3-4-2- Quelles en seraient les causes? Faut-il "dépister" la dyslexie?

Simone BOREL MAISONNY relie les troubles de l'orientation et de structuration spatio-temporelle, les troubles de la perception et du langage, à la dyslexie. Roger MUCCHIELLI et Arlette BOURCIER (1971), parmi d'autres facteurs en jeu, insistent sur les liaisons entre l'apparition de cette "maladie" et les troubles de la relation dans l'espace et le temps, entre l'enfant, et le monde environnant, d'une part, et avec les troubles de la construction de son schéma corporel, d'autre part.

En 1896, KERR et MORGAN 84 faisaient l'hypothèse d'une "insuffisance cérébrale" de ces enfants, insuffisance acquise ou congénitale, très proche de ce qui a été nommé "aphasie" ou incapacité verbale liée à une lésion du système nerveux central. Les hypothèses dans le sens d'une explication biologique ou constitutionnelle, ou encore héréditaire, de la "dyslexie", n'ont jamais pu être établies, à ce jour.

Le professeur DEBRAY-RITZEN (1979 p. 37), opte pour quatre propositions:

‘"1. Le facteur génétique est de loin le plus souvent noté;’
  1. Des souffrances cérébrales majeures ou mineures sont relevées dans un bon nombre de cas;
  2. En dehors de ces deux causes, toutes les allégations impliquant des causes affectives ne peuvent être valablement retenues;
  3. La méthode d'apprentissage de la lecture n'est pas en cause."

Claude CHASSAGNY avance que ‘ "Si l'on renonce à s'en tenir au symptôme, si toute conclusion n'est exprimée qu'après une étude complète de la personnalité, on s'aperçoit ’ ‘ qu'il est possible que la dyslexie soit le résultat des conflits de l'enfant par rapport aux adultes ’ ‘ ...qu'elle peut être un trouble instrumental lié à des troubles du langage oral, de l'articulation, de l'audition, de la vue ou de la motricité, lesquels, d'ailleurs, ’ ‘ peuvent être à leur tour imputés à des problèmes psychologiques ’ ‘ " . (1975, p. 18) 85 .

A la seule lecture de ces définitions, on voit combien la conception d'un "terrain" constitutionnel, donc irréversible, de la dyslexie, combien l'intervention du facteur affectif et relationnel dans ce trouble, font l'objet de controverses. On peut en déduire la manière générale dont on concevra l'aide, une prophylaxie de ce trouble et une "réparation" de ces enfants, d'un côté, ou une approche plus relationnelle, de l'autre.

On a pensé, dans la logique d'une approche médicalisante, qu'il vaudrait mieux "prévenir" cette maladie avant son apparition. D'où l'organisation de méthodes qui visaient à traquer "les premiers signes" d'une dyslexie éventuelle chez l'enfant, et ce, dès l'école maternelle. Des tests furent mis au point dans ce but 86 . Des critiques nombreuses ont été formulées à propos de cette action de "dépistage" de la dyslexie. Nous retiendrons celle de Bernard ANDREY 87 : ‘ "S'il y a trouble, ce sera d'abord et surtout un trouble de la notion apprentissage, plus que de la fonction lecture", avance Bernard ANDREY, ‘ "Ceci entraîne évidemment qu'il ne peut y avoir dyslexie avant qu'il y ait eu apprentissage ou essai d'apprentissage, suffisamment durable, de cette activité nouvelle pour l'enfant. Il n'y a pas de signes de dyslexie avant la lecture. On ne peut la dépister avant l'apprentissage. C'est une absurdité. Cela poserait que les enfants sont dyslexiques avant de savoir lire! et que la pédagogie consiste à les guérir...de cette maladie." ’ Et le même auteur d'ajouter que si l'angoisse devant l'activité lecture est une composante fondamentale que l'on peut retrouver d'une manière constante dans la personnalité des "dyslexiques", que si ‘ "le phénomène affectif et émotionnel qui accompagne la dyslexie devient rapidement d'une telle importance qu'il suffit à lui seul à maintenir le trouble, (alors), la dyslexie ressemble davantage à une névrose d'échec qu'à un trouble fonctionnel dans de très nombreux cas."

Dans ce sens, la "dyslexie" devient un trouble second, le symptôme d'un conflit psychique, ou le signe de difficultés à communiquer, de la part du sujet .

Notes
84.

Document interne au Centre régional de Formation des maîtres pour l'Enfance Inadaptée (1975). Grenoble.

85.

Souligné par nous.

86.

MAILLARD, LAFARGUE, MALVY (1959). Le dépistage de la dyslexie. Binop n° 5, nov-déc. Le livre déjà cité de P. DEBRAY-RITZEN et F. J. DEBRAY (1979) s'intitule Comment dépister une dyslexie chez un petit écolier....

87.

Bernard ANDREY. Faculté de psychologie de Grenoble. Extrait d'un document interne, diffusé au cours des années 1970-1975.