1- De "L'identité reçue" aux "premiers pas"...

Bien avant sa naissance, le bébé est dans le langage, celui de ses parents, qui font des projets à son sujet, qui anticipent sur sa personne et sur sa vie, qui le définissent. Il reçoit à sa naissance non seulement leur réalité, mais aussi leurs fantasmes, leurs désirs, et les projets qu'ils ont conçus pour lui. Ce sera une tâche délicate et difficile, mais une difficulté banale, ordinaire et commune, pour les parents, de faire le deuil de cet enfant idéal, et pour l'enfant de se séparer de cette prise dans le désir de ses parents, afin d'ETRE, en tant que sujet, mu par son propre désir.

Comme un enfant, une création institutionnelle a des "géniteurs" qui ont conçu plus ou moins de projets pour elle, qui ont anticipé sa nature et son fonctionnement. Sur quels concepts repose "l'identité reçue" ou le modèle théorique de la rééducation en GAPP des années 1970? Qui sont ces "géniteurs"? Ce sont à la fois des textes officiels, émanation d'hommes, ceux d'une équipe ministérielle, relayés par les instances hiérarchiques qui interprètent ces textes. Les textes qui instituent, puis reprécisent ou modifient, ont trouvé leur semence dans les présupposés idéels du contexte d'une époque.

Le constat d'échec d'une instruction égalitaire, le constat d'une accélération inquiétante des processus d'exclusion qui se resserrent d'une manière inexorable autour de tous les enfants "non conformes" aux attentes de l'école, ont fait interroger la conception universaliste de celle-ci. L'expression de besoins identifiés, reconnus, les questionnements qui surgissent face à eux, ont conduit certains à rechercher d'autres voies pour aider ces enfants, ou pour modifier le système lui-même. Les premières expériences tentées, les différents courants d'idées pédagogiques, psychologiques, politiques, etc, prégnants autour des années 1970 dans l'histoire de la pédagogie, ont amené à concevoir, entre autres initiatives, la création de ce corps professionnel spécialisé de rééducateurs, au sein même de l'école. L'institution créé pour la première fois en son sein un corps d'enseignants "qui n'enseignent pas", dont la mission de diagnostic, de prévention et de "réparation", se situe "en écart" d'une classe, dans la frange constituée par la limite du système, pour ramener "vers le centre", les enfants qui s'en écartent ou risquent de s'en écarter. Dès son institution, on peut dire que cette position en "intra-extra-territorialité", sur la marge, sur la limite, sur la frontière d'un système qui resserre ses clôtures, cette place entre un "dedans" et un "dehors", va être, par définition, une position exposée, en équilibre instable, à redéfinir sans cesse. Les oppositions et les tensions que les rééducateurs auront à assumer et à articuler, ne sont-elles pas liées à cette position en marge?

L'instabilité de cette situation, se manifestera en premier lieu, dans la dénomination même des "rééducateurs"...