Chapitre IV.
Etre rééducateur.
"D'une identité reçue à une identité construite dans une histoire commune, en passant par une "adolescence contestataire" (1970-1990).

Il semble que, en réponse à la première grande question de notre problématique, nous pouvons affirmer qu'en 1970, la création de la rééducation à l'école, a répondu à une nécessité, à un besoin institutionnel . En réponse à une nécessité urgente d'enrayer un mouvement d'exclusion des élèves, du centre du système, l'école a donc créé un instrument pour la lutte contre l'échec scolaire: les GAPP, et, en leur sein, un nouveau corps professionnel, les rééducateurs.

Mais quelle va être la place de cette rééducation? Comment les textes officiels vont-ils la définir? Comment les rééducateurs eux-mêmes vont-ils s'emparer des directives données, comment vont-ils construire leur identité professionnelle? Cette place est-elle stabilisée, reconnue par l'ensemble?

Par une analyse "historique", de l'émergence et de l'évolution des pratiques et des idées d'ordre rééducatif, nous devrions disposer d'éléments de réponse à cette question, mieux connaître et comprendre la place du rééducateur d'aujourd'hui. Suivre le rééducateur dans la construction de sa pratique et de son identité, nous permettra de suivre parallèlement l'évolution des conceptions concernant la difficulté scolaire de l'enfant, et celles relatives aux réponses apportées.

De quels matériaux disposons-nous, pour les analyses de ce chapitre? Les textes officiels (lois, circulaires, décrets, notes de service...) sont abondants pendant cette période. Nous choisirons ceux qui peuvent concerner, de près ou de loin, notre domaine de recherche. Notre choix de départ, de procéder dans une présentation ordonnée des idées et des événements d'ordre pédagogique ou éducatif, ou encore thérapeutique, nous a amenée à utiliser ces textes officiels comme fils directeurs, et comme repères de grandes "périodes". Ici, les années 1970 et 1990 sont marquées, de notre point de vue de rééducatrice, par deux textes qui concernent directement les rééducateurs. Parmi les écrits des praticiens et des théoriciens que nous continuerons à interroger, apparaissent des écrits qui théorisent cette nouvelle pratique dans l'école: la rééducation. Ce sont des écrits en provenance, surtout, de formateurs de Centres nationaux de formation de l'enseignement spécialisé, ou bien de psychanalystes qui se sont toujours intéressés à la rééducation à l'école.

Notre démarche devient plus nettement clinique, et consiste en un métissage entre des écrits et l'expérience professionnelle. Nous ne cherchons pas seulement à décrire ou à expliquer ce qui se passe. Il s'agit non seulement de rendre compte, mais de tenter de comprendre. Il s'agit d'interpréter la réalité d'un texte, d'une expérience pédagogique ou thérapeutique, les implications d'une idée émise, les effets d'un acte. Il s'agit d'interpréter une "réalité" scolaire et sociale qui devient la nôtre, désormais, à partir de 1970, puisque, en tant que rééducatrice, nous avons connu la période que relate ce chapitre. A partir de 1970, nous pouvons dire, comme ces anciens combattants qui racontent "leur" guerre: "J'étais là"...