2-4- Y a-t-il évitement d'autres questions et déresponsabilisation de l'école?

On peut se demander si le fait de remettre en question l'élève lui-même en situant la cause de ses difficultés comme uniquement internes à sa personne, n'est pas prétexte à éviter certaines questions sur le système social lui-même, dont participent famille et école? C'est l'interrogation que formuleront les sociologues autour des années 1960-70.

Dans la mesure où l'on estime, que l'on offre autant de moyens à tous les enfants, et que ceux-ci ont autant de chances au départ de réussir, on a souvent considéré que l'enfant "a-normal", ou l'enfant en échec, représente un scandale pour le système. Ne pas rejeter l'indignité ou la culpabilité sur l'élève, c'est risquer de les reporter sur le maître qui n'a pas été capable de faire réussir tel ou tel élève, et l'on comprend bien le mouvement de défense de celui-ci. Ce peut être encore éviter d'incriminer le fonctionnement même de l'école, ce qui pourrait aller jusqu'à envisager sa suppression dans son modèle actuel, ce que proposera Ivan ILLITCH par exemple (1971).

Désigner un enfant comme anormal, handicapé, ou encore déficient, ou "simplement" "en échec", situer les causes de son échec comme inscrites dans sa personne même, dédouane en quelque sorte non seulement l'école, mais aussi la famille, de la responsabilité éventuelle qui leur incombe dans l'échec de l'enfant... Cette désignation risque de confirmer tous les partenaires éducatifs dans une position fataliste et désespérée. Position qui risque de faire considérer comme vains, par avance, les efforts des praticiens engagés dans une action de changement auprès de l'élève. En les menant vers un renoncement éventuel et une négation du postulat d'éducabilité, elle risque de renvoyer les "aidants" éventuels de l'enfant dans le registre imaginaire des vécus d'impuissance.

D'où une question, insistante: quelle est l'instance à "sauver" quand un enfant est en échec scolaire?

Que l'appellation adoptée soit celle de classe de "perfectionnement", qui a pris également d'autres habillages tels que classe de "rattrapage", de "transition", toutes formes différentes d'aides s'adressant à des enfants souffrant d'un "handicap", dans le sens de la métaphore hippique, on peut se demander si elles ne tentent pas de sauver, à la fois, le système concurrentiel, compétitif, et l'universalité d'une seule voie de développement et d'acquisition des connaissances pour tous les enfants.

Cependant, les effets pervers qui ont accompagné l'histoire des classes de perfectionnement, comme de la plupart des classes "spéciales" qui se sont multipliées au cours de l'histoire scolaire depuis 1909, conduiront à en prévoir la suppression.