2-1-2- L'école amorce une série de réformes de son organisation.

Depuis1962, une réforme générale de l'enseignement public est entreprise. Se succèdent de nombreuses tentatives de réorientation des politiques scolaires. Les classes et les établissements d'enseignement spécial se multiplient, dans l'objectif de scolariser et éduquer ‘ "des enfants dont le handicap est définitif et durable" 65 .

D'autres classes, "spéciales", ne font pas pour autant partie de "l'enseignement spécialisé", et accueillent des enfants non handicapés, en échec scolaire. Philippe MEIRIEU souligne que, ‘ "de 1963 à la rentrée de 1977, le premier cycle de l'enseignement secondaire a compris quatre, puis trois filières. Ce chiffre doit être multiplié par deux ou trois, compte tenu de "l'inégalité" de deux filières selon l'établissement dans lequel elle s'effectuait." ’ (MEIRIEU, 1985) 66 .

Les "classes spéciales" se multiplieront peu à peu. Parallèlement aux Sections d'Enseignement Spécialisé des collèges, d'autres élèves se verront orientés en Classe de Transition 67 ou en Classe Pratique, ou encore en "Classe pré-professionnelle de niveau" ou en "Classe préparatoire à l'apprentissage", toutes ces sections recouvrant un enseignement court à visée professionnelle. Le public de ces différentes sections, dont la particularité commune est de vivre l'échec scolaire, est réputé "difficile". Un CAP ne vient pas toujours clore la scolarité obligatoire. Beaucoup d'élèves quittent l'école sans aucun diplôme.

A partir de 1965 les élèves des classes de perfectionnement élémentaires, sauf très rare exception de réintégration dans un cursus dit "normal", seront admis au niveau du collège, dans une Section d'Education Spécialisée (SES) qui fera "suite" à la classe de perfectionnement primaire. La circulaire du 21-12-1965 réorganise l'enseignement spécial. Les enfants déficients intellectuels pourront être accueillis dans:

  • des classes maternelles de pré-perfectionnement;
  • des classes élémentaires de perfectionnement, (enfants de six à douze ans), groupées par deux (classe d'initiation et classe des acquisitions), et annexées à un groupe scolaire de dix classes sur deux groupes;
  • des classes correspondant au niveau d'âge du premier cycle: les SES, annexées au collège. Une SES est prévue pour un secteur de 2400 élèves. Elles reçoivent des enfants débiles légers, âgés de douze à seize ans. (le QI sera compris entre 65 à 80 par la circulaire du 27-12-1967).
  • Les Ecoles Nationales de Perfectionnement (ENP) accueillent des enfants débiles légers et moyens, avec troubles associés et/ou enfants cas sociaux. Ils fonctionnent en internat ou en externat.

D'autres enfants sont orientés en SES seulement au niveau de l'entrée au collège, après un cursus ordinaire marqué par l'échec, à l'école primaire. La "SES" vise à faire obtenir à l'élève, un Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP). D'autres élèves, suite aux mêmes tests, en particulier si des troubles sont associés à leur déficit mental, (troubles du comportement, troubles sensoriels ou même caractériels), sont dirigés vers des établissements spécialisés: Instituts Médico-Pédagogiques (ou IMP). Ces établissements spécialisés relèvent du ministère de la Santé. 68

L'expérience montre que, malgré les déclarations d'intention préalables à leur constitution, ces filières sont quasiment étanches. Un enfant qui y est admis peut très difficilement en sortir et rejoindre un cursus ordinaire.

Alexandre VEXLIARD (1967, p. 179), propose un schéma représentant la structure de l'enseignement après 1967 (date effective de la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans). Il fait ressortir, en particulier, les différentes "filières" possibles, dans l'enseignement, au niveau du premier cycle de collège, et de la scolarité obligatoire:

  • Au niveau des classes de 6 ème et 5 ème, trois cycles parallèles sont possibles.
  • Au niveau des classes de 4 ème et troisième, on passe à 5 filières.

Est mise en évidence la présence de "filtres" à tous les niveaux: CP/ CE2/ CM1/ 6 ème/ 5 ème.

Gaston MIALARET (1970) construit un graphique des répartitions des élèves, en 1968. Il apparaît que:

  • 25% des élèves du "cycle d'observation" (6 ème et 5 ème de collège), sont en classe de transition ou en classe appartenant à l'enseignement spécial;
  • 25% des élèves du "cycle d'orientation" (4 ème et 3 ème de collège, sont en section technique, considéré comme un enseignement terminal, court.
  • 45 % des élèves quittent l'école après 16 ans, fin de la scolarité obligatoire.

Le journal "Le Monde de l'Education" du mois de septembre 1975, titrera: ‘ "Non, l'égalité des chances n'existe pas..." 69 . Cet article reprend le constat, devenu officiel, de l'échec de l'école, par rapport à ses propres objectifs, et de la sélection qui opère à tous les niveaux, depuis l'école maternelle jusqu'à l'université.

La plus "étanche" de toutes les filières reste celle constituée à partir de l'école primaire, par la classe de perfectionnement. On peut considérer que c'en est l'exemple limite. C'est pourquoi c'est à partir de celle-ci, prise comme "prototype", que nous interrogerons les "filières scolaires", comme on les appelle désormais.

Notes
65.

La circulaire du 10-02-1970 rappelle, en ces termes, la raison d'être de ces classes.

66.

Philippe MEIRIEU (1985), fait aller son "héros", Gianni, en classe de transition. C'est l'occasion, pour l'auteur, de soulever les problèmes posés par ces classes "parallèles" au système scolaire ordinaire.

67.

La circulaire n° 64-382 du 18 septembre 1964, par exemple, organise les activités scolaires des classes de transition.

68.

Circulaire du 21-12-1965. Réorganisation de l'enseignement spécial.

Les autres catégories d'élèves inadaptés: déficients sensoriels, infirmes moteurs, pourront être accueillis dans des classes annexées aux écoles élémentaires, dans des classes de premier cycle allant de la 6 ème à la 3 ème de collège, éventuellement dans des classes de lycée créées dans d'une zone urbaine (plus de 300 000 habitants).

Les enfants atteints de troubles du comportement, seront accueillis en Ecole Nationale de Perfectionnement, ou dans des établissements privés qui ont passé un protocole d'accord avec l'Education Nationale (textes de 1960): Ecole autonome de perfectionnement, IMP...

69.

Le Monde de l'Education. (1975), septembre, 14 -19.