2-3- "Remédiations".

La passation de tests par les enfants en échec scolaire, a contribué à remettre en cause des jugements à l'emporte-pièce à connotation morale, en expliquant leur "retard" par une déficience intellectuelle. L'écart possible, révélé par les tests, entre performances et aptitudes, entre autres arguments, nécessitait d'affiner la compréhension de l'échec de certains enfants. Les causes explicatives de l'échec scolaire étaient par conséquent à rechercher aussi ailleurs.

Une ouverture, un écart, une béance, sans doute instigateurs de créativité pédagogique et remédiatrice, sont ouverts ainsi, dans le système sans faille de la pédagogie. Mais s'ouvre aussi une période d'errance, de tâtonnements, de "crise", qui mettra à contribution pédagogues, psychologues, et tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'éducation des enfants et à leur instruction.

On ira rechercher dans un premier temps, tout naturellement, les outils d'investigation dont on dispose: les tests. On attendra d'eux informations, diagnostic, pronostics, et "ordonnances" quant aux remédiations les plus adaptées aux difficultés, de plus en plus fines, décelées chez l'élève. Cependant, la technique "scientifique" d'un test induit, par structure, des investigations de plus en plus analytiques, de plus en plus spécialisées.

Si les mesures de remédiation ont porté leurs fruits, l'enfant, restauré dans son intégrité d'écolier, va quitter le statut d'inadapté. En portera-t-il les marques? Ceci est une autre histoire...Il va pouvoir rejoindre la cohorte des enfants de son âge, dans un enseignement dit "normal".

Cependant, il s'avérera très difficile de réussir cette inscription dans une classe ordinaire, pour un élève qui a effectué un séjour dans une classe spéciale. Les raisons en sont sans doute l'importance éventuelle du handicap ou de la difficulté scolaire, et la réussite dépendra en grande partie du moment où l'aide lui a été prodiguée. Il est toujours plus difficile d'aider un enfant qui est en échec depuis plusieurs années, sans que rien n'ait encore été fait pour l'aider. Le "retard" s'est accumulé et, avec lui, l'intériorisation de son échec par l'élève.

La difficulté à effectuer des "passages", des classes de perfectionnement ou autres classes spécialisées, aux classes "normales", est sans doute due également aux critères fluctuants des indications pour ces classes, qui accueilleront au fil des années, un public de plus en plus hétérogène, aux difficultés de plus en plus importantes, déjà ancrées dans la personnalité de l'enfant. Un écart irréductible ne cessera de se creuser entre "classes ordinaires" et "classes de perfectionnement", écart que l'on retrouvera généralisé bientôt entre la plupart des classes spéciales et les classes ordinaires, dans la mesure où leur fondement reposera sur les mêmes présupposés. D'où la grande difficulté à réinsérer les enfants orientés en "classe de perf", selon le jargon utilisé par les enfants eux-mêmes, dans une classe ordinaire.

Ce paradoxe apparaît comme une constante, inscrite dans les enjeux, de la plupart des aides collectives qui prolifèrent en direction des enfants en difficulté scolaire. Aux pédagogues de gérer, comme ils le peuvent, ces contradictions...