

Notre analyse s'étaye principalement, sur ce point, sur le livre de Michel FOUCAULT (1972).