2-2- Le cadre scolaire universel et unificateur est mis en doute par la question des différences. Se profile pour l'enfant la menace de l'échec scolaire.

"L'importance que revêtent l'environnement et le cadre, se manifeste toujours par leur défaut, qui ne manque pas de se produire et qui est nécessaire à la croissance même: ce défaut, cette défaillance met l'être humain en crise", rappelle KAES (1979, p. 3), qui ajoute, à propos des institutions: ‘ «Nous savons que la mise en crise des systèmes édifiés pour assurer la sécurité, la continuité, la contenance, la conservation et la ressource est toujours vécue comme une exposition à la mort."(id., p. 4). C'est dire l'importance des enjeux que recouvre et que soulève l'échec scolaire de l'élève qui, par son échec même, met le système en crise.

L'école de Jules Ferry devait se heurter tôt ou tard au problème des enfants qui ne s'adapteraient pas au système scolaire. Elle a de ce fait généré le phénomène de l'échec scolaire, "maladie" inconnue, inexistante auparavant. Le problème de l'inadaptation à l'école a mis cependant quelque temps à émerger.

Lors de l'instauration de l'instruction obligatoire, les ambitions des familles paraissent d'abord liées directement à leur position sociale, les enfants de la bourgeoisie poursuivant plus longtemps leurs études, les autres s'orientant plus vite vers des professions plus concrètes, plus manuelles. Même si l'idéal démocratique et l'égalité des chances sont quelque peu pervertis, chacun peut prétendre trouver une place dans la société, et une place lui permettant de vivre correctement. Quoi qu’il en soit, sont semés en 1881-1882, les germes qui se développeront peu à peu, au fil de cette évolution. En même temps que les postes de travail exigeront une main d'oeuvre de plus en plus qualifiée, les différences entre les individus et leurs possibilités, capacités apparentes du moins, s'accentueront. Le "cancre" accumulera désormais de lourds enjeux autour de sa personne, et en particulier soulèvera la question des limites du système. Il faudra attendre les années 1989-1990, avec la “Loi d’orientation”, la mise en place des cycles et la pédagogie différenciée, pour que soient tentées des modifications dans les présupposés et les principes de l’école. C’est dire toute l’importance des conceptions “des origines” de l’école et de celles attachées aux premières difficultés scolaires rencontrées par les enfants.

La compétition individuelle étant une dimension qui paraît inévitable dans le modèle concurrentiel selon lequel est conçue cette “école de Jules FERRY”, la croyance en des dons personnels ou dans le mérite rendra indigne celui qui ne réussit pas, ouvrant le champ à la culpabilité ou à la conviction d'incapacité, d'indignité personnelle, de culpabilité, de celui qui est en échec...