2-1-2- Difficiles conjugaisons: "l'instruction pour tous" et, "que les meilleurs gagnent"... Du "choix" au "mérite".

Deux principes fondateurs et organisateurs de la société vont désormais s'opposer: à ‘ "l'optimisme universaliste" ’ s'oppose un principe antagoniste: ‘ "le réalisme concurrentiel" 39 .

Si le mot d’ordre lancé par Jules FERRY était ‘ "le droit à l'instruction pour tous" ’, conformément aux objectifs de fournir à l'économie une main d'oeuvre qualifiée, d'unifier le pays et d'abolir la division sociale, ilrejette catégoriquement devant la Chambre, le 13 juillet 1880, l'idée même d'une extension de la gratuité de l'instruction à l'enseignement secondaire: ‘ "Le devoir de l'Etat en matière d'enseignement primaire est absolu, il le doit à tous. Pourquoi? Parce que ce devoir est mesuré par l'intérêt social lui-même...Mais quand on arrive à l'enseignement secondaire, il n'y a plus la même nécessité..." 40 . Seuls ceux qui en sont capables y ont droit. On assiste à la mise en place d'un système méritocratique, dans un parcours supposé linéaire.

Dans la Loi GUIZOT de 1833, le Conseil municipal désignait les enfants pauvres, "heureux élus", qui méritaient d'être instruits. Quels étaient les critères de ce choix? On peut penser qu'ils étaient éminemment subjectifs. Les lois scolaires de 1881 et 1882 lui substituent a priori des critères plus démocratiques en donnant aux enfants "une égalité des chances". Mais ce mérite à conquérir et à conserver, ouvre la porte à d'autres questions, présente d'autres pièges. Toute ‘ "une zone ambiguë, fragile" va se développer, "où va s'accumuler toute la violence de l'incertitude." ’ (HENRI, 1987, p. 57).

Notes
39.

C'est à Alain-Noël HENRI (1987) que nous empruntons ces expressions.

40.

On peut retrouver ce point développé dans Jean FOUCAMBERT (1986). L'école de Jules Ferry. Retz, Le livre de poche, 144 p.